mercredi 25 avril 2012

Le cas de la Marine


Salut à tous,

La soirée électorale fut mitigée, dimanche soir. Bien sûr, voir Sarkozy deuxième, et ses sbires tenter de nous convaincre que c'était un score formidable, et qu'il a fait mentir les sondages (ce qui est faux, du moins pour sa part) était des plus réjouissants. Mais voir l'autre salope troisième avec 17 % de voix, ça donne toujours autant envie de vomir.

il faut d'ailleurs préciser une chose à propos des fachos : vous vous rappelez du tableau des élections que je vous ai montré cette semaine ? Il montrait notamment qu'en 2002, au premier tour, l'extrême droite avait remporté plus de 19 % des voix, contre 17 cette année. Pourtant, on nous répète qu'il s'agit là du record du FN. Pour le FN à proprement dit, oui, c'est un record, surtout que l'abstention était énorme à l'époque. Mais en 2002, le borgne avait ramassé "seulement" 16,86 % des voix, ce qui est extrêmement faible pour un qualifié au second tour, et plus faible que le score de sa fille, 10 ans et un jour plus tard. Mais n'oublions pas non plus les 2,34 % de l'inoubliable MNR dirigé par Bruno Mégret, qui n'avait pas fait scission avec le FN pour des raisons de programme, mais uniquement parce que ce dernier n'avait pas obtenu la place de chef dont il rêvait ! Il n'y avait donc pas la largeur d'un papier à cigarette de différence entre le FN et le MNR à l'époque, du moins sur le plan des "idées". On ne peut donc pas dire que le FN a fait mieux qu'en 2002, il a même baissé...

Bref il n'empêche que Miss France a mis une branlée à mon champion, Jean-Luc Mélenchon. Perso, j'ai pas compris. Je ne pense pas qu'il ait vraiment souffert au dernier moment du vote utile en faveur
de Hollande, puisque ce dernier n'a pas fait un score supérieur à ce que les sondages lui prédisaient. Non, c'est bien l'autre salope qui lui a piqué des voix, à peu près 3-4 %. Le truc étonnant, surtout, c'est qu'en général les électeurs du FN ne sont pas abstentionnistes : quand la participation augmente, les fachos baissent toujours, mécaniquement. Là, les incertains, les indécis, ceux qui pensaient ne pas aller voter, ont finalement voté pour elle, du moins en partie, ce qui est inédit. Quand j'ai vu durant la journée que l'abstention allait être beaucoup moindre que prévu, j'ai eu confiance, je me suis dit que ça allait faire mordre la poussière à Le Pen. En fait, elle en a probablement profité.

Autre sujet intéressant, les projections des votes à 20h. Quand tout le monde a annoncé Marine Le Pen à 20%, je me suis dit qu'elle baisserait durant la soirée, et ça n'a pas loupé. Pourquoi ? Parce qu'il manquait les votes des grandes villes. Et, hormis dans celles du sud, les citadins, en général plus diplômés et moins sujets à la misère, ne votent pas FN, ce qui lui fait dire souvent que ceux qui osent ne pas voter pour lui ne sont que des bobos nantis. Des démocrates, peut-être aussi. 6,20 % à Paris, 7,78 à Nantes, 8,22 à Bordeaux, 13,40 (quand même) à Lille, 9,43 à Caen, 9,87 à Lyon, 10,98 à Rouen, 10,34 à Toulouse... ça en fait des bobos. Dans le même temps, les fachos ont recueilli 21,22 % à Marseille, 23,03 à Nice (deuxième devant Hollande !), 23,37 à Toulon (également devant Hollande), 20,61 à Nîmes... plutôt mourir qu'aller habiter un jour dans le sud.

Du coup, les votes des grandes villes, et notamment de Paris, tombant tardivement, le score du FN a perdu 3 % dans la soirée. L'écart entre Hollande et Sarkozy s'est également réduit : autre mauvaise nouvelle.

Résultat, Hollande possède apparemment des réserves de voix supérieures à Sarkozy, mais elles ne sont pas naturelles : s'il ne comptait que sur celles de l'extrême gauche (12,81 % au total) et des Verts (2,31, le pire depuis 1988), il serait nettement en minorité (40,7 %, contre 47,24 au triptyque UMP-Modem-FN). Mais ceux qui auraient pu être des alliés du nabot n'ont pas encore appelé à voter pour lui, ce qui n'a pas été le cas à gauche. Résultat, une bonne partie des électeurs frontistes ou du Modem vont soit ne pas voter, soit se partager en deux. Mais ça ne reste pas un mouvement naturel, c'est juste un phénomène ponctuel de rejet contre Sarkozy. Résultat, si celui-ci, en charmeur et en bête politique qu'il est, parvient à les séduire de nouveau, il passera. Comme en 2007, quand il avait siphonné les voix du FN pour battre la gauche.

Manifestement, il se fiche royalement des 9 % de Bayrou, qui peuvent aller voter Hollande si ça les chante. Ce qu'il veut, ce sont les voix du FN, qui lui garantirait, avec celles de Dupont-Aignan, que je n'ai compté nulle part (1,79 %), un total de 46,87 %. Insuffisant apparemment, mais avec l'abstention, et quand même une partie des voix de Bayrou, ça pourrait passer. Une chose est sûre, une petite partie des centristes voteront Sarkozy, parce que le Centre a toujours été de droite depuis 40 ans, faut pas me raconter de blagues. Mais tant que ça restera un phénomène mineur, c'est dans la poche.

Une chose est sûre, Hollande ne doit pas courir après ces mêmes voix frontistes. S'il s'en approche un peu trop, il risque d'éroder le report de voix des électeurs de Mélenchon, pour qui le vote en faveur du FN est une horreur absolue. Le mieux, c'est qu'il laisse Sarkozy se dépêtrer avec elles, qu'il le laisse vendre son âme à sa guise. Au pire, il récupèrera quelques voix supplémentaires chez Le Pen, mais dégoutera du monde au Modem. Au mieux, les électeurs frontistes verront la supercherie, et ils ne voudront plus voter pour la copie, comme en 2007. Le Pen leur a suffisamment répété qu'ils avaient été déçu des "promesses" de Sarkozy dans les secteurs qui leur sont chers, l'immigration, les Arabes et les Noirs. Pourtant, il a bien mouillé sa chemise dans ce domaine (entre 30 et 40 mille reconductions à la frontière par an, stigmatisation des Roms...), mais ça n'a pas suffit... Le Pen veut sa peau pour récupérer la place d'opposition à la gauche, et elle pourrait bien y arriver, surtout que manifestement beaucoup, à l'UMP, ne craignent plus de fricoter avec elle. Quand je pense au scandale que ça avait été quand quelques présidents de régions du sud avaient osé s'allier au FN pour gouverner, dans les années 90... aujourd'hui, ça ne choque plus personne. A force de faire 15 % aux présidentielles, le FN est devenu fréquentable.

Il y a eu ça, et il y a eu la "démocratisation" de ses idées par l'UMP. En moins de dix ans, et notamment durant le dernier quinquennat, Sarkozy, Guéant, Buisson, Copé, Besson, Hortefeux et toute la Droite Populaire, Mariani, Myard et compagnie, ont réussi à rendre les idées du FN "officielles". Si des ministres d'un parti républicain et apparemment démocrate disent les mêmes choses que le FN, c'est que finalement ce n'est pas aussi affreux, si ? Sinon ils ne les diraient pas, pas vrai ? Ils garderaient un droit de réserve, une certaine dignité, si ces idées étaient honteuses ? 30 % des jeunes sans bac ont voté FN. Une bonne partie de la génération qui arrivera aux manettes dans quelques années ne considère plus le FN comme un danger, mais comme une alternative crédible, un interlocuteur respectable. Le même parti qui noyait des Arabes et balade toujours ses skinheads chaque 1er mai, du côté de la statue de Jeanne d'Arc.

Tout cela n'est pas très réjouissant, il faut le reconnaître. Ca nous prépare des années difficiles, et ce sans même parler de la crise de la dette que le prochain président va devoir gérer de la façon la plus juste qui soit, et malgré la grande hostilité des marchés. Une équation quasi impossible à résoudre...

Je nous souhaite bon courage, les gens ! Et allez voter hein !

Je vous laisse !

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