lundi 23 février 2015

Métamorphose, l'ascension

Quatre jours.

Dans quatre jours je serai sûrement en train de me réveiller, et tout sera différent. Ce n'est pas simplement de taille d'estomac que je vais évoluer. Si je suis sérieux, que je ne fais pas n'importe quoi - soyons réaliste, ce sont des domaines dans lesquelles j'ai un passé non négligeable - dans les prochaines années, je ne prendrais pas seulement qu'une seule place dans les transports en commun, ce n'est pas simplement que je ne stresserai plus quand je m'assois sur une chaise, non. Ce n'est pas qu'une page que je tourne. Je crois que je vais terminer un livre et en prendre un autre, dans un autre rayon. Je ne sais juste pas lequel.

Déchaîné

Toi mon estomac, qui ne cesse de me réclamer son dû, non pas quotidien mais quasi horaire, tu ne sais pas non plus ce qui t'attends. Pourtant, ton complice le cerveau a une influence certaine sur toi. D'ailleurs, ce serait faux de dire que tu n'as pas changé ton comportement depuis ce jour automnal où, sonné par une énième torsion de cheville plus grave que les précédentes, j'ai décidé de trancher dans le vif, et dans ta masse pour être précis. Clairement, depuis deux-trois mois maintenant, tu es déchaîné, livré à toi-même, sans le moindre contrôle. Toi qui a eu, depuis l'adolescence, une activité pour le moins stakhanoviste, toi qui vidais les placards familiaux aussi vite qu'ils se remplissaient, tu bats tous les records désormais. Ben oui, c'est logique, c'est comme si on prévoyait de me couper la bite ou me crever les yeux : jusqu'à l'instant fatal je deviendrais priapique dans le premier cas, et je voyagerais sans discontinuer pour voir les plus beaux endroits de la Terre, je fixerais mon Amour, mes amis, ceux que je ne verrais plus, pour graver définitivement leurs visages dans mon crâne, jusqu'à l'excès, dans le second cas. Et bien toi, tu fais pareil : tu as l'impression - réelle, j'espère - que tu ne pourras plus jamais t’empiffrer de ta vie. Alors, tu bouffes.

C'est assez pathétique, je dois dire, bien que compréhensible et, surtout, assez fréquent dans ces cas là. Moi, pour ma part - je me présente, je suis la partie du cerveau qui ne contrôle pas vraiment l'autre, tu sais, celui que tu n'écoutes pas et que tu vas devoir écouter désormais - je pense également à après, et j'appréhende de plus en plus. L'opération, je m'en balance, j'ai plus de chance de me faire renverser par une voiture en allant à la clinique que de crever sur la table d'opération. C'est le mois qui va suivre, et ensuite, qui me fait gamberger. Appréhender est un bien grand mot, sinon je n'aurais pas aussi hâte d'y être. Je suis extrêmement excité - rien à voir avec le coupage de bite évoqué un peu plus haut - par l'autre versant de la montagne que je vais découvrir.

Un homme neuf

Concrètement, si je me projette, que va-t-il se passer exactement ? Déjà, pendant deux semaines, je ne vais consommer que de la soupe. Puis durant les deux semaines qui vont suivre, ce sera des aliments mous ou mixés. Et enfin je mangerais ce que je veux, mais toujours pas plus de la taille d'un pot de yaourt, quoique ça soit. A vie. Une vie passée à mesurer les aliments avec un pot de yaourt. Quand on te dit ça, ça fait un choc. Mais c'est une sorte de rédemption, quand j'y pense. J'ai passé la première partie de ma vie à ne pas faire attention, à faire n'importe quoi, à n'écouter personne, quand les autres font tout ce qu'ils peuvent pour s'entretenir, ne pas faire n'importe quoi, même s'ils n'y arrivent pas toujours. C'est justice que j'y sois aussi contraint à mon tour. En espérant que ce ne soit pas vraiment une contrainte, sinon ça sera difficile. Ça doit devenir une habitude, plutôt. Pour ça, je suis très fort, il suffit de regarder mes journées réglées à la seconde près.

Y a un truc qui ne changera jamais, c'est cette manie de digresser... bref.

Donc je vais moins manger. Donc faire des économies, ça c'est bien. Je n'ai jamais essayé de quantifier l'argent que je perds depuis tout ce temps en bouffe, mais ça doit être effrayant. Donc peut-être voyager un peu plus... ce serait bien, parce que je suis loin d'avoir tout vu. Certains de mes ami(e)s me disent que je vais pouvoir m'habiller, ce qui signifie que j'y perdrais du blé en retour, ce serait ballot. Et c'est vrai que la dernière fois que j'ai beaucoup perdu, j'avais acheté pas mal de fringues, mais c'était sur le moment, pour refaire ma garde-robe, ça avait duré le temps de ma nouvelle ligne quoi... pas sûr que je devienne une fashion victime, même si j'aurais fatalement plus de choix pour m'habiller. En gros, chez H&M, j'irai m'habiller ailleurs que dans le seul rayon grande taille. Ça multiplie les choix. Vivement les soldes !

L'enfer, c'est les autres

Voilà, à part ça... comme la dernière fois, les gens vont peut-être changer d'attitude avec moi. Du moins au début. Mes amis proches n'avaient pas énormément changé parce qu'ils me voyaient souvent, et donc étaient moins choqués que ceux qui me voyaient une fois par mois. Aujourd'hui j'en vois certains très peu... mais je leur fais confiance pour ne pas trop être bouche bée en voyant l’athlète grec que je vais devenir. J'étais Demis Roussos déjà, donc ça va.

J'avais eu du mal à gérer ça à l'époque, ça me fera une expérience sur quoi me reposer. J'avais l'impression qu'il n'y avait que ça qui comptait, j'en pouvais plus de ne parler que de ça. C'était moins important pour moi que pour les autres. C'est marrant parce que les gens me félicitaient comme si j'avais sauvé un gamin d'un noyade, alors que pour moi ça avait été juste un jeu à l'époque, un truc pour m'occuper. Je m'ennuyais, j'ai eu une opportunité alors je m'y suis plongé à fond. Si ça avait été dur à faire, je n'aurais pas tenu. C'était complètement différent d'aujourd'hui, où j'ai concrètement très peur de ne plus pouvoir marcher dans dix ans si je ne fais rien. Ce n'est plus un jeu. Si je veux un jour faire la grande marche dont je rêve depuis que j'ai lu la Longue Marche de Bernard Ollivier, je n'ai plus le choix, c'est maintenant ou jamais. Je suis serein, je n'ai pas une hésitation dans le fait de faire cette opération, parce que c'est ça ou le fauteuil roulant avant mon demi-siècle.

Les gens continuent de me féliciter, certains me disent bravo, d'autres bon courage. J'ai vraiment du mal à coller tous ces mots à ce que je vais vivre. Peut-être que je ne réalise pas bien ce qui va se passer, que je me trompe et que je vais en chier. Mais a priori, je ne vois pas ce qu'il y a d'héroïque ou de courageux là-dedans. Je vais confier mon bide à des mecs qui n'ont absolument pas le droit à l'erreur, ce sont eux les héros, déjà. Ensuite, vu que mon estomac sera réduit au minimum, je ne souffrirais pas de la faim. Au bout de trois bouchées, je serais rassasié. Si les gens me connaissaient bien, ils sauraient que je ne suis tout sauf courageux et téméraire, et que si je fais quelque chose, c'est que c'est facile. Je n'arrive pas à me faire mal, à forcer les portes, sinon je serai un écrivain ou un prof, ou je serai maigre depuis plus de dix ans. Quand je courrais 1h30 à 138 kilos, là oui j'acceptais sans problème les félicitations, parce que c'était justifié, c'est sans doute le truc dont je suis le plus fier dans ma vie, avoir réussi ça. Mais en général, je n'emprunte que des voies balisées, faciles, c'est bien ça le problème, sinon je n'aurai pas à passer par cette opération.

D'ailleurs, que dire d'autre à propos de cette dernière à part que c'est la voie de la facilité, justement ? Je sais depuis un moment que je n'arriverai jamais à maigrir naturellement, sur la durée surtout. J'ai déjà maigris, j'ai toujours grossi. Cette opération ne me garantis rien, je vais peut-être encore chier dans la colle comme je l'ai toujours fait, même si je sens que je vais y arriver. Mais c'est une aide très forte pour y arriver très longtemps. C'est la seule et unique manière, il n'y en a pas d'autre. Et c'est la moins qui soit assujettie à ma volonté de moule trop cuite. C'est donc la moins dure. C'est pour ça que je ne sais pas quoi répondre quand on me félicite... c'est pas de la mauvaise volonté, c'est juste qu'il n'y a pas de quoi être fier de faire ça, à tous les niveaux. Je ne fais que ce que je dois faire à cause de mes erreurs, rien d'autre.

Bref, je ne sais toujours pas exactement ce que je serai dans, disons, un an. A priori je serai très maigre, oui, sûrement avec un pantalon trop grand, et j'espère que je recourrerai à nouveau. Est-ce que ça touchera ma personnalité ? Forcément. Je n'aurai plus la bouffe compulsive comme unique hobby, que j'aurai, je l'espère, remplacé par des trucs plus sain. Les jeux vidéos par exemple. Le cinéma, les voyages, mes stats... oh ben j'ai déjà tout ça, c'est cool non ? Bref c'est ça qui est bien avec les versants de montagne, l'attente est belle quand on monte, et la vue qui suit, souvent encore plus belle. En attendant, je vais faire quelques bonnes bouffes pour terminer mon ascension...

A plus tard, de l'autre côté !

lundi 9 février 2015

A la demande générale...


... ça ressemble à peu près à ça. J'espère que vous arrivez à déchiffrer quelque chose. En fait j'y ai pas encore vraiment mis le nez vu que ça va pas me concerner avant une cinquantaine de jours mais bon... Simplement un truc : les trois mots en bas font très peur, à raison, mais ne nous focalisons pas dessus.

vendredi 6 février 2015

Métamorphose, la suite du début

On est le 12 janvier.

Si si, je vous dis qu'on est le 12 janvier, discutez pas enfin, merde ! On est donc le 12 janvier, le week-end est passé depuis mon passage cataclysmique chez le psychiatre du Boulevard de Courcelles, et me voilà, au milieu d'une journée de boulot à la clinique du Parc Monceau pour passer un echo doppler. J'attends une bonne heure, avec devant moi, dans un fauteuil roulant, un vieux dans un état déplorable, et qui ne peut rien faire d'autre que de me regarder. J'ai beau me plonger dans mon Jonasson, ça ne donne pas envie de vivre vieux. Je n'avais pas besoin de voir ça pour le savoir mais bon.

Perforation abdominale

Cet examen ressemble un peu à celui que j'ai passé à la radiologie, au moins sur le plan du gel dégueu. Après m'en avoir tartiné le bide, la docteur me PLANTE littéralement son appareil dans ce dernier. Elle doit faire 17 kilos un soir de réveillon et 66 centimètres sans le mètre mais elle a une force de catcheur héroïnomane. A un moment j'ai un peu l'impression qu'elle essaie de me chatouiller la colonne vertébrale avec son machin. Si j'avais encore eu du souffle à ce moment là et que je n'avais pas été aveuglé par la douleur - non ce n'est pas QUE de la graisse à cet endroit là - je lui aurais peut-être dit que le chemin aurait été plus court en passant par le dos.

Une fois cette perforation inopinée passée, elle m'inspecte tout le bas du corps, à chaque fois en me dégueulassant avec son gel. C'est pas un médecin c'est un escargot, on peut la suivre à la bave. Elle checke mon aine (sous mes bourrelets quoi), mes cuisses... en me montrant sur son écran - à ma demande, j'adore savoir ce que c'est que ces machins moches évoquant un Star Wars low cost signifient - qu'elle vérifie si mes artères ne sont pas bouchées. Elles me paraissent immenses pour tout dire, je pourrais y passer mon pouce. Bref ce fut sportif, mais là encore, RAS. Tant mieux, suivant !

Trois jours plus tard, le 15, retour dans cette bonne vieille clinique du parc Monceau pour voir le cardiologue. Là encore j'attends pas mal mais finalement le cardiologue me prends. Rien de spécial à noter, il me colle des électrodes et tout, vérifie mon cœur et tout, tout baigne. Bon il ne prends pas la carte - ils sont rares à le faire en fait - et mon chéquier n'est pas encore arrivé à la banque, donc je dois faire un aller retour pour retirer ses 130 euros, mais c'est tout. Allo la sécu ?

J'veux du soleil

Pas le temps de traîner, le lendemain matin je consulte le gastroentérologue. Un vieux avec un nom de footballeur marseillais à mèche passé par Grenoble et Bastia, avec qui je discute des origines de son patronyme - j'ai pas tout retenu mais en gros ça vient des goths de la région tourangelle... ou un truc du genre - , me détecte une grosse carence en vitamine D, puis me programme une fibroscopie pour le 24 janvier. Il me refile ensuite une feuille de soin, parce que sa machine à carte vitale ne marche pas. Sympa la clinique internationale, bref. Ce n'est qu'à la poste, au moment de l'envoyer à la sécu, que je me rends compte que le mec a écrit "Cherki" à la place de mon nom, qui n'y ressemble même pas un peu. Il a du penser à un collègue qui l'avait battu au golf la veille ou un truc du genre, bref : un truc à régler d'urgence.

Un nouveau week-end passe, durant lequel j'ai le plaisir de voir mes parents et deux de mes frères, et me voilà le lundi suivant avec carrément deux rendez-vous le même après-midi. D'abord l'endocrinologue, qui zieute mes examens sanguins et confirme que j'ai un problème avec la vitamine D - la vitamine du soleil, logique vu que je l'évite comme la peste. Il me prescrit un médoc que je dois prendre une fois tous les trois mois. J'ai connu plus contraignant comme traitement... faudra juste que j'y pense en avril. Mais ça doit être sacrément costaud pour compenser trois mois de bain de soleil en une fois. Par ailleurs il me refile un papier qui explique comment je devrais me nourrir après l'opération. A première vue, ça va être un changement radical, avec un effet thermonucléaire sur ma façon de manger. En même temps, c'était le but.

Deux heures plus tard, après m'être baladé sur la triste place des Ternes et avoir bu un chocolat chaud dans un café pas loin de la clinique, j'y retourne pour voir l'anesthésiste, en vu de ma fibro du samedi qui suit. Rien de spécial non plus, il me dit juste que l'idéal serait que cet examen puisse couvrir et l'intervention de samedi, et ma sleeve, mais il faudra que cette dernière se déroule dans moins d'un mois, sinon il faudra y retourner. Malheureusement, je crois que je vais devoir retourner le voir.

The Mask

Tous ces examens commençaient à devenir une petite routine quand je suis retourné voir la pneumologue le lendemain soir. A 20h30, oui oui. Sauf que je vais poireauter une heure, pas loin d'un black qui regarde un match de la CAN sur son téléphone, tandis que ma doc me dit par téléphone qu'elle arrive dans 10 minutes. Elle arrive 25 minutes plus tard avec une valise à la main, accompagnée d'un assistant. Je dois faire une polygraphie, c'est-à-dire un examen des apnées du sommeil. J'en avais déjà fait un il y a 4-5 ans, à l'époque de mon dernier régime, quand, durant un hôpital de jour, ils m'avaient dit d'en passer un à cause de mes maux de têtes et de mes ronflements. A l'époque ils ne m'avaient rien détecté donc c'est avec la certitude de perdre mon temps que je rentre dans le bureau de la pneumo. A tort.

Là, son assistant m'installe le matos. Un capteur au bout du doigt, avec un filet sur la main pour pas qu'il bouge, et un appareil fixé sur mon bras ; surtout, un tuyau à embouts dans le nez scotché sur ma tronche, pour capter ma respiration. Cet appareillage, qui me fait sentir comme Hannibal Lecter avec son masque, me vaudra un palanquée de regards interloqués dans le métro et le RER. Pour la première fois de ma vie, je me sens comme les gens qui ont un bec de lièvre ou qui sont très très moches. Je baisse le regard, j'évite ceux des autres, je me mets dans un coin de la rame... expérience intéressante. J'ai beau me fiche de savoir ce que les gens pensent de moi, sinon je ne me baignerais pas sur les plages, j'ai pas non plus envie de devenir un phénomène de foire.

Comme prévu, je passe une nuit épouvantable, j'ai l'impression de ne pas dormir du tout. C'est avec un soulagement infini que j'enlève tout ce bordel à mon réveil. Par contre, le fait de retourner à la clinique dans la foulée juste pour rapporter le matos avant midi, c'est relou. Bref, ça c'est fait. Ce qui est drôle, c'est que mon pote Z. qui, lui, a des apnées depuis toujours, faisait exactement la même chose en même temps...

La piqueuse

C'est fini pour les examens, hormis la fibro qui m'attends pour le samedi. C'est marrant parce que pour moi c'était juste un examen parmi tous les autres que j'ai du me fader durant ce mois de janvier. L. m'avait parlé de cet examen, de l'éventuelle anesthésie générale qui ça allait induire, mais ça m'était sorti de la tête. Bref là ça n'a rien à voir avec le reste : j'arrive à jeun le matin, après deux douches à la bétadine, la veille et le matin, je passe une partie de la matinée à attendre mon tour habillé avec une blouse ridiculement petite, on m'endort, on me passe un tuyau dans le corps pour checker mon estomac et ensuite je passe une autre partie de la journée dans une chambre qui devait être double mais qui s'est avérée individuelle (pour le prix d'une double c'est cool). Bref, à côté l'echo doppler c'était une belote avec des Bisounours.

Le truc relou, c'est la perf que l'infirmière ne va pas réussir en deux tentatives à me planter dans le dos de la main. Elle est sympa et tout, mais elle me fait mal, cette connasse. Je DETESTE les piqures, bon dieu de merde. On peut pas faire une anesthésie générale pour la perf par hasard ? Elle va donc chercher sa collègue plus gradée qui appelle l'autre "mon Anne", comme Canteloup imitant Bertrand Delanoë quand il évoque Anne Hidalgo. Cette dernière me met ma perf comme une fleur, je ne sens presque rien et j'ai presque pas mal. Oui, y a beaucoup de presques mais bon. Tu veux pas m'épouser poulette ?

Major Tom to Ground Control

La salle de réveil où on me mets avant l'intervention et où on me pose ma perf est hallucinante. Y a la radio qui crache du Stromae, y a des gens qui reviennent d'interventions complètement dans le coltard, des médecins qui passent, un panneau accroché au mur qui engueule littéralement les locataires du lieu à propos des câbles qui trainent par terre et sur lesquels les brancards roulent, détruisant du matériel hors de prix... et puis hop, c'est à moi. Allongé sur mon brancard, je vois défiler les carrés du plafond à toute vitesse. J'arrive dans le bloc où le docteur qui m'avait appelé Cherki - problème résolu quelques jours plus tôt après que je l’eut croisé à l'accueil de la clinique - m'attends, me sert la main, me fait m'allonger sur le côté, me scotche un truc rond dans la bouche pour qu'elle reste ouverte... j'attends le sommeil.

J'avais déjà été endormi complètement pour un ongle incarné y a une vingtaine d'années. Je me rappelle très bien de ce moment, du médecin qui égrenait les secondes - 1, 2, 3... - et la sensation d'endormissement, rapide mais réelle. Là, j'ai rien vu. Je me rappelle être allongé sur le côté, bien éveillé quoiqu'un peu... shooté, avec mon truc dans la bouche, et puis l'instant d'après je me réveille, complètement désorienté, dans la salle de réveil. J'ai rien vu du tout, ils doivent avoir un anesthésiant sacrément costaud. Je me rappelle avoir tout de suite demandé si ça s'est bien passé, sans vraiment voir ni savoir à qui je demande ça...

Je passe 30 minutes à essayer de remettre mes yeux devant leurs trous respectifs. Pas évident. Une vieille dame est allongée pas loin de moi. De l'autre côté, la même infirmière essaie de planter un(e) autre patient(e) au même endroit où j'étais juste avant le grand sommeil. Je checke tous les endroits de mon corps, au cas où ils m'auraient enlevé un truc par inadvertance. Un grand moment de lucidité relative. Le doc passe ensuite me voir un peu avant mon départ, dans ma chambre, me refile des clichés de ma fibro - c'est rose, c'est gonflé et affreux - m'annonce que j'ai une œsophagite, en gros des petits ulcères dus à mon alimentation et me condamne à un traitement quotidien pour ça, et me dit au revoir. Merci docteur. Une fois rentré chez moi, je passerais l'après-midi à dormir...

Un bon entraînement de ce qui m'attends dans trois semaines, aussi. Mais en beaucoup plus petit.

The Mask 2

Voilà, depuis j'ai revu la pneumo, qui m'a bel et bien détecté des apnées du sommeil, où je ne respire pas, donc, mais aussi des hypopnées, durant lesquelles je ne rêve pas de manger chez Hippopotamus mais où je respire moins. En gros, quand je ne dors pas, je suis à 99 % de saturation, quand je dors, je suis à 86 %, ce qui est moins, je ne vous le cache pas. Par ailleurs, la machine a mesuré quand je parlais, quand la lumière était allumée... je vois pas bien l'intérêt mais peu importe. Tant que ça mesure pas les flatulences, ça roule.

Bref je vais être condamné, une fois que le technicien sera passé pour installer tout ça, la semaine prochaine, à dormir avec un masque sanglé sur ma bobine, tout ça relié à une machine que je ne sais vraiment pas où je vais la caser vu qu'en guise de table de nuit, j'ai un mur. Va falloir qu'on réorganise l'appart juste pour cette merde, et ce pour plusieurs mois, le temps que je maigrisse et que mes apnées se réduisent. Bref ça ça fait vraiment chier, voyez vous.

Et j'ai revu le chirurgien, avec qui on a défini une date. Le 27/2, donc, un mois avant notre deuxième voyage en Écosse. Espérons qu'après un mois passé à manger liquide je serais dans un état raisonnable pour bien profiter.

Voilà où j'en suis. A plus tard pour la suite du programme !

Je vous laisse.

dimanche 1 février 2015

Métamorphose

Salut à tous,

Si vous le voulez bien, je vais faire un petit point sur ce qui occupe actuellement mes pensées, mon corps et un bonne partie de mon temps depuis plusieurs semaines maintenant, à savoir ma prochaine opération de réduction de l'estomac. Je vais déjà tuer un suspense, elle est prévue le 27 février. Si tout se passe bien. Inch Allah quoi.

J'ai vu le chirurgien mi décembre, et ce dernier, plutôt sympa, m'a donné, comme prévu - car mon amie L., qui a connu, avec succès, la même expérience, m'avait particulièrement bien rencardé sur le sujet auparavant - une liste d'une bonne demi douzaine d'examens à effectuer avant de revoir le chirurgien pour définir une date. L. m'avait annoncé entre trois et quatre mois entre le premier rendez-vous et l'opération, pour l'instant je suis dans la fourchette basse. Faut dire que sur le coup, et contrairement à mes habitudes, je n'ai pas perdu de temps.

Bien aidé en cela par mes horaires modulables, et par le fait que le chirurgien, que j'ai vu pour la première fois à Villemoisson-sur-Orge - oui, ça a l'air aussi perdu que le nom du patelin le suggère -, au fin fond de l'Essonne, à 1h30 de trajet de chez moi en rer, m'a annoncé qu'il travaillait également à la clinique du parc Monceau, situé à deux fois moins de temps de chez moi, il m'a envoyé chez ses potes de cette dernière et j'ai ainsi pu caser tous mes rendez-vous au mois de janvier, après avoir fait ma prise de sang dans les jours qui ont suivi mon entretien avec lui. La station Courcelles et les salles d'attente de la clinique sont vite devenus des endroits récurrents...

Radio gaga

Le premier des rendez-vous fut celui de la radiologie, que j'ai pu faire à côté de chez moi. D'abord je fais une écho, vous savez comme les femmes enceinte, avec le gel dégueu tartiné sur le bide et le doc qui fait passer son bitoniau sur ce dernier pour voir... je sais plus trop quoi d'ailleurs, mais a priori il a rien vu de bizarre. Je lui demande si c'est un garçon, il rigole de façon on va dire relative - combien de fois on lui a faite, c'est la question - puis m'envoie dans la salle d'à côté. Ils m'avaient demandé auparavant d'acheter un produit en pharmacie que je devrais boire durant l'examen pour que mon estomac et toute ma tuyauterie apparaissent bien sur les radios. Problème, une fois debout, en caleçon, collé à un appareil gelé, la fille me dit qu'ils ne m'ont pas donné le bon produit, heureusement il lui en reste de côté. Alors pourquoi on doit aller en acheter avant si vous en avez de côté ? J'te jure, bref. En tous cas c'est assez dégueu comme truc, j'ai gardé le gout dans la bouche toute la journée.

De là où je suis, je vois les radios qui s'alignent sur l'ordi de la fille. Sur l'une d'entre elles je vois bon ben mes deux poumons - j'en ai bien deux, malgré l'impression que j'ai dans les escaliers en général, c'est plutôt rassurant - et une masse grise au centre gauche. Bon ça pourrait être le cœur - ça aussi j'en ai un, c'est cool - mais ça y ressemble pas vraiment, c'est rectangulaire et puis merde pourquoi on verrait le cœur et pas les os par exemple ? C'est space. Comme un con je demande donc ce que c'est, et là évidemment l'autre doc, qui était de passage, me dit "ça monsieur c'est le cœur, vous pourriez en avoir besoin". Mouarf, merci docteur, heureusement j'ai des côtes aussi sinon j'aurai pas pu me les prendre pour me tordre de rire. Bref, bilan de cet examen : RAS.

Soufflez dans le pistolet

Pour info, ce jour là on est le 7 janvier. Ça ne vous dit rien ? Si si ça vous dit quelque chose. En fin d'après-midi je dois voir la pneumologue mais entre temps, des illuminés avaient joué à la guerre dans les locaux de Charlie Hebdo et y avait fauché sans autre forme de procès une bonne partie de la fine fleur de la presse satirique française et même mondiale. C'est donc un peu sous le choc que je me rends pour la première fois à la clinique du parc Monceau, à deux stations de Charles de Gaulle Etoile par la ligne 2. Bon moi je maitrise encore pas bien et je sors à la suivante, qui se nomme d'ailleurs Monceau - celle à l'entrée du parc. Mais bon, comme j'ai une demi-heure d'avance, j'arrive quand même comme une fleur à mon rendez-vous. Comme une fleur = avec 20 minutes d'avance.

La pneumo est marrante, un peu... en fait ça fait un mois que j'essaie de savoir comment la qualifier. Elle vient très certainement du Moyen-Orient, a je dirais la cinquantaine, elle galère avec son ordinateur comme si il sortait de son carton d'emballage... bref, bizarre, mais marrante. Bon, sur le coup quand je lui ai annoncé que j'étais "journaliste" - j'en suis pas vraiment un mais ça va plus vite comme ça - elle me sert une mine contrite méritant un César d'honneur. "Ohlàlà c'est vraiment horrible ce qui s'est passé ce matin..." On discute un peu de ça, comme des millions de gens entre eux dans le pays je suppose. Et là elle me dit : "en même temps leurs dessins... ils ont pris des risques, ils ont un peu provoqué..."

Bon marrante mais pas toujours finalement.

BREF elle me fait souffler dans un pistolet et m'annonce pour résultat que j'ai une capacité pulmonaire un poil en dessous du minimum - 79 au lieu de 80. Raison : chuis trop gros, mes organes pèsent sur mes poumons. Mazette. Je vais souvent entendre ça comme raison pour les rares trucs qu'on m'a annoncé, mais je vous rassure tout de suite, on ne m'a rien trouvé de sérieux, heureusement. En même temps y a rien d'étonnant. Bref, elle me donne rendez-vous au 20 janvier pour faire une polygraphie, un test d'apnée du sommeil. Ok merci docteur, au revoir. Bilan : j'ai pas assez de souffle, reporter d'urgence mon prochain récital au Royal Albert Hall.

L'escroc de Courcelles

What else... ah le pompon du pompon, le psychiatre. J'y vais deux jours après, le 9 donc, matin de la poursuite des frères Kouachi dans le Val de Marne. J'ai rendez-vous à 9h du mat rue de Courcelles, mais pas à la clinique, dans un cabinet privé. Je rentre dans le salle d'attente la plus classe de l'univers connu. On se croirait dans Huis-Clos, mais avec des meubles du Second Empire et FIP qui passe en musique d'attente. Pour me rassurer je cherche un numéro de Paris Match de 1987, comme dans toutes les salles d'attente, en vain. Merde, que va faire Johnny maintenant que Natalie Baye l'a quitté ? Ok trouver un modèle plus jeune mais qui ? C'est de ce tourment intellectuel majeur que le psy vient me tirer après seulement quelques minutes après mon arrivée. Dommage, on en était qu'au deuxième mouvement de la Ve symphonie en ré mineur de Ludwig van Beethoven.

C'est marrant comme il peut exister un gouffre terrible entre l'impression que donne une salle d'attente et la nullité intégrale de son résident. Oh nullité, c'est un bien grand mot, pour parvenir à posséder un tel cabinet il a du faire de sacrés études, écrire des bouquins et avoir de grosses qualités, c'est indéniable. Il n'empêche que son examen pour savoir si un candidat est apte pour une sleeve est une arnaque totale.

Un examen ? Une feuille avec des questions pré écrites, qu'il me pose et à côté desquelles il note les réponses. Des questions du genre "êtes-vous bien intégré professionnellement ?" "Euh... oui". "Ok, oui donc". "Êtes-vous anxieux ?" "Euh oui comme tout le monde parfois..." "Ok, parfois anxieux". Waw ! Génial ! Je peux faire le même métier ? Si si je peux.

Puis il sort un micro et commence à dicter son compte-rendu sur son ordi. Évidemment le succès est relatif, il doit tout relire et ne cesse de corriger, mais la technologie c'est trop génial quand même, surtout pour en mettre plein la vue aux gens. Surtout, il récite AU MOT PRES les réponses que je lui ai donné. Elle est où l'analyse ? Si c'était pour dire que j’étais anxieux parfois, comme tout le monde, je ne pouvais pas directement le dire au chirurgien et ainsi économiser 90 euros ? Et surtout, s'il s'agissait juste de répondre à un con de questionnaire, sans que nos réponses ne fassent jamais l'objet de la moindre analyse, il ne pouvait pas directement me l'envoyer par mail, ou, mieux, mettre son questionnaire en ligne pour qu'on puisse y répondre directement ? Ah non c'est vrai, les chèques par mail c'est compliqué. Un virement peut-être ?

Un escroc, point barre.

Je ne suis pas du genre à faire des esclandres, donc je sors pacifiquement mais avec encore un peu moins d'illusion, s'il m'en restait, sur l'état du monde et ce que font les hommes pour en profiter pécuniairement. Et sur tout ce qui commence par psy aussi. Bref, je me balade une heure dans Paris, tandis que mes amis me relatent sur mon téléphone la course poursuite par les flics des frères Kouachi, et des journalistes derrière les flics. Amedy Coulibaly n'est pas encore connu. Je passerais mon après-midi à bosser avec en fond iTélé. Journée terrible.

Je vais en rester là pour le moment, j'ai déjà fais trop long. La suite au prochain numéro...

Je vous laisse.