Retour du foot sur ce blog. Ok, je rigole, j'en parle tout le temps, et pourtant je vous jure que je me retiens, histoire qu'il ne devienne pas l'équivalent d'un blog de foot à la Menès ou à la BRP. Mais bon quand même, c'est un peu mon activité quotidienne, ma passion, et l'actu est riche en ce moment, donc merde quoi.
Deux choses ont mobilisé l'actu footballistique ces derniers jours, en dehors de la comparaison forcément pathétique avec les handballeurs, facile et populiste : la première liste de l'année de Laurent Blanc, et les problèmes des clubs de Ligue 1 en Coupe de France. Et bien, figurez-vous que ces deux thèmes ont un lien, léger mais loin d'être anecdotique.
Blanc a sélectionné - logiquement - pour la première fois - ça c'était moins logique, vu qu'il le méritait depuis un moment - le défenseur central d'Arsenal,
Laurent Koscielny, dont le patronyme "polonophone" commence déjà à jouer avec les capacités oratoire des journalistes chargés de relater la nouvelle. Pourtant, pour un nom à consonance polonaise, y a bien pire hein. Imaginez que l'ailier de Dortmund Jakub Blaszczykowski ait opté pour la sélection française, et c'était Thierry Roland qu'on perdait définitivement. Dans les années 50, à l'époque où de nombreux fils d'immigrés polonais faisaient briller l'Équipe de France, on avait trouvé la parade : Raymond Kopaszewski était devenu Raymond Kopa, Théo Szkudlapski se faisait juste appeler Théo, etc. Bref ! On est loin de mon sujet :p N'empêche, il aurait pu choisir la Pologne, comme Ludovic Obraniak (Lille) ou Damien Plessis (Sochaux). Mais ils ont soit attendu trop longtemps, pour le premier, soit n'ont jamais eu la moindre chance d'être appelés en Bleu...
Koscielny a une particularité, c'est qu'en l'espace de trois ans il est passé du National, où il jouait avec Tours, à la Premier League, où il brille dans un des meilleurs clubs du monde. Né à Tulle, formé à Guingamp où il n'a pas eu sa chance - son entraîneur le faisait jouer latéral, j'avais d'ailleurs cette image de lui avant qu'il ne s'impose dans l'axe au sein de l'élite - il rejoint Tours, avec lequel il remonte en Ligue 2 en 2008. Là il brille avec son club, qui rate une deuxième montée consécutive pour 5 points, et comme beaucoup d'excellents joueurs de Ligue 2, il est repéré par l'entraîneur de Lorient, Christian Gourcuff, qui a
révélé dans son club plein d'anciens pensionnaires de ce championnat (Gameiro, Sigamary Diarra, Amalfitano...).
En Bretagne, il se révèle. Septième en fin de saison, le meilleur classement de son histoire, Lorient est stabilisé par un défenseur sobre, pas très costaud mais très impressionnant dans l'anticipation et l'intelligence de jeu, sans parler de sa relance, et qui plante en plus quelques buts. A la fin de la saison Arsène Wenger le recrute pour venir jouer à Arsenal, un club parfait pour joueurs français en quête de reconnaissance. Il a joué depuis 27 matches en Angleterre, et inscrit 3 buts. Ce qui est étonnant, c'est qu'un joueur aussi intelligent et brillant que lui ai mis 6 longs mois pour inciter une ancienne référence à ce poste si spécifique, Laurent Blanc, de l'appeler. Mais Koscielny, au même titre que Sakho, c'est l'avenir des Bleus dans l'axe, c'est évident.
Bref, là où je veux en venir c'est que de plus en plus de joueurs qui ne parviennent pas à s'imposer avec leur club formateur se relancent en National, pour rebondir jusqu'en Ligue 1, voire en Équipe de France. C'est une tendance très forte depuis 5-6 ans, depuis la révélation de Ribéry juste avant le Mondial 2006, en passant par Valbuena, Rami ou Gignac, sans parler de l'éphémère Julien Faubert.
Je me suis amusé à composer une sélection des meilleurs joueurs français qui sont passés, à un moment ou à un autre, par le troisième échelon, voire plus bas. En bleu, les joueurs sélectionnés ou appelés récemment en sélection :
Ruffier (Monaco)
Jallet (PSG) Rami (Lille) Koscielny (Arsenal) Faubert (West Ham)
Valbuena (Marseille) J.Marveaux et Jeunechamp (Montpellier) Ribéry (Bayern)
Gignac (Marseille) Giroud (Montpellier)
Pas mal non ? Elle a de la gueule cette équipe, de la technique même, elle n'est pas rugueuse comme on aurait pu l'imaginer d'une sélection de joueurs rejetés par le système de formation français, ou qu'ils ne l'ont même jamais connu. J'aurais aussi pu citer Contout et Sammaritano (Auxerre), Hamouma (Caen)...
Le lien avec la Coupe de France, et la débandade de la Ligue 1, c'est qu'en dehors de la reprise difficile en janvier (ou s'est disputé quasiment trois tours d'un coup !) et de la motivation toute relative (même les 4 rescapés en quart de finale ont fait tourner leurs effectifs durant ces matches) de clubs conscients que le championnat est leur gagne-pain, sachant qu'une coupe ne fait jamais descendre un club, les clubs amateurs n'en ont aujourd'hui que le nom, et bien sûr souvent les structures. Mais quand vous regardez les effectifs de National, voire même de CFA, vous constaterez qu'à hauteur de 50 %, au minimum, il s'agit de joueurs, comme Koscielny et ses compères, qui n'ont pas réussi à passer le cut professionnel, mais qui sont tous passés dans des centres de formation pros, s'entraînant et apprenant un métier en compagnie d'autres qui, eux, et souvent pour des détails, réussiront du premier coup. Ribéry a été viré de Lille parce qu'il n'était pas sérieux. Valbuena, de Bordeaux, ben parce qu'il était trop petit. Imaginez si on avait dit la même chose et au même endroit à Giresse, il y a 40 ans... Le monde amateur s'est depuis délecté de révéler à la France et au monde leurs talents.
Alors certes ils travaillent souvent à côté, mais c'est fini le foot amateur à papa, qui s'entraîne une fois par semaine, terminé les gars du terroir qui lâchent leurs tracteurs le WE pour défier les gars de la ville. Aujourd'hui, ils s'entraînent souvent 4 fois par semaine, guidés par des entraîneurs venant, eux aussi, du monde pro, à l'image de David Guion, le coach de Chambéry, petit poucet de la présente édition.
Regardons un effectif moyen de National : Rouen, par exemple. Y évoluent le défenseur central Michel Rodriguez (32 ans, 58 matches de Ligue 1 avec Montpellier entre 96 et 2000), Cyril Arbaud, formé à Marseille il y a plus de 12 ans, etc. A Cannes, Jan Koller, bientôt 38 ans, 56 buts en 91 sélections avec la République Tchèque, truste la tête du classement des buteurs (11 buts). D'ailleurs, si vous regardez ce classement, un seul joueur parmi les 11 meilleurs n'a jamais joué au-dessus du National. Avant, la D3 c'était champêtre, aujourd'hui c'est soit pro, soit demi-pro. Obligé d'avoir des structures, même pour Luzenac ou Alfortville, quand vous affrontez Strasbourg ou Bastia, qui bataillaient en Ligue 1 y a pas si longtemps. D'ailleurs, ces deux clubs n'ont pas hésité à recruter dans le vivier "amateur" ou semi-pro pour viser la remontée. C'est quasiment dans la poche pour les Corses, et encore possible pour le Racing, dont le superbe stade de la Meinau (29 000 places) n'a strictement rien à faire à ce niveau.
Bref, plus que le niveau de la Ligue 1 qui aurait soit-disant baissé, vieux serpent de mer des partisans de la baisse des impôts pour les joueurs, c'est surtout les divisions inférieures qui a nettement augmenté, grâce à l'excellent travail de nos centres de formation, qui, lorsqu'ils ne fournissent pas la Ligue 1 ou la Ligue 2, inonde les clubs amateurs de très bons joueurs qui ont raté d'un rien la carrière pro. En même temps on dit ça quand la Ligue 1 n'assure pas, mais si elle se reprend l'an prochain, personne ne viendra dire que le niveau du championnat a augmenté...
Je vous laisse.