jeudi 29 novembre 2012

Mon ami François

Salut à tous,

Il y a quelques semaines, nous avions découvert que l'Elysée ouvrait ses jardins le dernier dimanche de chaque mois, et ce gratuitement. Nous avions donc décidé de participer à la deuxième édition de ce qui est forcément, quelque part, de la com présidentielle. N'empêche que visiter un lieu de pouvoir aussi prestigieux, c'est quand même pas banal. Moi, perso, je ne peux pas résister à ce genre d'attraction.


On avait déjà essayé de visiter l'Elysée l'année dernière, pour les journées du patrimoine, mais les cinq heures de queue nous avaient découragé assez vite. En plus à l'époque c'était Sarkozy le locataire, et je n'étais pas non plus emballé de le voir en vrai... Là ce n'étaient que les jardins, la queue était nettement moins impressionnante, mais au moins je ne risquais pas de croiser le moindre nabot populiste. D'ailleurs, y avait peu de chance que je ne rencontre aucun président de la République, genre en train de biner son jardin ou faire trempette dans sa fontaine. Du moins, a priori.

Après avoir acheté des churros au marché de noël qui longe le bas de la plus belle avenue du monde - et qui est déjà noir de monde - , on rejoint donc la file qui poirote devant l'Elysée, à quelques hectomètres de là. On est 4, et même 5, puisque nos amis M&R, et leur adorable gamine L., nous accompagnent dans cet étrange périple. On nous annonce une heure de queue, mais ce sera deux fois moins en fait. Juste le temps de prendre une ou deux photos du grand palais illuminé par le soleil couchant - oui, fin novembre, le soleil est déjà couchant à 15h - , ou de cet improbable atelier massage qui s'est ouvert juste à côté de la file... ah si on avait fait ça devant les boucheries pendant la guerre, l'occupation aurait été une formalité, c'est sûr ! ...

C'est donc plus vite que prévu notre tour, et c'est tant mieux, on peut ainsi parfaitement profiter de ce splendide temps que nous accorde ce mois de novembre gris et humide, comme tous les mois de novembre. C'est donc une fontaine guillerette et des jardins verdoyant qui nous accueillent dans cet ancien hôtel particulier - c'en est toujours un, dans un sens - , situé à un jet de talonnette du studio Gabriel cher à Drucker. Il fut le cadeau de Louis XV à la Pompadour - pas facile à déballer les cadeaux, à l'époque - avant de devenir le lieu de pouvoir des chefs d'état français sous Napo III. Bref, c'est pas le Formule 1 de la Porte Champerret.

Ecoutez, franchement ce n'est pas Versailles, mais c'est quand même très, très impressionnant d'être là. Contrairement à l'ancien château de Louis XIV, ceci n'est pas une coquille vide, désormais uniquement dédiée à l'accueil de plusieurs centaines de milliers de touristes par an : c'est un lieu où, chaque jour, des décisions se prennent, où régulièrement les leaders de ce monde se rendent, où chaque semaine le gouvernement de la France se réunit... un lieu qu'on voit quasi quotidiennement sur les chaînes infos, même si on le voit en général plutôt d'en face, pas des jardins. Pour voir les jardins, faut aller dans une mairie et voir la photo officielle de Hollande. Bref, comme l'Assemblée Nationale, que je rêve également de visiter, notamment un jour où les députés sont là, c'est un lieu de pouvoir, perpétuellement dans l'actu. Et ça, ça vous met les poils en l'air.

Nous voilà donc dans les jardins, à marcher sur une pelouse pas mal grasse et même un peu boueuse - il n'a pas toujours fait beau ces derniers temps, mais quand même - quand tout d'un coup nous voyons les gens, qui se situaient près du palais, soudainement se regrouper à un endroit, tandis que d'autres, un peu plus éloignés, se mettent à courir vers l'attroupement. Incrédules mais présageant assez vite de la nature de cet évènement qui serait capable de faire courir dans la pelouse boueuse des Parisiens bien élevés, on cède à la mode locale et commençons à nous rapprocher à notre tour, de plus en plus vite. Malgré mon manque de pratique depuis un an, je me surprend même à courir. Tous les gens se regroupent autour de quelque chose ou quelqu'un, et c'est sûrement pas Marisol Touraine qui se serait perdu. A priori.

Notre intuition se confirme à notre arrivée au niveau du troupeau qui s'est désormais formé autour de l'évènement... François Hollande, vous savez, le Président de la République, je suis sûr que ça vous dit quelque chose même si ça fait que six mois qu'il est là, a choisi notre heure de passage pour aller faire un tour dehors, saluer les visiteurs en toute simplicité, juste entouré par une demi douzaine de gardes du corps équipés d'oreillettes, discrets mais réels.

Il n'est pas très grand, mais pas aussi petit de qui-vous-savez, du coup même moi je dois tendre mon cou pour apercevoir le crâne présidentiel - et un peu déplumé aussi. Il est accompagné par madame, Valérie Trierweiler, tout sourire et en pleine phase "je dois plaire aux Français parce que pour l'instant ils hésitent entre Bachar El Assad et moi pour savoir qui est le plus sympa des deux". Hollande - oui, le Président, vous savez - prends des photos avec les gens, qui se pressent autour de lui autant que la sécurité le permets. Désolé de le dire, mais il est très affable, très proche, et la légende comme quoi il aime peut-être plus serrer des mains que son "mentor" corrézien, Jacques Chirac, n'est pas une légende, justement. On sent qu'il kiffe ce bain de foule, impromptu ou non. Il distribue les "oh mais vous êtes chez vous vous savez !" On se doute qu'il n'a que des électeurs acquis autour de lui, et que donc il ne risque pas grand chose au niveau réclamations ou questions qui fâchent, et que nos sacs ont été méticuleusement fouillés après que nous soyons passés au travers de portiques de sécurité digne d'un aéroport, mais quand même, on ne sait jamais. S'il a peur d'un mauvais coup - ce serait facile -, il ne le montre pas en tous cas.

Je tente évidemment une avance. D'accord, les jardins ouvrent tous les mois, mais qui nous dit qu'il sort du palais à chaque fois ? Probablement que si, mais faut tomber à la bonne heure alors ! Bref, je n'ai pas non plus l'intention de venir tous les mois me cailler les miches au bas des Champs. Donc, autant profiter de l'aubaine. Hollande est en mode zig zag, il avance sur son perron au gré des poignées de main et des prises de photo, parfois effectuées par Trierweiler elle-même... c'est énorme. Ma copine M parvient à se faire prendre en photo avec sa fille - qui s'en fout d'une force complètement comique, ce sera marrant de voir sa réaction dans quelques années, quand elle reverra la photo et connaîtra l'Histoire de France - , j'arrive à mon tour tout près du chef de l’exécutif, quand je me rends compte qu'aucun appareil photo ami n'est dans les environs, et je n'ai plus de place dans mon téléphone... la foule est dense, on s'est dispersé. Je recule et file chercher quelqu'un pour immortaliser la rencontre. J'y retourne ensuite avec M, et décide de renouveler la même tactique qui m'avais réussi la première fois : saisir la trajectoire présidentielle, et se planter dans la foule mouvante, en face de lui, en attendant le point de rencontre, inévitable. Et le voilà devant moi, tout d'un coup.

Comme aux 50 personnes précédentes, minimum, il me demande d'où je viens. Je réponds les Yvelines, il me dit "oh ben c'est pas loin" ! Fort en géo en plus, il est vraiment parfait pour le job ce mec. Je lui demande si on prend prendre une photo, il me fait "bien sûr !" Génial. Cette semaine, des ministres ont du lui demander des arbitrages, des syndicalistes ont du lui réclamer des trucs, Valérie lui a peut-être demandé de faire la vaisselle... et moi je lui demande une photo, et il dit oui. J'aurais été vexé qu'il dise non, vu qu'il en avait fait une cinquantaine avant, mais quand même...

M prends une première photo, puis se marre : "allez, faut sourire hein !", juste pour faire marrer les gens, et ça marche. Deuxième photo, clic clac, et me voilà pour l'éternité numérique pris en photo avec le septième président de la Ve République, le dirigeant de la 5e puissance mondiale et membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU. Bref, c'est plus une huile, c'est un champ d'oliviers. Quitte à perpétuer une image végétale, je dirais que j'ai gardé la banane durant tout le reste de la journée. Je crois que dans 10 ans, je continuerais d'être effaré par cette photo. Vous imaginez une photo de vous petit avec Giscard ou Mitterand ?

Avec Teddy Riner, ça fait deux, quelle année !


Bref voilà, sur ce je vous laisse, euheuh.

jeudi 22 novembre 2012

James Bond, retour aux sources

Hello à tous,

Un petit post ciné, ça vous dit ? Et pas du petit ciné à la Française genre on passe notre temps à table, ou collé à une fenêtre ou assis sur une plage sous la pluie, non, du ciné comme on aime en consommer sans modération, même si on sait que ça a coûté beaucoup de blé et qu'on va manger du placement de produits à plein tube : Bond, James Bond.

Le dernier est génial, tout simplement. Vu qu'on n'avait pas vraiment vu les deux précédents avec Daniel Craig, on a vite fait rattrapé ce retard, même si on sait qu'en temps normal, les James Bond ne se suivent pas du tout, et qu'on peut les regarder dans le désordre tout en comprenant tout, puisque les histoires n'ont quasiment aucun lien entre elles, à part le héros et, parfois, le méchant. Sauf qu'on a bien fait en fait, vu que les deux premiers Daniel Craig sont directement liés l'un à l'autre, ils se suivent même directement dans le temps, ce qui n'est pas commun, je l'ai dis. En revanche, le troisième sorti cet automne n'a pas de lien avec les deux premiers.

Les films avec Craig sont tellement différents de ceux, tellement plan plans et rasoirs, d'avec Pierce Brosnan (le pire 007 de l'histoire, selon moi, et pourtant y avait Roger Moore en concurrence...) qu'on a l'impression qu'il y a 30 ans entre les deux séries de film. Daniel Craig est quasi inexpressif, il est
violent, ultra physique et ses films offrent un spectacle, notamment des scènes de bagarre ou des poursuites, en voiture ou à pied, d'un niveau assez exceptionnel, et pour tout dire jamais vu dans des James Bond avant ça. Bref, en plus du dépaysement, des paysages, des intrigues et des jolies nanas, on a un truc en plus dans les trois derniers de la série : de l'action, de l'adrénaline. Et on kiffe vachement.

Pour en revenir à Craig en lui-même, c'est vrai qu'on assiste à un tournant. Il est moins drôle façon britannique que les autres, et dans ce registre il rejoint un peu plus Sean Connery, celui qui incarne littéralement James Bond selon moi, et qui n'a jamais été remplacé. Il est extrêmement musclé, ce qui change également, n'est pas poilu, et là il rejoint plutôt Roger Moore (qui, en revanche, avait à peu près 150 ans pendant sa période, ce qui le rendait aussi physique que le héros d'un film de Godard), tout comme le fait qu'il soit blond. On a tort de penser que la tradition en souffre : dans les romans de Ian Flemming, il est blond, justement. Perso je le trouve très bon, y en avait marre de ce Brosnan qui minaudait avec ses costumes cintrés de maître d'hôtel, et jouait de ses sourcils toutes les trois minutes.

Une tradition est vraiment bafouée, on peut à la fois le regretter (parce que c'était une source d'amusement) et s'en féliciter (parce que c'était ridicule) : maintenant, quand James Bond se bat, qu'il nage dans l'eau, et bien il est décoiffé, blessé, mouillé. Ce qui n'était pas le cas des autres, qui ressortaient de n'importe quelle situation difficile aussi bien coiffé qu'avant un cocktail chez Maxim's. Quand Craig a une cicatrice, il la porte, et ça lui rajoute de la virilité, lui qui semble déjà être tombé dedans quand il était petit.

Les deux premiers opus de la nouvelle série avait cédé à la mode de faire des "... begins", c'est-à-dire la genèse des héros. Ces 25 dernières années, on a eu droit à un Batman begins (mais à deux Jokers), deux Spiderman begins, un Superman begins... sans parler des Star Wars, qui se situaient également avant la première trilogie. Bref, toujours le même truc, suffit qu'un truc fonctionne pour que tout le monde fasse pareil... Donc voilà, le jeune James Bond débute dans le premier, Casino Royale : il aime pas se mettre en costard, ne boit pas de martini super compliqué, etc. Et il va devenir le James Bond qu'on connait durant ce film, puisqu'il doit s'habiller et boire pour affronter le Chiffre au poker... le second, Quantum of Solace, fait immédiatement suite au premier, puisqu'il doit retrouver les vrais méchants dans l'affaire, et notamment ceux qui ont tué sa copine Eva Green (sublime).

Skyfall est complètement différent. Après deux films où Bond débute, le voilà présenté comme usé, sur le retour... tout comme M, magistralement interprété par Judith Dench, qui y a un rôle comme jamais elle n'a eu, qu'il fut un homme ou une femme, et même quand elle était enlevée par Sophie Marceau dans les années 90, avec Pierce Brosnan...

Ce qui est génial dans ce film qui marque les 50 ans de la franchise, c'est le retour aux sources total qu'il offre. On y voit le retour de Q (qui a genre 20 ans dans le film, un geek de première), de Moneypenny (une black, pour remplir le cahier des charges), de l'Aston Martin, et surtout une fin de film entièrement tournée en Écosse, dans les Highlands, d'où vient James Bond à l'origine. Et là,
forcément, je peux vous dire que j'étais aux anges... mes Highlands adorés étaient filmés comme dans mes rêves, qui sont devenus des souvenirs. Il y a vingt mois de cela, j'étais là-bas, et j'en rêve encore la nuit. Ces collines escarpées, à l'herbe rare, couronnées de nuages et de bruine... quelle merveille. Rien que pour toute cette fin, j'ai envie de le revoir. Et d'y retourner, bien entendu. J'ai envie d'y retourner, très, très vite. Et cette fois, je ferais que les Highlands, pas Edimbourg. Un road trip jusqu'au bout du monde et sur l'Île de Skye. J'en bave, mes amis.

Bref, on assiste également à un changement de M, ce qui n'était plus arrivé depuis les débuts de Pierce Brosnan, en 1995. A l'époque, la nomination d'une femme à ce poste avait démontré une volonté de féminiser un peu un ensemble terriblement machiste. C'est d'ailleurs la gageure de la série depuis une vingtaine d'années, maintenant que les mentalités ne tolèreraient plus un héros qui feraient tomber les minettes en claquant simplement des doigts. Ça ne passerait plus, logiquement. Sauf que ça faisait partie de la panoplie de James Bond, c'était même son essence, son ADN. Si James Bond ne couche pas au moins avec la James Bond girl, c'est plus qu'une tradition qui tombe... c'est comme si les Jedis se battaient avec des bouts de bois pour pas se faire mal, vous voyez. Du coup, les scénaristes doivent jongler entre la force de la tradition et les obligations modernes de féminisme. Pas simple. Et à l'époque, l'arrivée de Judi Dench en M, soit sa patronne, marque véritablement ce changement : elle dit clairement à Bond qu'elle n'aime pas sa façon de se conduire avec les femmes, et lui dit qu'il est ringard, un des derniers vestiges de la Guerre Froide. Difficile aujourd'hui de dire ça de Daniel Craig, qui se balade avec des tablettes tactiles, et ce malgré sa ressemblance troublante avec Vladimir Poutine...

Bref, voilà une franchise qui parvient s'adapter à son temps, elle dont le thème, justement, semblait difficile à concilier avec les changements de la société. Pourtant, 50 ans après, il est toujours là, et c'est de plus en plus un régal d'aller les voir au ciné... alors que j'y allais un peu à reculons avec Brosnan... et avant j'étais trop jeune :p Bref j'ai hâte de voir le prochain !

Je vous laisse.

mardi 6 novembre 2012

Sixty years

Salut à tous,

Comment ça va bien ? Moi ça va nickel, si on excepte le froid et l'approche de Noël, merci de demander !

Comme un vulgaire jeunot, je viens de passer mes deux derniers week-ends hors de chez moi. Laissez-moi vous raconter le premier d'entre eux, celui en huit comme on dit, avant que je ne vous raconte, peut-être, le second.

Il s'agissait de revenir dans le village yvelinois de mon enfance, mon adolescence et le début de ma vie d'adulte, Issou, situé entre Meulan et Mantes, si on regarde largement, pour y fêter les 60 ans de mon papa et de ma tante, qui, comme vous l'avez très certainement deviné, sont jumeaux. Les fêtes familiales, c'est aussi l'occasion, trop rare à mon goût, de revoir les membres de ma famille, tels que mes parents évidemment, mes trois frères, mon cousin, ma cousine, les cousins des cousins, les amis de la famille... bref, rebrancher, même temporairement, la lampe à nostalgie, pour revoir tous ces visages qui ont constitué ma vie quasi quotidiennement pendant plus de 20 ans, voire plus.

Pour mon Amour et moi, lorsqu'on va dans cette direction, on a deux solutions : soit aller directement à Issou en train, ce qui constitue un voyage long et fastidieux, qui passe par un changement tout aussi long et fastidieux par la guillerette gare de Conflans-Fin d'Oise, par laquelle j'ai transité pendant des années pour aller à la fac de Nanterre, soit aller à Poissy, beaucoup moins loin de chez moi, et que quelqu'un ait la grande bonté de venir nous chercher. Des problèmes de train - extrêmement fréquents depuis la rentrée, en partie en raison d'un nombre important de suicides, et je ne blague même pas - nous privant d'un trajet à Mantes, je suis contraint de demander à mon cousin, A., s'il peut venir nous chercher à Poissy, ce qu'il accepte volontiers.

Voyez-vous, si je devais trouver quelqu'un qui aime plus conduire que moi, ce serait lui, et pour cause : c'est son métier depuis qu'il travaille, ou presque. D'abord comme représentant pour une célèbre boîte de Roquefort, habitué à rouler sur les petites ou grandes routes de province, et maintenant comme... moniteur de stage de voitures de course, vous savez, ces cadeaux qu'on offre à nos papas quand ils sont fans d'automobile, genre conduire une Ferrari sur un circuit, etc. Et bien mon cousin, après un an d'apprentissage, il va faire ça comme métier, et c'est peu dire qu'il kiffe déjà à l'avance, lui qui est mordu de belles voitures depuis toujours. On peut donc considérer qu'un petit aller-retour Porcheville-Poissy un samedi après-midi, ça ne le dérange pas vraiment : toutes les
occasions sont bonnes pour conduire. Je ne vous cache pas que, même si je n'y connais absolument rien en voiture, je partage avec lui l'amour de la conduite. Pas forcément rapide, mais tracer la route, c'est quelque chose qui me fera toujours triper. Et qui ne cesse de me manquer depuis que ma santé financière m'interdit littéralement de posséder une voiture.

Il fait froid, gris et humide face au buste de Pompidou qui orne le parvis de la gare de Poissy, et nous nous attendons à voire débarquer A. au volant d'une de ses voitures pas forcément rutilantes, mais racées et élégantes qu'il chéri d'ordinaire. C'est donc avec un amusement non dissimulé - et partagé avec lui-même, bien conscient du comique de la situation - que nous le voyons arriver dans un pot de yaourt noir et informe, dans lequel je voyagerais le menton coincé entre les genoux, fruit d'un emprunt imposé par la présence de son véhicule habituel au garage. Ne me demandez pas le marque, c'est le genre d'information qui fait la jonction entre mes deux oreilles, sans passer par le cerveau, à vitesse lumière. Ça ne l'empêchera pas de pousser sa voiture d'un jour à plus de 100 à l'heure sur les petites routes de campagne qu'il emprunta pour éviter les départs en vacances encombrant logiquement l'autoroute A13 un samedi après-midi. Déformation professionnelle...

Malgré la démonstration que s'il peut pousser une voiture aussi pourrave à plus de 100 en quelques secondes, il peut faire des merveilles avec un véhicule créé pour ça, on arrive malgré tout en un seul morceau à Porcheville, chez ses parents - mon oncle et ma tante, donc - , où nous attendent sa
femme et son fils, "vieux" de six mois. Un petit bout adorable, un de plus, rejoignant la garnison de mioches délicieux qui embellissent mon quotidien depuis un dizaine d'années maintenant. Pas farouche, et aimant balancer par terre son doudou pour faire criser son jeune papa, qui me rend quand même 10 années pile.

Après cette jolie visite, direction la salle des fêtes où se déroulera la nouba, à à peine une centaine de mètres à vol d'oiseau de ma maison d'enfance, aujourd'hui occupée par des inconnus. Cette salle des fêtes assez moche et quelconque fit longtemps partie de la vue que m'offrait ma fenêtre d'enfant, avant qu'une autre salle de fête, celle-ci d'une laideur absolument infâme et d'une taille telle qu'elle bouchait quasi intégralement ma vue, hormis le bout de la rue avec le stade, en me tordant la tête vers la gauche, vint définitivement gâcher mes séjours quotidiens à ma fenêtre. Plutôt rester assis dans ma chambre à regarder la télé ou dessiner que jeter un œil dehors, et voir l'énorme dinosaure de béton me regarder avec l'air de dire que si je n'étais pas content, j'avais qu'à baisser le store. Ce que je faisais, en général.

A notre arrivée à la salle de fêtes - la première, celle dans laquelle j'ai malgré tout de jolis souvenirs enfantins de fêtes - je constate que le stade a été baptisé "complexe Colette Besson", et que la salle, elle, a été pompeusement nommée "salle Sidonie Collette". Aucun lien, mais j'ai trouvé la concordance des noms assez savoureuse. Comme si on avait appelé un jardin "Lambert Wilson", et la fontaine qui l'orne, "Christophe Lambert". Bref, une sacrée promotion pour un cube de taule et de béton, mais après tout pourquoi pas ! C'est toujours mieux que "salle Dany Brillant" ou "salle Brice Lalonde". En plus ça me permet d'apprendre le prénom de Colette, ce qui n'était pas prévu au départ de cette expédition.

Ca me fait penser que quand j'étais gosse, mon école se nommait "Ferdinand Famy", et du haut de ma petite culture à faire, je croyais logiquement que ce monsieur était terriblement célèbre, vu qu'il avait une école à lui, comme lorsque en colonie, lorsque les autres mioches me demandaient où j'habitais, je disais "Issou, à côté de Gargenville", comme si cette précision géographique suffisait à indiquer mon lieu de résidence à n'importe quel gosse de la Terre. Issou, c'était forcément pas connu, mais Gargenville, oui, évidemment. C'était tellement plus grand... En fait, Ferdinand Famy était un maire d'Issou dont la longévité a évidemment bien mérité que son nom figurât sur le fronton de la jolie école de son village. Mais dont la notoriété particulièrement locale ne permet que de retrouver de vieilles photos de classe lorsqu'on tape son nom dans Google... et même pas les miennes en plus, quelle déception.

On entre dans la salle vers 16h, elle est déjà quasiment prête pour nos libations. Malgré tout, mes parents, ma tante, mon oncle et quelques amis proches y sont encore très actifs. Nous claquons quelques bises, constatant avec plaisir que le temps ne semble pas vraiment avoir de prise sur la génération précédente, ainsi que sur la mienne. Malgré la rareté de nos retrouvailles, ils ne semblent pas changer, et c'est tant mieux. A noter que les "seniors" gardent plus facilement leurs cheveux que leurs gamins. Ça, faudra m'expliquer à quel moment ça a merdé !

Une fois ces embrassades effectuées, je pique la voiture de mes parents pour aller rendre visite à ma grand-mère, hospitalisée à Mantes pour un AVC, et du coup privée de l'anniversaire de ses enfants. Déjà qu'elle n'était plus un monstre d'optimisme depuis la mort de mon grand-père, il y a quelques années maintenant, mais là je peux comprendre que son moral ne soit pas très bon, après un tel coup du sort. Je la retrouve dans une forme physique supérieure à ce que je m'attendais, c'est-à-dire pas extraordinaire mais ça va quand même à peu près, mais le moral est à zéro, surtout que ses enfants, après être venus tous les jours la voir, ne peuvent pas venir aujourd'hui en raison de la préparation de la fête, même si mon père ira la voir un peu avant quand même.

Je repars une demi-heure plus tard, le moral dans les chaussures, et bien loin d'avoir envie de mettre une cravate à paillettes pour respecter le "dress code" de la fête : les années Disco. Les hôpitaux, c'est rarement la fête à neuneu, et les infirmières ressemblent rarement à Katherine Heigl, en plus, même si leur boulot est d'une dureté parfois terrible. Tenir compagnie à ma grand-mère, alors que cette dernière est privée des 60 ans de ses enfants... ça n'a pas du être une sinécure.

Retour à la salle, où nous ne restons pas longtemps. Nous allons nous préparer chez ma cousine, qui vient d'acheter, avec son mari et ses deux fils, une grande maison dont ils aménagent l'étage pour que leurs deux gosses puissent jouir de deux belles chambres dans les années à venir. C'est drôle, parce que cette maison figure sur mon trajet historique pour aller acheter le journal et ses cigarettes à mon père, quand j'étais môme (oui, le vendeur du tabac local acceptait de vendre une cartouche entière de Gauloises sans filtres à un môme, c'est ça les villages où tout le monde se connait...). Elle se situe également à un jet de pierre de la maison de mon ami d'enfance, Cyril, que je n'ai pas revu depuis... au moins 10, voire 15 ans. Voire plus. Il n'empêche qu'à l'époque, je passais mon temps à jouer avec lui, devant chez moi ou devant chez lui. Je connais donc cette maison, sans la connaître, puisqu'elle a toujours été cachée par une immense haie, qui m'a toujours fasciné. Il a fallu que ma cousine achète cette maison pour que je sache enfin, 25 ans après, à quoi elle ressemblait, de l'extérieur et de l'intérieur...

Il y aura quelques jolis déguisements d'adulte, mais les meilleurs auront été ceux des enfants de mon
cousin, et notamment du premier d'entre eux, H., parfaitement grimé en Michael Jackson. Bon c'est celui des années 80, de l'album Bad, pas celui des 70's, mais on ne va pas chipoter... il est parfait, à part bien sûr que pour lui, Michael Jackson, c'est comme Tino Rossi pour nous, vous voyez. Un dinosaure, quelqu'un d'un autre siècle. D'ailleurs, notre demande de chanson restera vaine, mais pas notre demande de moonwalk, parfaitement exécuté...

J'ai mis ma chemise - j'adore autant ça que de faire des courses de Noël, vous imaginez - et ma cravate bleue à paillettes, confectionnées par les soins de mon Amour mais qui, sur les photos, me fera plus penser au foulard de scout de Patrick Juvet qu'à autre chose. M'enfin bon, c'est pas grave, j'ai pas trouvé mieux :p

Direction la fête à présent, cette fois on y va à pied, c'est à deux pas. Nous arrivons dans les premiers, et ce sera donc à nous de recevoir patiemment les bises et autres poignées de main des arrivants. Au fur et à mesure, les 70 invités se dispatchent le long des la grande table en U, dont le sommet côtoie une estrade, où du matos de DJ attends son maître. Tout cela embelli de ballons, de guirlandes, etc. Les enfants jouent déjà activement dans le creux du U, là ou aucun adulte ne s'aventurera vraiment avant de danser, s'amusent avec les ballons de baudruche et, déjà, quelques verres tombent. Comment le leur reprocher alors que, 25 ans plus tôt, nous étions à leur place, à jouer entre nous en attendant que ces lambins d'adultes, si bavards, daignent lancer l'appel à la soupe ? Si un gamin ne peut pas faire de bêtises quand il est gosse, quand peut-il en faire ?

Toute mon enfance, toute ma jeunesse défile devant moi. Ma famille, les amis de ma famille, quelques inconnus aussi... enfin jamais complètement inconnus, souvent des visages croisés dans les rues d'Issou ou à des fêtes diverses. Mon père a même réussi à faire venir ses nouveaux voisins bretons ! Eux, ça faisait VRAIMENT bizarre de les voir là, c'est quand même une belle marque d'amitié. Les seuls visages que je ne connais pas, finalement, sont ceux de certains gamins. On discute, on prend des nouvelles, mais je n'apprends pas grand chose de neuf, à part de nouvelles paternités, inévitables. Si y a un truc sur lequel la France restera encore longtemps compétitive, en Europe notamment, c'est bien sa démographie et sa natalité.

Après cette bonne heure, on s’assoit enfin à table. Les "jeunes" - quasiment que des trentenaires, une table de "vrais" jeunes, avec les gamins, ayant été installée à part, près de l'estrade, avec les plus vieux d'entre eux en charge de la discipline, je le sais, j'ai été à leur place, il y a rien de plus pénible que de passer pour le méchant pour les plus petits - s'installent inconsciemment entre eux, dans le creux du U, face à l'estrade. Mes parents et leurs amis "historiques" se placent à ma droite, alors que les proches de ma tante, eux, vont plutôt à ma gauche. Sans placement à l'avance, les clans se constituent logiquement, mais est-ce un mal finalement ? Au moins on n'a pas du subir le temps d'adaptation et de jaugeage de ses voisins classique des mariages. La soirée est partie assez vite finalement, et tout
le monde se connait quand même pas mal.

Au menu (j'espère ne pas me tromper, je me goure souvent dans cet exercice) : poulet et riz, servi avec une sauce à la crème fraiche et au Calva à tomber par terre de bonheur. Sans parler des gâteaux, à tomber. Moi qui essaie de faire attention en ce moment, je n'ai pas réussi à me retenir de me resservir. Pourtant c'était assez classique, pas vraiment un menu sophistiqué ou concept, juste un menu simple, efficace et bon. Un peu gras, mais bon, à la bonne franquette. Et les assiettes étaient remplies généreusement, c'était la fête quoi, merde ! Que mes amis parisiens et nantais me pardonnent, mais ça me changeait un peu quand même :p Un retour aux sources, en quelques sortes.

Sur les tables, sont disposés des fils de scoubidous, ce qui va m'occuper les mains durant des heures. Ah, le scoubidou... encore une résurgence de ma jeunesse. Et puis faire un scoubidou, c'est comme faire du vélo, ça ne s'oublie pas. Et, hormis un claquage de la main, c'est un peu moins risqué comme sport. Mon père distribuera également une rose à chaque femme de l'assemblée. C'est son truc, ça vient sûrement de son côté pakistanais... il n'empêche, la rose offerte à mon Amour est toujours là, à me regarder du haut de son vase en train de taper ce post...
Sur l'estrade, se succèdent des intervenants divers et variés. D'abord ma tante et mon père, qui nous servent un long discours sympathique, des remerciements, etc. Un coucou à ma grand-mère, aussi, même en son absence. Les amis de mon père leur ont également réservé quelques surprises, notamment une chorale mais aussi, tellement plus marrant, une parodie de YMCA par les Village People. Franchement, ça, c'était hilarant, on sent qu'ils avaient bien répété leur truc... ça donne envie de faire pareil !

Suit un blind test sur les années 70 servi par le DJ, pas facile facile d'ailleurs, qui sert surtout de prétexte à lancer les premiers danseurs sur la piste.
Nous, trentenaires narquois et un peu crétins - on est là pour se marrer, ou quoi ? - taquinons les "quinquas" et "sextas" se trémoussant comme à leurs plus belles années pompidoliennes, sur du Patrick Hernandez, du Boney M et sur du Gilbert Montagné. Sans parler de la sacro sainté chenille... sur du Gilbert Montagné. Ah ça, ils ont encore quelques leçons à nous donner les vieux...

Moi je n'ai pas bougé, hormis sur un slow, occupé que j'étais par mon scoubidou, et à discuter et me marrer avec mes frangins,mon cousin et ma cousine, et les vieux potes d'Issou. Surtout ceux de mes frangins d'ailleurs, ceux que j'avais - il étaient peu nombreux déjà à l'époque, mais quand même - faisant tous défaut. Malgré le
peu d'écart entre les générations - la mienne, celle de mon premier frère (trois ans) et celle de mon deuxième frère (deux ans) - on constate une grande différence d'attachement et de destins. Dans ma génération, tous sont partis d'Issou, parfois assez loin même. Alors que les plus jeunes sont tous là, quasiment aucun ne manque à l'appel ! Une fois de plus, je suis donc le vétéran de cette génération...

Deux heures du mat, trois heures, les premiers départs sont constatés, et on ne fera pas long feu non plus. Nous irons dormir à Mantes, chez mon deuxième frère, J., qui lui ira dormir chez ses potes... tout est sympa dans cet appart, sa taille, le synthé avec les partitions dessus, et même la vue immédiate sur le cimetière, ce qui dégage la vue, et pour longtemps :p Il n'est pas près de voir un immeuble venir se construire devant sa fenêtre... et je ne
parle pas de sa localisation, à deux pas de la gare, ce qui nous arrange grandement... mais avant de repartir ce dimanche matin, nous filons dire au revoir à la salle, où un "retour" se prépare. Bossant à 15h, je ne peux pas vraiment y participer, mais je prends quand même le temps de manger un peu, et d'assister de justesse à la distribution des cadeaux. De notre part : des bougies pour ma tante, un journal de sa naissance à mon père, déniché dans l'exceptionnelle petite boutique située aux Halles, près de la Rue de Rivoli.

Et puis voilà, mon frère nous ramène à la gare. J'ai longtemps détesté la nostalgie, mais j'avoue que ça a des côtés sympathiques quand même. Malgré tout ce qui se passe dans ma vie, je sais que ma famille, tous ces visages, resteront là comme un socle, de quoi voir venir malgré tout. Faut quand même que je les revois plus souvent, tous autant qu'ils sont.

Je vous laisse avec d'autres photos...