vendredi 8 avril 2011

Invention du mensonge


Salut à tous,


Il y a quelques jours, juste après mon retour d'Écosse, j'ai vu à la télé un film absolument génial, qui mérite d'être culte pour tout dire, mais dont personne n'a parlé, peut-être parce qu'y figurait à l'affiche Jennifer Garner, ancienne héroïne de la série "Alias", ce qui joue parfois négativement sur le succès d'un film. Si ça se trouve, Indiana Jones avec Tom Selleck à la place d'Harrison Ford, comme ça devait être à la base, aurait peut-être été un four... Mais à la limite tant mieux, comme ça ça lui garantit vraiment un statut de film culte dans quelques années, un peu comme "un jour sans fin" par exemple. J'avais voulu en parler ici à l'époque, mais j'étais occupé par le récit de mon voyage, et depuis ça m'était sorti de la tête.

Donc ce film, c'est "the invention of lying", un film joué et interprété par l'excellent Ricky Gervais, que je ne connaissais pas du tout, mais qui est manifestement une star en Grande-Bretagne, comme quoi ce n'est pas forcément une garantie de succès ailleurs. Ce qui m'a plu c'est le sujet, un sujet sur lequel j'aurais voulu écrire. Les personnages évoluent dans un monde où le mensonge n'existe pas, où les gens ne savent que dire ce qu'ils pensent à leurs congénères. Les employés de bureau se traitent de tous les noms, la secrétaire du héros ne veut pas bosser parce qu'il va être viré, et qu'il est un loser ; les maisons de retraite sont appelées "endroit tristes pour vieilles personnes" ou un truc du genre. Quand Gervais veut séduire une femme, elle lui sort directement que c'est impossible car il est moche, que génétiquement ça n'irait pas parce qu'il lui ferait des enfants petits avec un nez court. On dirait pas comme ça parce que je raconte mal, mais ce film est hilarant, la façon dont les gens ont de se couvrir d'injures de la façon la plus naturelle qui soit.



C'est la preuve qu'un monde où personne ne pourrait mentir ne pourrait pas fonctionner, justement parce que ce film est ubuesque : personne ne pourrait supporter de se faire traiter de cette manière, il y aurait des gens qui s'éventreraient dans les rues. Finalement, le mensonge c'est ce qui nous sépare des animaux, c'est ce que la société a inventé pour nous permettre de vivre à peu près bien ensemble. Le problème c'est d'en abuser, et surtout de s'en servir pour de mauvaises raisons.



Ce qui est encore plus intéressant, c'est toute la deuxième partie du film. Le héros, qui se retrouve en grande difficulté pour payer son loyer suite à son licenciement, a besoin d'argent, et une révolution va alors intervenir en lui : il va mentir à la guichetière de sa banque. Il va lui dire qu'il a 800 dollars sur son compte, au lieu de 300. Et ce qui rend les situations irrésistibles, c'est que du coup les gens, à qui on ne ment jamais, ne peuvent que le croire ! Et immédiatement, il se rend compte qu'il possède un pouvoir gigantesque sur les gens. Par exemple, à une fille qui lui plaît, il lui dit que s'ils ne couchent pas ensemble, ce sera la fin du monde, et ça fonctionne. Ses remords feront qu'il ne le fera finalement pas, mais quand même.

Il y a notamment une scène géniale, lorsqu'il vient de se rendre compte qu'il pouvait mentir, il va au café pour en parler à ses potes. Et là, il se rend compte que tout ce qui leur dit devient la réalité pour eux. Il leur dit qu'il s'appelle Doug, qu'il a inventé la bicyclette, qu'il est manchot, qu'il est allé sur la lune... ils ne sont pas capables de douter de lui, parce qu'il n'est pas sensé mentir, le mot n'existe même pas pour eux !

Et la clé du film, c'est quand il va voir sa mère mourante à l'hôpital. Elle lui dit qu'elle a peur de mourir, parce qu'il n'y a rien derrière la mort. Et là, il fait ce que toutes les religions font depuis toujours pour que les hommes se tiennent à carreau et fassent tout ce qu'on leur dit dans l'espoir d'aller au paradis : il lui ment pour qu'elle n'ai plus peur. Il lui dit que quand on meurt on va dans un endroit merveilleux, où on a droit chacun à un manoir, etc. Sauf que les médecins et les infirmières l'entendent, et lui demandent si tout est vrai en le regardant, les yeux écarquillés. L'info se propage au sein de la population, puis dans le monde entier, et il devient un véritable prophète.

Il invente un homme qui vit dans le ciel, et qui décide du destin de tous. Noyé sous les sollicitations et la pression, il est contraint d'écrire sur des boîtes de Pizza dix commandements que chacun doit suivre, sous peine de perdre son manoir. Mais les gens lui demandent des comptes : "est-ce l'homme qui vit dans le ciel qui a fait tomber un arbre sur ma voiture ? Salaud !" Du coup, il leur dit que le mec là haut fait aussi les trucs positifs. Il leur dit qu'ils n'ont pas le droit d'excéder les trois pêchés. Là encore, la scène est géniale.

Bref, que des thèmes qui me plaisent : l'illusion que la sincérité est l'ultime solution à tout et le mensonge le mal absolu, et les religions, arnaques de l'humanité. Même si la fin sent un peu trop l'eau de rose - la fille décide d'oublier ses exigences génétiques et fini quand même avec lui - vous devez voir ce film, c'est génial.

Je vous laisse.

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