mercredi 26 novembre 2014

Titi au Brésil - 3

Jour 3. Aujourd'hui c'est le grand jour. Le Brésil a beau être un pays que le monde entier rêve de visiter - à raison -, il faut se dire les choses, si on est venu à grands frais de l'autre côté de l'Atlantique et de l’Équateur, c'est aussi parce qu'il y avait une Coupe du Monde qui se déroulait ici. J'aurais sûrement voulu visiter Rio un jour, mais c'est le Mondial qui a fait s'accélérer les choses. Et aujourd'hui, 25 juin, c'est le jour de France-Equateur, à 17h heure locale (22h en France).

On a donc le temps de faire autre chose en attendant, mais on part quand même très tôt, avec l'intention surtout d'ARRIVER très tôt au Maracana. Après avoir pris notre petit dej et nos précautions habituelles - les trucs anti-moustiques - nous voici repartis, mon drapeau offert par mes amis avec leurs noms dessus sur mes épaules. C'est tout ce que j'aurais de Français sur moi... En chemin, nous nous arrêtons pour visiter la fameuse cathédrale conique de Rio, San Sebastien (ou São Sebastião). De l'extérieur, il faut l'avouer, elle ne donne pas franchement envie. Elle ressemble aux églises modernes et moches qu'on rencontre en banlieue parisienne, bétonnées et sans le moindre début de charme, des bâtiments qui ont du mal à évoquer Dieu chez toi, hormis dans la phrase : "nom de Dieu, qu'elle est moche". Elle est juste plus grande. Et conique, ce qui doit, j'imagine, remplacer les flèches de nos antiques cathédrales européennes pour aider les croyants à aller vers les cieux. C'est vrai que quand on cherche le ciel, on a toujours besoin d'une tour pour savoir de quel côté regarder, c'est pas forcément bien indiqué.

En tous cas, venant d'un peuple aussi dévot, aussi fervent, tellement croyant que le premier réflexe des joueurs du Brésil après l'humiliation subie face à l'Allemagne (1-7) a été de s'agenouiller sur la pelouse pour prier, avoir construit une cathédrale aussi décevante extérieurement m'étonna profondément. Une fois à l'intérieur, en revanche... le spectacle est sublime. Nos photos ne rendront rien malheureusement. C'est sombre, mais les quatre lignes de vitraux menant vers la croix centrale qui forme le plafond sont très beaux. Comme dans Indiana Jones, une croix marque l'emplacement (de dieu, vous avez compris). Quand on est au centre, pile sous la croix, la sensation d'aspiration vers les cieux est saisissante. Bref, l'intérieur sauve l'extérieur. Nos âmes ont été sauvées, alléluia.

Nous continuons notre visite du quartier, et descendons vers le sud et Flamengo. En chemin, nous croisons le Teatro Municipal, puis nos pas nous mènent sur la place Alagoas qui lui fait face, jusqu'à la station Cinelândia... qui se trouve être fermée. Damn'it ! C'est pas grave, on continue de marcher vers Flamengo, on se perd un petit peu, on se retrouve devant la fameuse voie rapide de la veille sur laquelle chaque conducteur semble vouloir faire son petit Fast & Furious. Nous empruntons une passerelle, de l'autre côté, d'après notre précieuse carte qui prendra dix ans rien qu'à stationner dans ma poche pendant une semaine, se situe le musée d'art moderne. Non, ça c'était pas prévu... une autre fois peut-être... On repart dans l'autre sens, toujours à pied, et remontons vers le nord et vers ce qu'ils appellent le Centro, en fait le quartier historique situé au nord-est de la ville, à proximité des docks. En chemin, nous croisons quelques jolies églises, des vraies cette fois ci. On entre notamment dans la remarquable
Cathédrale Notre-Dame-du-Mont-Carmel, juste après l'ancien Palais Impérial, aujourd'hui centre culturel dont les marches sont recouvertes d'étudiants.

Nous voilà près des docks. En face de nous, de l'autre côté de l'eau, se dresse une ile au nom flippant, l'Ilha das Cobras - oui, en Portugais, cobra se dit... cobra. De là où on est, ça a pas l'air d'être très effrayant pourtant. Y a que des militaires dessus, ça a l'air assez pépère. On repart vers le nord-ouest, il commence à se faire tard dans la matinée, on a marché un bon moment... j'ai décidé qu'on irait manger à Catete, dans le resto a kilo où j'ai mangé la veille au soir avec mon chef. Les restos a kilo portent bien leurs noms : on remplit son assiette - c'est donné, donc vous pouvez y aller - et vous payez au poids, c'est pas compliqué. Et c'est très varié, vous avez de tout. Pour y aller, en absence de métro proche - on en a marre de marcher - on se décide de prendre le taxi.

C'est marrant parce que depuis plus de dix ans que j'habite pas trop loin de Paris, où je passe l'essentiel de mes loisirs, je n'y ai JAMAIS pris le taxi. Et là, à Rio, comme un bon touriste qui se respecte, je vais le prendre plusieurs fois en six jours. La veille, je l'avais déjà pris pour revenir de Catete, je le sentais mieux que le métro à minuit, et ça a l'avantage de vous offrir une balade dans la ville. C'est pas super cher, même si ça reste plus cher que le métro, évidemment. Ce qui est fendard, c'est que la veille mon chauffeur me ramené à l'hôtel... en matant sa série préférée sur une mini télé installée à côté de son volant ! Hallucinant. Là, pour nous emmener dans le même quartier, le chauffeur se contentera de conduire, ce dont nous lui serons gré. On ne sait jamais, vous imaginez un taxi qui mate 24 ou Homeland et qui fait un écart parce qu'un personnage important se fait plomber ? Hilarant !

Bref, il nous dépose pas loin de là où on va manger, mais avant d'y aller on se balade dans le remarquable jardin du Palacio de Catete, l'ancien palais présidentiel au aujourd'hui le musée de la République. Un immense espace vert garni d'arbres et d'oiseaux divers et variées. Une parenthèse de calme en pleine ville. Ensuite on mange et hop, on prends le métro, direction le Maracana. L'avantage d'une ville avec deux petites lignes de métro ? C'est direct jusqu'au au stade, quelque soit l'endroit où vous êtes...

Au fur et à mesure qu'on avance, le métro se remplit de supporters bleus, mais surtout jaunes. Nous, on discute - enfin mon père discute - avec des Marseillais à l'accent authentique, qui ont un billet en trop et qui cherchent quelqu'un à qui le vendre. Je ne me fais pas trop de soucis pour eux, ils devraient trouver... y a deux sports qui se disputent dans ou autour d'un stade de foot, n'importe lequel, même de Coupe du Monde : du foot, et du marché noir. Une fois arrivés à la station de métro, ils trouveront leur bonheur en la personne d'un... Équatorien.

Les alentours du stade sont sinistres. De chaque côté, des favelas. Nous on est tranquille, on passe entre, bien protégés par des GI Joes à l'air réglementairement peu aimable. Le stade ? Oui c'est le Maracana, d'accord, un stade mythique, ok. On a surtout l'impression d'être à Saint-Denis, sur le point de s'approcher du Stade de France. Sublime, oui, historique - mais entièrement reconstruit - ok, mais banal, finalement. Je m'y attendais, donc la déception est relative, et puis ça reste LE grand stade du Brésil, c'est quand même pas commun pour un Français.

Évidemment, on est hyper en avance, il est 14h. En attendant on se poste près d'un bar qui, ce mois ci, va faire l'équivalent de deux ans de son chiffre d'affaire, au moins, et qui diffuse le match entre le futur finaliste malheureux, l'Argentine de Messi, auteur d'un doublé, et le Nigeria, battu finalement 3-2. A ce moment là, on ne sait pas encore lequel des deux pays on va affronter, puisque c'est de ce groupe que sortira notre futur adversaire en huitièmes. La victoire des Argentins, étrangement présents autour de nous devant le bar, nous rassure : si on ne perd pas, on les évitera.

Ça se remplit autour du stade. Un Père Fourras low cost - un druide, quoi -, entouré de sa clique, déjà bien imbibé, entonne des chants à la gloire de Benzema et ses collègues. En face, les Équatoriens, plus nombreux, masse jaune compacte, chantent également. "Si se puede ! Si se puede !" Si Obama passe dans le coin, il ramasse en droits d'auteurs. Nous, on se prends en photo avec deux "adversaires", que je soupçonne de se foutre un peu de nous au moment du clic. Je parle pas assez bien espagnol pour en être sûr mais c'est pas grave, c'est sympa. Là encore, d'ici à ce que je face une photo avec un équatorien... j'aurais une longue barbe blanche, et je pourrais remplacer avantageusement le Panoramix de pacotille dont la perruque semble déjà vouloir prendre son indépendance...

Finalement, les portes s'ouvrent. Il est encore tôt, on va bien poireauter deux heures, mais c'est pas grave là encore, on profite. On monte le long de rampes au bout desquelles de gentils jeunes avec de fausses mains en mousse nous indiquent un chemin pourtant évident. C'est soit on continue de monter, soit on saute dans le vide. Si on se prend 4-0 on reconsidèrera cette option après le match, mais pas avant. Et puis nous voilà devant l'ovale du stade, quasi vide à ce moment là.

Je ne vais pas vous décrire un stade, vous en avez déjà vu. C'est immense, élégant, mais impersonnel, évidemment. Avant, on savait où un match se jouait parce que ça se voyait, chaque stade était imprégné du lieu et du pays qu'il représentait. Mais la FIFA est passée par là, et aujourd'hui tous les stades sont calibrés pour tous se ressembler. Même le Maracana... vu à la TV, un match de Coupe du Monde au Brésil pourrait tout aussi bien se passer à Stuttgart ou Johannesburg. Bref. J'essaie de montrer mon drapeau à la télé, sans succès. Les caméras filment au bord des tribunes, pas plus loin. Tant pis !

Le match ne fera pas partie non plus de nos plus grands souvenirs. On aura l'honneur d'assister à un des deux seuls 0-0 du premier tour, le deuxième. C'est pas grave, on est qualifié et premier, c'est nickel. Honnêtement, je me doutais que ça n'allait pas être un grand match si la France était déjà quasi qualifiée avant le coup d'envoi. Mais on voulait voir un match de Coupe du Monde au Brésil, c'était le but. Objectif atteint. Maintenant, on va pouvoir se consacrer à plein temps à une des plus belles villes du monde.

Vider un stade de 80 000 personnes avec une seule station de métro, c'est comme tirer la chasse après une très grosse gastro : ça prend du temps. On y parviendra péniblement, et en chemin on décide d'aller dîner à Lapa, dans le quartier de la nuit dont j'ai déjà parlé, pas très loin de l'hôtel. Effectivement, les rues sont pleines de gens discutant un verre à la main. Mon père en profite pour boire sa première Caïpirinha, une obligation à laquelle je ne me soumettrait pas, même si la lampée empruntée à mon pater ne me dégoutera pas. Mais j'aime pas les alcools un peu forts, alors... pas grave. Le resto, le Boteco do Gomes, encore une fois, sera terrible. Dans une charmante et grande brasserie et pour 40 reals - soit environ 15 euros - vous pouvez déguster des plats extrêmement copieux et variés. Je vais mettre la photo de ce qu'on avait mangé, c'était tellement bon qu'on reviendra le lendemain... Bref voilà, ensuite dodo. Demain, la plage...

A plus tard !