mercredi 11 juin 2014

Moi ?

Salut à tous,

Puisque c'est l'objet premier de ce blog et que je le néglige pourtant pas mal, mon blog comme son objet, parlons un peu de moi. Je vous préviens, à par moi, et encore, ce n'est pas un sujet formidablement intéressant. Non pas que je sois forcément ordinaire, parce que par bien des aspects ce n'est pas le cas, mais simplement ce que je suis n'est pas... fascinant. Même moi, je m'auto ennuie parfois.

Écoutez, j'ai fini Assassin's Creed III - deux fois, le IV est encore trop cher, mes autres jeux me bassinent, je les connais par cœur, y a rien à la télé - même si je n'ai pas vérifié - et j'ai envie d'écrire. Ça ne m'arrive pas souvent, et quand c'est le cas j'ai rarement un ordi à portée de main, alors je ne vais pas négliger cet instant miraculeux où j'ai enfin envie d'exploiter une de mes quelques qualités que je me crois suffisamment arrogant d'admettre comme réelle, à savoir l'écriture. Enfin, des fois. Figurez-vous que je me relis souvent, et je dois dire que j'ai un style un peu... pénible. Comme si on avançait dans une forêt touffue et humide, avec des branches qui nous frappent le visage, tandis que notre souffle s'amenuise au fil des difficultés végétales. Regardez cette dernière phrase, par exemple. Irrespirable. Je peux pas juste dire que je fais de trop longues phrases, trop de digressions ? Ça fait des années que tout le monde me le dit. Mais on ne se refait pas. Le style télégraphique, ça m'ennuie. A quoi bon écrire si c'est pour ne pas beaucoup écrire ? Faisons les choses excessivement, ça distrait. Tant qu'on embête pas les autres. Je n'oblige personne à lire mes bouses.

Bon alors donc, parlons de moi. Il serait temps, depuis plus de six ans d'écriture et de posts, de plus en plus rares. Remarquez, je l'ai quand même un peu fait, faut pas déconner non plus. Je n'ai pas fait que de parler de Sarkozy, du FN, du PSG, de foot, de voyages, de séries... oui j'en ai beaucoup parlé mais entre ces marronniers, j'ai parfois glissé par inadvertance des tranches de moi-même. En même temps, tout cela c'est moi aussi. Je ne peux pas me dissocier de ce qui me tracasse, ce qui me passionne... tout ça, c'est moi. Si je n'étais pas moi, je n'aurais pas parlé de tout ça. Donc, par effet de miroir, un post sur Sarkozy de ma part, c'est moi, forcément. Je suis son evil twin, son jumeau maléfique. Ou plutôt son nice twin, son jumeau sympa. C'est vrai ça tient, les personnages de série se dégottent toujours des jumeaux maléfiques, mais jamais des jumeaux cools, c'est n'importe quoi.

Alors, qui suis-je ? On est rarement le mieux placé pour se juger soi-même. Comment puis-je être objectif avec moi-même, alors que je suis manifestement lié émotionnellement, et même physiquement, voire financièrement, avec ma propre personne ? Ça frôle le conflit d'intérêt cette affaire. Donc je résume, les autres ne peuvent pas nous juger parce qu'ils ne nous connaissent jamais complètement, et nous-même ne pouvons pas le faire non plus parce que bon, c'est comme si O.J. Simpson jugeait O.J. Simpson. Alors quoi, est-on condamné à demeurer extérieur à toute introspection, à nous-même, quasi inconscients de notre personne, comme les animaux ? Je fais ça ou ça, mais je ne me demande pas si je fais bien ou pas... en fait ce serait pas mal, de ne pas souffrir de ce qu'on ne voudrait pas être, et qu'on est, pourtant. Admettons que je sois un gros abruti dénué de tout scrupule, pourquoi pas : si je ne me jugeais pas moi-même, je n'en souffrirais pas, et donc je serais le plus heureux des abrutis.

Mais vous et moi savons que c'est impossible. Même le pire des salopards doit avoir des doutes, des fois. Pourtant, on a souvent l'impression que ce sont les gens les plus sympas qui doutent le plus d'eux-même, qui souffrent de ce qu'ils sont alors qu'ils devraient au contraire en être fier. Mais la fierté s'accoutume mal avec l'humilité, qui est la base d'un comportement sain et équilibré. On ne peut pas être une crème, et profiter de l'autosatisfaction d'en être une. Au contraire, les gens dont les défauts sont les plus apparents sont souvent ceux qui sont les plus contents d'eux-même. Quoi de plus fier qu'un patron qui a réussi en affaires en écrasant les autres, ses concurrents et ses employés, tout en vidant méthodiquement les poches de ses clients en leur faisant croire que l'envie qu'il a fait naître chez eux était un besoin vital ?

Mais c'est la logique même. Impossible d'imaginer un type sympa courir dans les rues pour crier "chuis un type bien, chuis un type bien !" Et encore moins un connard qui dirait "détestez moi, je suis un sale type". Non, c'est la continuité même de ce qu'on est. Le type bien essaie de le demeurer lorsqu'il se juge lui-même : il le fait donc avec sévérité, en ne se faisant pas de cadeau. Pourquoi ? Parce que c'est la meilleure manière de ne pas se relâcher, de ne pas se reposer sur ses lauriers. Imaginez que le type bien se dise "c'est bon, chuis un gars cool". Déjà, il se détestera d'être à ce point imbu de lui-même, forcément ça ne colle pas à sa nature humble, on l'a déjà vu. Et puis, ça veut dire quoi, qu'il a atteint un objectif, que c'est terminé, qu'il peut être un salaud maintenant ? Quand on aide une vieille dame, on se sent pourtant gonflé comme un ballon de baudruche, on se sent planer, ça nous sauve une journée, c'est vrai. On a aussi envie de le crier à tout le monde, ça nous frustrerait presque que les gens qu'on croise ne sachent pas à quel point on a été quelqu'un de formidable juste avant. Mais on ne le fait pas, parce que notre bonne éducation ne le permet pas. Notre humilité, alimentée par le fait que les autres nous jugeraient comme vantard. Et ça, on ne peut pas, y a rien de pire.

Le sale mec, en revanche, il peut étaler sa réussite dans les journaux. Quand on fait des trucs pas très glorieux, notre cortex installe un cordon sanitaire moral qui nous permet d'alimenter notre égo de bonne conscience et autres excuses efficaces. Jamais personne n'assumera être une mauvaise personne, mais pourtant ce sont eux qu'on ne cesse d'entendre se justifier, justifier leurs actes, leurs dires. Les gens simples, qui n'embêtent personne, sont invisibles ; les autres, qui n'hésitent pas à bousculer les gens et les règles communes pour leur bien personnel, sont comme les îlots dans un fleuve : ce dernier doit passer autour, faire un détour, pour avancer. Jamais les îlots.

Par exemple, ceux qui râlent le plus à propos des fumeurs invétérés ou des chauffards, ce ne sont pas leurs victimes, non, même si on a le sentiment qu'ils ont la loi derrière eux. Non, ceux qu'on entends à longueur de temps, ce sont les braves défenseurs de la liberté individuelle, ceux que les puissants osent priver de leurs droits. "On n'a plus le droit de rien faire, on peut plus boire, fumer, conduire vite (cf cette pièce)"... et ça passe. Ils polluent, ils tuent, mais comme ils sont du côté de la liberté et de l'anticonformisme - à tort, évidemment -, ils sont populaires. Leur message est plus riant parce qu'il ressemble au notre. On rêve tous d'être libre de faire ce qu'on veut, sans conséquence pour nous ou ceux qui nous entoure. J'attends de voir une pièce de théâtre sur la liberté de respirer autre chose que des reflux de tabac ou de ne pas se faire renverser en voiture par un chauffard qui se croyait jusque là trop bon conducteur pour faire un jour partie des faits divers...

Bref, je n'ai pas parlé de moi. Évidemment, il n'y pas des gens biens et des gens pas biens, on est tous un peu concernés par les deux cas. Quand on fait un truc bien, on le garde pour soi, ou quand on le raconte, c'est le plus modestement possible ; ce n'est pas Ulysse qui a écrit sa propre odyssée. Quand on est moins inspiré, on se déploie en excuses et en justifications, jusqu'à ce que notre conscience ait pu faire passer le camion de la culpabilité dans le garage du déni. Du coup, comme je suis un peu des deux, comme tout le monde, je suis assez ordinaire, malgré des apparences qui laisseraient croire le contraire. On a tous des garages pleins de trucs pas glorieux sur notre chemin, qu'on rouvre rarement pour en admirer le contenu. Finalement, on assume ni nos bons côtés ni nos mauvais... pas simple d'avoir une conscience hein. Regardez votre chien : il aime son maître comme les premiers hommes aimaient le soleil et craignaient la lune ; il mange, il boit, il réagit aux stimuli qui le font se reproduire, chasser... rien n'est réfléchi, tout est instinct. Du coup, aucune culpabilité ; quand il a fait une bêtise et baisse les oreilles, ce n'est pas parce qu'il regrette, c'est parce qu'il sait, par habitude et non par réflexion, qu'il va se faire engueuler. Et une fois le mauvais moment passé, il oublie aussi sec et s'en va renifler les odeurs du jardin. On s'est déniché une conscience et une mémoire, faut faire avec ! L'intelligence, ça a un prix. Ce n'est pas pour rien qu'on a inventé l'expression "imbécile heureux"...

Bravo aux courageux qui sont allés au bout, et à mon prochain moment de désœuvrement !

Je vous laisse.

PS : je viens de me relire. Je m'excuse platement. Mais je vais quand même publier ce post. Je n'en suis pas fier, mais j'assume.