vendredi 10 juin 2011

La saveur amère de l'échec programmé


Bon ben voilà, les résultats sont tombés, du moins pour les 20. Et je ne suis pas dedans, bien entendu ! Ça aurait été trop beau, trop parfait, que je parvienne à m'extirper de cette petite vie étriquée, passée derrière cet écran à soit bosser, soit glander depuis des années, grâce à un moyen d'apparence aussi simple. Il ne m'est pas arrivé de grands malheurs dans ma vie pour le moment, mais pas de grand bonheur non plus, malgré quelques pics dans les deux sens. J'ai essayé de provoquer la haute montagne, qui s'est gaussée de moi. "Retourne à tes études, p'tit gars, arrête de te prendre pour ce que tu n'es pas. Tu as sérieusement cru qu'il te suffisait de pondre un petit texte comme ça, de le répéter dans ton coin et de faire la queue quatre heures, de sentir tes entrailles te serrer au moment de passer à l'acte comme si tu allais enfanter, pour pénétrer le saint des saints, des studios de radio prestigieux, côtoyer tous ces gens que tu admires comme s'ils étaient tes égaux, et faire que cette tentative ne reste pas un one shot ? Mais t'as mangé un bisounours ou quoi ?"

C'est plutôt le bisounours qui vient de m'avaler, de me gober même. J'ai l'impression d'être une boulette de papier jetée à côté d'une poubelle, après qu'un auteur bidon a griffonné sur mon ventre un énième jet littéraire raté. De la chique qui s'est prise, durant un instant, pour un chewing gum goût fraise banane. Didier Deschamps qui se serait lancé dans une série de dribbles pour montrer à Zizou ce qu'il sait faire, lui aussi, et se ramasser devant le premier joueur du Liechtenstein venu.

Si le destin est un doigt jeté au hasard dans une foule pour bénir des gens, il n'est pas passé loin. Je vous avais parlé des trois personnes avec qui j'avais fraternisé dans la queue. Et bien, le fameux jeune beau avec des poils partout à été sélectionné, lui, alors qu'on s'est pas quitté d'un mètre pendant près de quatre heures. Si vous voulez le voir, il s'appelle Thomas, et il est ici, avec les 19 autres veinards qui ont devancé 698 personnes, quand même. Vous pouvez voter pour lui si vous voulez, mais je vous ferais une confidence : il est très sympa, son texte est intéressant, mais concrètement ça me ferait une belle jambe qu'il gagne. Quand on perd, on est tout seul, et quand on gagne aussi.

Après le casting, lundi, on était allé prendre un pot/manger dans un des Quicks des Champs, et on s'était lu chacun nos textes. Moi je voulais pas, vu que j'avais même refusé de lire ma "perle" - désormais, ce terme a une signification plus... gazeuse - à des amis très proches, mais vu que les deux filles, Claires et Pamela, avaient lu le leur, j'étais obligé d'obtempérer. Et le fait est que leurs textes à elles, mais aussi leur interprétation, avaient été proches de la perfection. Vraiment ! C'était drôle, fin, subtile et très bien joué. J'avais lu ensuite mon truc, me sentant devenir nain ligne après ligne, en me disant que si je devais être dans les 3 élus, ce serait au moins derrière ces deux nanas, ce qui était hautement improbable. Elles n'ont pas non plus été sélectionnées, et peuvent légitimement être déçues, elles.

Puis Thomas avait lu son texte. A la différence des nôtres, le sien n'avait pas vocation à être drôle : ça parlait de la jeunesse, des vieux en politique, etc, c'était une diatribe, très bien écrite au demeurant, mais pas drôle. Il ne jouait pas mieux que nous, parce que lui n'avait pas à jouer finalement. C'est la preuve qu'au fond, ils ne cherchaient pas forcément quelque chose de drôle, mais plutôt une qualité de texte, même si manifestement il y en a de marrants dans la sélection finale. Mais je vous avoue qu'après avoir tenté d'en écouter un autre, j'ai abandonné. Je vous laisse vous régaler, mais pour moi c'est une page à tourner le plus vite possible, parce que sinon la déprime me guette sérieusement.

Comment n'ai-je pas réussi à écrire un truc meilleur que ça ? Comment ai-je pu baisser à ce point ? Il y a 10 ans, j'écrivais très bien, il me semble ; les textes sortaient de ma tête aussi vite qu'une savonnette entre des mains trop pressées, parfois sans que je m'en rende compte ; des textes longs, avec de bonnes vannes, du moins si j'en croyais ceux qui les lisaient sur le forum de Friends, alors que je débutais sur le net avec ma connexion limitée et d'une lenteur toute helvétique.

J'ai écris quatre chroniques avant de me reporter sur la dernière ; mais au fond, à chaque fois je savais que c'était de la merde. C'était, au mieux, un peu marrant, avec quelques vannes lourdes, et au fond, c'était vide. J'ai eu un mal fou à les écrire, ce qui, dans mon cas, est toujours mauvais signe : plus j'ai du mal à écrire, plus c'est laborieux, retouché, moins c'est bon. Si j'ai choisi la dernière chronique, c'est parce qu'elle est sortie plus vite que les autres. Mes meilleurs textes, toujours selon moi, ont été écris d'un coup, d'un jet, lâchés comme ça dans la nature. Si je me met devant mon clavier en me disant que je dois écrire un truc drôle, je n'y arrive pas ; il faut aussi que ce soit imprévu, que j'ai l'idée avant dans la tête. Je ne suis donc clairement pas fait pour un métier qui consiste à être drôle mécaniquement, sur commande, quotidiennement, automatiquement. Je suis drôle quand on ne me le demande pas.

A y est, voilà que je me reprends pour quelqu'un d'autre. C'est plus fort que moi, il faut que je pense que je suis quelqu'un de drôle, d'intelligent, de fin alors que je suis qu'un gros lourd, rempli de beaufitude et de rêves tellement pathétiques qu'ils donneraient presque envie d'en pleurer. Pourquoi je n'arrive pas à me faire à l'idée que je ne peux pas faire mieux que CA ? Que cette vie terne, linéaire sinon banale, puisque je ne respecte aucun des temps accordés pour les balises obligatoires d'une vie sociale normale (pour rappel : jeunesse-mariage-bébé-vieilliesse), sera mon lot, c'est comme ça ? Pourquoi est-ce que je persiste dans ces rêves de voyage, de radio, de rencontres, que je puisse vivre d'un métier qui m'enivre plutôt qui me plaise, au mieux ? Se présenter à un casting comme ça, c'est avant tout un énorme acte d'orgueil. Et quand ça rate, la réplique est à la hauteur de l'orgueil dépensé.

Oui oui je sais, je ne suis pas à plaindre, je fais partie de l'élite occidentale qui a accès à des choses, comme l'eau ou la nourriture, que plus de la moitié de la planète n'envisage parfois qu'en rêve. Je souscris tout à fait à tout ça, mais là encore ça ne me rend même pas la jambe plus belle, il faut bien le reconnaître.

Je vous laisse, en attendant de nouvelles aventures. Pas celle-là en tous cas, on ne m'y reprendra pas.

5 commentaires:

Manue a dit…

Je comprends ta déception mais n'oublie pas que pour bcp d'animateurs radio ou d'humoristes, il ne leur a pas suffit de claquer des doigts pour y arriver. Ils ont du se battre, essuyer des échecs, relever des défis, pour se faire une place ! N'abandonne pas tes rêves et ne te résigne pas ! ;) Bisous :x :x

Mona a dit…

Complétement d'accord avec Manue !

C'est ce rêve où tu baisses les bras au premier échec ?!! Nan nan, les histoires où les mecs se sont fait jeter des dizaines de fois avant d'enfin se voir donner sa chance y en phlétore !!!

J'aime ton humour et ta vie n'est pas terne : tu fais un métier en rapport avec ta passion, qui peut se targuer de ça ?

Et il y a quoi mardi alors ? une 2e sélection ?

Gildas Devos a dit…

C'est l'annonce des vainqueurs, là c'était les 20 meilleures pour qui il faut voter.

Stormette a dit…

Je suis d'accord avec les filles, tu ne dois pas baisser les bras si "facilement" ! Si c'est cette place que tu veux, il faut te battre pour l'avoir !
J'aime beaucoup ton écriture, je trouve ça "coule", et tu as une culture qui m'impressionne.
Certes c'est un échec, mais au moins tu as essayé, tu y es allé en te sentant fort, et c'est déjà une excellente chose !

Zaza a dit…

C'est clair ! Un seul casting, un seul et tu te sens comme une boulette de papier ? T'imagines même pas comment ils ont ramé certain pour réussir UN casting ! Un refus, c'est loin de vouloir dire pas de talent !