mercredi 15 mai 2013

Choses rares ou choses belles

Salut à tous,

J'étais au Trocadero, lundi soir. Forcément, moi qui ai une belle propension à rater souvent ce genre évènements, je ne voulais pas rater ça. Voir la remise du trophée de mes yeux, moi qui ai attendu la moitié de ma vie pour voir le PSG de nouveau champion ! Un rêve, non négociable.

Et pourtant j'ai du le négocier, un peu contre mon gré au début. En fait, je me suis vite rendu compte que j'avais bien fait de battre en retraite.

Débutons par le commencement : j'arrive au Trocadero avec mon Amour (qui ne restera pas, elle est plus maline que moi) vers 16h00, soit moins de trois heures avant la présumée remise. J'ai rien à faire cet aprèm, alors autant faire comme pour les
concerts, j'arrive le plus tôt possible pour être dans la "fosse", juste devant le podium. En fait au début la circulation reste ouverte, et donc on est retenu par un cordon de CRS d'un côté de la route, juste devant la "tribune" de presse, tandis qu'en face de nous, à l'entrée de l'esplanade des droits de l'Homme, nous regarde de son œil unique un Hexagoal géant, avec écrit dessus "Champion de France". J'imagine à ce moment là que ça va rester comme ça, qu'on restera à distance du podium, et que la distance permettra au bus des joueurs d'arriver tranquillement, et de livrer la fournée de joueurs attendue. Mon inexpérience de ce genre d'évènements parle à ce moment là...

En attendant, c'est extrêmement bon enfant. Les journalistes se baladent dans la foule de supporters, les interviewent, les filment... on ne peut pas dire qu'ils soient calmes, c'est normal, mais il ne font rien de mal. C'est joyeux. Y a même des fumigènes, déjà. Les mêmes qu'on voit dans les stades et qu'on voit souvent utilisés par les chaînes de télé dans les bandes annonces de match, ou dans les manifs de toutes sortes. Bref, qui sont critiqués quand ça arrange tout le monde. En tous cas on peut bouger normalement, il n'y a aucun problème, c'est exactement la fête qu'on attendait, et même qu'on espérait. Sauf si on s'attendait à une réunion de joueurs de bridge de Seine et Marne, bien sûr.

Et puis à un moment, les flics lâchent le cordon de sécurité. Immédiatement, tout le monde court vers le podium... sauf moi, évidemment, complètement surpris. Du coup, moi qui était super bien placé, je le suis un peu moins, mais quand même mieux que 90 % de la foule totale : je suis dans la masse de supporters qui chantent, chantent et rechantent, pile dans l'axe du podium, ou presque. Je ne vois pas la Tour Eiffel dans l'Hexagoal, mais elle est quand même juste derrière. A priori, je devrais bien les voir quand ils arriveront du Parc des Princes.

La foule devient vite très pressante, et je suis vite obligé de rentrer l’Équipe dans mon sac, vu que je n'ai plus de place pour la lire, ni même bientôt pour ne serait-ce que regarder ma montre. Il reste dans les deux heures à poireauter, ça va être long. A un moment, une première secousse survient sur ma droite. Une autre réponds, sur ma gauche. Assez vite, j'ai l'impression de ne plus maîtriser mes jambes, je ne fais que réagir aux mouvements de foule. On est tous littéralement collé les uns aux autres, et dès que des crétins poussent d'un côté, on se retrouve comme soulevés. Et moi, pour que je sois soulevé... je tiens encore une heure, il fait chaud, y a encore du soleil... et puis vers 18h15 je lâche l'affaire. Dans ces cas là, la technique c'est de suivre un mec qui va en arrière et qui crée un semblant de chemin dans la masse. Je recule, pour me retrouver dans des eaux moins... denses.

Je me rapproche des journalistes aussi, qui sont très nombreux. Je reconnais Olivier Le Foll, le journaliste de "terrain" d'iTélé, qui au début saluait du pouce les chants et les démonstrations de joie devant la caméra des supporters, et qui passera ensuite sa soirée à geindre sur le plateau de sa chaîne, pour dire qu'il a eu très peur, que c'était la guerre, etc. Encore un qui n'a rien vu venir. Je vois aussi, sur la fin, Daniel Lauclair. Pourquoi, j'en sais rien, mais il était là. Des années qu'il veut se faire passer pour un journaliste sportif, après avoir commenté le Tiercé pendant des années, mais il est aussi crédible au bord d'un terrain ou près de supporters qu'un cheval dans le 93.

Je suis plus libre de mes mouvements, même si le podium est désormais difficilement visible de là où je suis, compte tenu du nombre de drapeaux dressés en l'air et des fumigènes. Et je fais 1m92... et je ne parle pas de ceux, les pauvres, qui étaient derrière moi. Mais bon, je le vois quand même. De chaque côté du parvis, des écrans géants sont dressés, sur lequel on voit les joueurs parisiens s'approcher en bus, faire les cons, prendre en photo là foule... ces joueurs là ont l'habitude des triomphes de ce genre, mais ils restent des gamins dans ce cas là, ce que j'apprécie beaucoup. Ces joueurs auraient pu être blasés de gagner un titre moins ronflant que celui de champion de France, après en avoir empilé dans des pays plus prestigieux sur le plan du foot... ce n'est pas le cas. Même Beckham, multi titré (il jouait déjà lors du dernier titre, en 1994...) semble avoir gagné son premier trophée... des champions quoi.

Je suis au milieu des supporters, encore. C'est jeune, pas plus de 25 ans, sauf quelques historiques, qu'on sent être présent depuis des lustres, et qui chantent et font les gestes presque automatiquement. Je reconnais aussi des têtes qui, comme moi, n'ont pas supporté les mouvements de foule de devant le podium, et qui ont eux aussi reculé. En attendant ça se resserre - l'afflux de supporters est constant - , ça s'enfume, et je dois encore reculer. Je suis vieux, je n'ai plus l'habitude pour ces conneries. J'ai rarement eu autant conscience de mon âge avancé que lundi dernier, peut-être est-ce ça qui m'a déprimé le plus, encore plus que la fête gâchée, au fond.

A un moment, tout le monde lève la tête. En haut du Musée de l'Homme, à notre droite, là où est écris :

Choses rares ou choses belles
Ici savamment assemblées
Instruisent l'œil à regarder
Comme jamais encore vues
Toutes choses qui sont au monde

un mec a escaladé l’échafaudage qui grimpe jusqu'en haut du bâtiment. Il se dandine, brandit son écharpe, fait des gestes obscène, se balade sur une corniche qui paraît aussi épaisse que sa capacité de raisonnement... j'ai l'impression à chaque instant qu'on va assister à sa mort en direct. Un des rejetons directement nés de cette société qui promeut la célébrité avant toute autre valeur. Il a eu son quart d'heure, il pourra raconter son "exploit" à ses enfants, à qui je souhaite bon courage. La foule est électrisée, rigolarde. Un mec près de moi chante ironiquement "qui ne saute pas est Marseillais !", un autre chante que c'est "un mec"... il parvient en haut, tandis que d'autres "mecs" commencent à l'imiter. Sérieusement, où sont les flics à ce moment là ? On ne demandait pas 150 000 flics, mais au moins une demi douzaine qui surveillent la structure, ça aurait été pas mal, non ? Comment ces types ont-ils pu atteindre une échafaudage aussi dangereux ? Et encore, j'ai raté ceux qui ont escaladé la longue perche de la caméra...

Le speaker, qui jusque là nous félicitait, nous chauffait en lançant les chants habituels, nous annonçait la prochaine arrivée des joueurs - mais il y a trop de monde, le bus est logiquement retardé - commence à ânonner d'une voix peu rassurée qu'il "faut descendre de la tour, elle va tomber !!" La foule rugit de plaisir, comme si elle n'attendait que ça. Peut-être pas autant que la forêt de caméras, juste derrière moi, qui sont sans la moindre exception toutes dressées vers l'évènement. Des flics montent à leur tour pour virer ces couillons, mais ça ne fait qu'ajouter à la confusion. Le mal était fait.

Le speaker ajoute que tant qu'il y aura des gens là haut, les joueurs ne pourront arriver, vu que la sécurité ne sera pas optimale. Tu m'étonnes ! T'imagines si la tour tombe sur Pastore ou Thiago Silva, pouf 100 millions qui s'envolent ! Vous imaginez la catastrophe, ohlàlà ! Je sens les gamins autour de moi très chauds, et en train d'apostropher les journalistes, derrière moi. Bref, je sens sérieusement qu'ils n'arriveront jamais. Ça fait plus de trois heures que j'attends, j'en ai marre, j'ai mal aux jambes, j'ai les yeux explosés par les fumis, je deviens claustrophobe et je sens que ça dégénère... je décide de partir. Tout en évoluant au sein de la foule vers le Boulevard Kleber, je vois tous les regards se diriger derrière moi. je jette un coup d’œil et je constate, effaré, que les gamins ont pris littéralement d'assaut la tribune de presse, malgré les bourre pifs que tentent de distribuer les malabars chargés de sa sécurité. Entraîné par la foule, comme dirait l'autre - celle qui sort, comme moi -, je n'ai pas le temps d'en voir plus.

Je prends le métro sur l'avenue Kleber, et je rentre chez moi, complètement démoralisé. Pourtant, je suis loin d'imaginer à quel point ça va dégénérer. A ce moment précis, je suis surtout dégouté d'avoir du renoncer à voir la remise du trophée, aussi laid soit-il. Un après-midi de gâché, dans les grandes largeurs. Après avoir raté un billet pour voir le Barça, me voilà spolié d'un autre évènement de la grande saison parisienne. Je suis peut-être le plus mauvais supporter parisien qui soit - pas un match au Parc cette année, vous imaginez ? - mais je suis aussi un des plus poissards. On est quand même nombreux dans ce cas, ce lundi.

Ce n'est qu'à mon arrivée chez moi et l'allumage de la télé que je me rends compte du "désastre". Déjà, j'ai raté la remise du trophée d'un quart d'heure... même si ça a duré 5 minutes, j'ai la rage. Comme à leur habitude, les chaînes infos en font trop. Y a eu des incidents en marge des festivités pour les titres de Bordeaux ou Marseille ces dernières années, et même à Saint-Étienne ce printemps pour le gain de la Coupe de la Ligue. Y a-t-il eu les mêmes armadas de pseudos spécialistes sur les plateaux télés pour déblatérer les habituelles âneries populistes et démagos sur les supporters ? Non. On a quasiment rien lu ou entendu sur le sujet. Mais Paris, ça fait vendre, les journalistes sont sur place, ainsi que le ministre de l'Intérieur, les boutiques vandalisées sont plus luxueuses, etc. Le délire médiatique peut démarrer.

Tout est mis dans le même sac, les supporters, les ultras, les casseurs... les supporters du PSG passent tous pour des abrutis capables uniquement de casser quand ils font la fête, et le club parisien passe une nouvelle fois pour un irresponsable. Comme si le PSG, qui a déjà fait le "ménage" - pour moi de façon très discutable, en haussant sensiblement les prix et en supprimant les groupes de supporters, spoliant de leurs passions des milliers d'Ultras - dans ses tribunes, devait également faire la police dans les rues de Paris... déjà en 1996, la cérémonie au Parc des Princes pour montrer la Coupe des Coupes avait été un fiasco à cause de l'envahissement des "supporters". Malheureusement on dirait qu'on ne peut pas organiser de manifestation à Paris, sportive ou non. Les casseurs viennent dès qu'il y a un gros attroupement, quel qu'il soit. Peut-être aussi que si les joueurs étaient arrivés plus tôt, à l'heure par exemple, ça aurait moins dégénéré.

Le problème est nettement plus profond qu'une simple politique de supportariat d'un club de foot. Y aurait eu les mêmes incidents en marge d'une manif de la CGT, on aurait moins parlé, sans doute parce que ça arrive presque à chaque fois. Ce fut le cas aussi en marge de la Manif pour tous... y aura toujours des casseurs... on est le pays au monde qui fait le plus de manifs, mais on ne sait pas les faire.

Bref voilà, encore une preuve que ce club n'est pas vraiment fait pour le bonheur. C'est peut-être pour ça que je l'aime tant, parce qu'il me ressemble sûrement un peu ! Un gros potentiel, peu de résultats.

Je vous laisse !

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