Salut à tous. Et ouais c'est moi, près de quatre mois plus tard...
Ce matin j'ai eu un débat avec des amis sur la disparition progressive de l'écriture à l'école, au profit des supports informatiques et numériques. En ce moment, enfin depuis cet été, je suis plongé dans le bouquin de Sylvain Tesson, "Dans les forêts de Sibérie". Un récit de sa vie durant six mois, de février à juillet 2010, dans une cabane en pleine Sibérie, au bord du Lac Baïkal, la plus grande réserve d'eau douce au monde. Six cent kilomètres de long - Paris et Toulouse seraient submergés en même temps - , 80 de large, plus de 1500 mètres de profondeur... sous une épaisse couche de glace d'abord, avant d'arborer une transparence inégalable, l'été, avec une vue profonde de 40 mètres.
Tesson, aussi bon narrateur que son père, Philippe, est un vieux réactionnaire fâcheux, raconte les forêts, l'hiver, les paysages, l'immensité, le temps qui passe au ralenti, malgré l'aide de la vodka et des cigares, sa profonde méditation, d'une façon parfaite. A mon corps défendant, je m'y connais pas beaucoup en littérature, mais selon moi il a écrit un chef d’œuvre. Lorsqu'il part dans les forêts qui bordent le lac, avec ses deux chiens, quand il raconte ce qu'il voit, chaque plan de forêt, chaque arbre, la façon dont la lumière joue avec, je suis avec lui, je vois ce qu'il voit, je frissonne avec lui. Bref, je partage une expérience unique. L'imagination est le levier cérébral le plus puissant, plus que la vue, l'odorat ou même le
Ce matin j'ai eu un débat avec des amis sur la disparition progressive de l'écriture à l'école, au profit des supports informatiques et numériques. En ce moment, enfin depuis cet été, je suis plongé dans le bouquin de Sylvain Tesson, "Dans les forêts de Sibérie". Un récit de sa vie durant six mois, de février à juillet 2010, dans une cabane en pleine Sibérie, au bord du Lac Baïkal, la plus grande réserve d'eau douce au monde. Six cent kilomètres de long - Paris et Toulouse seraient submergés en même temps - , 80 de large, plus de 1500 mètres de profondeur... sous une épaisse couche de glace d'abord, avant d'arborer une transparence inégalable, l'été, avec une vue profonde de 40 mètres.
Tesson, aussi bon narrateur que son père, Philippe, est un vieux réactionnaire fâcheux, raconte les forêts, l'hiver, les paysages, l'immensité, le temps qui passe au ralenti, malgré l'aide de la vodka et des cigares, sa profonde méditation, d'une façon parfaite. A mon corps défendant, je m'y connais pas beaucoup en littérature, mais selon moi il a écrit un chef d’œuvre. Lorsqu'il part dans les forêts qui bordent le lac, avec ses deux chiens, quand il raconte ce qu'il voit, chaque plan de forêt, chaque arbre, la façon dont la lumière joue avec, je suis avec lui, je vois ce qu'il voit, je frissonne avec lui. Bref, je partage une expérience unique. L'imagination est le levier cérébral le plus puissant, plus que la vue, l'odorat ou même le
toucher, car il utilise tout ça réunit, les stimule. Quand on me raconte bien la beauté, je kiffe presque plus que de l'expérimenter vraiment.
Je ne me résoudrais jamais à l'abandon progressif mais inéluctable du papier de la part de notre société.. Un bout de mon appart est monopolisé par des cartons remplis de bouquins dont je ne me séparerais jamais, du moins tant que leur état l'autorisera. Un bouquin est vivant ; tout en lui est naturel, même si son industrialisation a forcément pollué sa fabrication. Un bouquin respire, il SENT, il a une odeur, un grain. Je suis ému par le toucher d'un bouquin comme je suis ému de toucher un arbre. Si vous consultiez mes cartons, vous vous diriez que je respecte pas les livres, que je les entretiens mal. Ils sont vieux, abimés et écornés. C'est pourtant le contraire : je ne supporte pas quand quelqu'un corne une page pour se souvenir de l'endroit où il était. S'ils sont cornés, c'est par ce que je me suis baladés avec, à l'intérieur de mes sacoches successives, ou dans des cartons. Donnez moi une bibliothèque, digne de ce nom, et je vous montrerais. Je rêve d'avoir un jour assez de place pour m'en faire une. Une bibliothèque, une vidéothèque, que demande le peuple ?
Je n'aime pas qu'ils soient cornés, mais j'aime qu'ils montrent qu'ils ont vécu, que je les ai lus. Il y a dans mes cartons des bouquins que je n'ai pas lu, ou juste une fois, au collège, au lycée ou à la fac par exemple, pour les cours de Français ou de Littérature, ou des livres que j'ai récupéré dans la bibliothèque de ma mère, aussi férue au moi, sinon plus, de lecture, et qui m'a inoculé le virus. Et bien ces livres là sont plats, en bon état, ils n'ont pas vécu. Ils sont fades, ternes. Comme ces enfants trop protégés par leurs parents et qui n'ont pas de personnalité parce qu'ils n'ont jamais été confrontés au monde extérieur. Jamais malades, jamais tristes, superficiellement heureux... mais pas vivants pour autant. C'est pour ça que je n'aime pas emprunter des bouquins en bibliothèque : j'aime que le livre m'appartienne, j'aime l'idée qu'il vieillira avec moi, l'émotion future de le retrouver caché dans un carton ou sur une étagère. J'aime pas la culture jetable, ou prêtable, éphémère. Consommable. Quoi, je lis un livre et voilà, il disparait de ma vie, sans laisser de trace, à part dans ma tête et ses trous de mémoire ? Inconcevable. Pour moi, un livre doit rester dans ma vie, longtemps après sa première lecture. C'est peut-être pour ça que je ne raffole pas forcément des musées, au fond. En fait, j'aimerais même qu'ils me survivent, qu'ils profitent à quelqu'un d'autre.
Les bouquins, quand ça vieillit, ça ne fait pas que se corner - les rides, on peut rien contre - ça s'arrondit, ça se tord. Ils sont rectangulaires, mais leurs coins disparaissent, ils sont moins acérés avec le temps et l'usure. A l'achat, ils sont comme les femmes, ils brillent et agichent mais ils sont coupants, piquants, ils ne sont manifestement pas près à être lus facilement. Pour lire un livre, s'installer dedans, il faut savoir l'amadouer. Quand on l'ouvre la première fois, il semble résister, comme s'il voulait nous montrer qu'il n'allait pas se laisser lire aussi facilement, qu'il faut le mériter, le conquérir. Il arrive qu'un livre gagne la bataille, qu'il me repousse. C'est une défaite, pour moi mais aussi pour lui, aussi.
Au début, on ne peut pas le poser à l'opposé de la tranche, sur les pages, pour ne pas perdre celle qu'on lisait, parce qu'il se referme tout seul. A la fin, on a limite du mal à le refermer. C'est tout un processus, une relation humaine avec un auteur, mais surtout avec un objet. Avec un début et une fin. Quand j'achète un livre, il y a comme une excitation, comme les veilles
de grand départ. J'ai une fâcheuse manie de ne pas finir les livres que
je lis, simplement parce que si j'en achète un autre, il faut que je le
lise tout de suite. Impossible de le mettre en attente, parce que l'achat d'un livre est toujours impulsif chez moi. C'est comme si vous me disiez de ne pas consommer de suite la pâtisserie que je viens d'acheter pour atténuer la perpétuelle sensation de faim qui a modelé mon corps depuis l’adolescence. Si j'achète un livre, je dois tout de suite m'y plonger. Sinon, j'ai trop peur que l'envie passe, que le moment disparaisse.
Y a la sensation du toucher, y a l'odeur du bouquin neuf, puis celle de la poussière, le jaunissement léger des pages. Rien ne remplacera ça, jamais. Je ne suis absolument pas attaché aux objets, ces leurres d'éternité, ces fausses balises de nos vies, sauf quand ils sont signes de richesse d'esprits. Si je suis réac sur un truc, c'est bien ça : la lecture, l'objet de lecture. On ne remplacera jamais le ciné, on a malheureusement remplacé les vinyles mais on ne pourra pas remplacer les livres. Je n'empêcherais jamais quelqu'un de lire un bouquin sur tablette. En quoi on m’empêcherait de savourer un livre, sur l'autel totalitaire de la modernité ? Je hais les phrases du genre "c'était mieux avant" parce que c'est galvaudé, tant c'est devenu automatique, et même politique et sociologique. Je ne suis pas réfractaire à la technologie, au numérique, ce serait plutôt l'inverse en fait. Le progrès, c'est la vie. Mais qu'on ne vienne pas m'emmerder avec mes livres. Parce que le support de savoir le plus réfléchis, le plus poétique, le plus civilisé, ça restera toujours le papier selon moi. Un singe saura communiquer par un clavier, mais ne saura jamais lire ou écrire. Ce sont les mamelles de la connaissance et de la civilisation, c'est ce qui a fait de Rome et de la Grèce, des Incas et des Chinois, les maîtres de leurs temps : l'invention de l'écriture et de la lecture, leurs règles. Ne pas savoir bien communiquer, sans règles orthographiques strictes, c'est le début de l'anarchie. Et la lecture nourrit l'écriture.
Je vous laisse, en espérant avoir évité un maximum de fautes... et merci pour votre lecture patiente et bienveillante.