Salut à tous,
Depuis des semaines, je me refuse à parler de l'affaire DSK, comme de l'affaire Tron. D'ailleurs, je déteste parler des affaires tant qu'elles ne sont pas jugées. Ça paraît évident dit comme ça, mais on ne peut pas dire que cet adage ait été respecté dans les médias, sur ces affaires comme sur d'autres.
Le problème, c'est de parler d'affaires sans prendre parti, tout en y mettant de l'émotion, involontairement ou pas, parce qu'on n'est pas des machines. Mais comme l'objectivité est une vue de l'esprit absolument utopique, à partir du moment où on aborde une affaire de ce genre, on donne forcément son avis. Pas forcément dans les mots d'ailleurs, ce sont souvent eux les plus faciles à contrôler. Non, je pense plutôt à des mimiques, des tournures de phrase, des silences, des choix de thèmes aussi. Et puis, parler des victimes PRESUMEES - un mot clé, s'il en est, depuis un mois et demi -, c'est forcément quitter la ligne droite qu'on avait décidé de suivre.
En plus de celles déjà évoquées plus haut, deux autres affaires m'ont interpellées aujourd'hui : celle de Colonna, qui clame son innocence mais qui a été condamné une troisième fois dans l'affaire Erignac, et celle de cet ouvrier agricole qui, lui, va sans doute être déclaré non coupable après avoir été condamné deux fois à une quinzaine d'années de prison pour le viol d'une jeune fille qui avait manifestement menti. Au point qu'on avait constaté, après qu'elle soit revenu sur ses déclarations, qu'elle était en fait vierge après son viol présumé... Et je ne parle pas de l’affaire Omar Raddad, remise au goût du jour par un film que je ne manquerais sous aucun prétexte.
Voyez-vous, l'affaire DSK a fait parler en un mois et demi à peu près autant de personne que l'existence de Dieu ou la poule et son œuf en 2000 ans. Y a d'abord ces amis, à qui on a reproché de l'avoir défendu dans un premier temps. Et là je ne parle pas des imbéciles comme Lang ou Kahn, et leurs dérapages manifestes. Je pense plutôt aux Strauss-Kahniens, dont je ne partage pas les idées libérales, comme Moscovici ou Cambadélis. Ca a choqué après coup, comme par exemple Ruquier qui n'a cessé d'en parler pendant des semaines à la radio. Mais si on vous annonçait, à vous, qu'un de vos meilleurs amis était accusé de viol dans un hôtel, vous ne le défendriez pas ? Vous y croiriez tout de suite ? "Quoi, Jean-Claude, un violeur ? Purée, c'était mon meilleur pote, mais au fond je l'ai toujours su ! Ordure, va te faire castrer chimiquement !" En tous cas, je ne pense pas que ma première réaction serait celle-là. Du moins je l'espère !
Ensuite, assez vite au fond, quelques jours plus tard, le temps que l'on digère les images hallucinantes d'un des hommes les plus puissants du monde mis au même niveau qu'un petit dealer du Queens ou qu'un méchant dans 24 - images d'autant plus choquantes qu'on y est pas du tout habitué, dans ce pays à la fois attaché (en principe) à la présomption d'innocence mais surtout au respect exagéré des élites et autres hommes de pouvoir... - , y a eu les autres. J'ai bien essayé de compter le nombre de fois que j'ai entendu la phrase "on a tendance à oublier qu'il y a aussi une victime", mais entre temps y a eu Roland Garros et la signature de Gameiro au PSG, et mon décompte s'est embrouillé aux alentours de 125 776. Et encore, je n'ai pas pu TOUT regarder tout le temps, j'ai du en oublier quelques centaines. Si des gens ont vraiment oublié qu'il y avait une victime, c'est que ce sont des bienheureux, vu qu'ils vivent manifestement dans la nature, dans des endroits extrêmement reculés, genre avec les Dogons sur les haut plateaux africains, ou au Pôle Sud par exemple.
Déclarer que Straus-Kahn est FORCEMENT innocent vu que ces amis ne l'imaginait pas capable de faire ça - en même temps, qui garderait sérieusement un ami soupçonnable de ce genre de crimes ? - , c'est tout aussi contraire à l'éthique que demande la Justice que de dire qu'il l'a FORCEMENT fait, vu que c'est une pauvre femme de ménage immigrée qui l'a dit, en accusant en plus un pervers notoire vu qu'il trompe souvent sa femme. Se sont donc ajoutés à cette affaire quelques poncifs et autres amalgames grossiers tels que "un homme infidèle est un pervers", "les hommes politiques sont tous des obsédés, surtout si en plus ils sont infidèles", ou "elle a forcément été manipulée par des ennemis politiques de DSK, vu qu'elle est noire et faible". Au passage, on a assisté au réveil des féministes, qui avaient auparavant effectué une bonne sieste au moment du débat sur les prostituées. Que celui qui n'a pas donné son avis sur cet affaire m'explique de suite sa présence devant un ordinateur, alors qu'il devrait être en train de renforcer sa hutte de bambou au Pakistan, en vu de la mousson.
Au final, si on essaie désespérément d'être objectif, je dirais qu'on a quand même surtout entendu ceux qui ne croient pas en son innocence - qui est encore possible, sinon autant économiser un procès et quelques mois de loyer mirobolants à Anne Sinclair -. C'est le problème du traitement des victimes. C'est complètement humain de prendre le parti du plus faible, surtout quand l'écart est aussi gigantesque. Même si je ne suis pas sûr que Nafissatou Diallo ait une chance de recueillir beaucoup de voix en cas de scrutin entre elle et lui. Quand on voit la veuve du préfet Erignac affirmer que justice à été faite après que Colonna ait été condamné une troisième fois, on espère qu'elle a raison, parce que vivre ce que l'ouvrier agricole accusé de viol, Omar Raddad ou Patrick Dils ont vécu en étant enfermé en prison durant des années alors qu'ils étaient innocent, je ne le souhaite à personne. DSK est sûrement coupable, mais il est peut-être innocent. Oui, il paraît que les complots politiques n'existent pas, si on excepte bien sûr le Watergate, l'affaire Baudis ou l’affaire Clearstream et autres joyeusetés de barbouzes de ce genre.
C'est toujours pareil avec l'émotion journalistique : on la pare de tous les attraits, mais c'est la meilleure façon de dire des conneries, et d'en faire aussi. Si DSK est innocenté, va y avoir un festival de vestes retournées, sans parler, évidemment, de ceux qui vont penser à un arrangement. C'est bien pour ça que quoiqu'il se passe désormais, DSK est foutu, il ne peut pas gagner, même s'il gagne.
Je vous laisse.
2 commentaires:
Moi ça me fait surtout penser au système judiciaire basé sur les jury populaires. J'ai jamais pigé ce système. Comment des gens comme toi et moi, hyper influencable par n'importe quoi et n'importe qui, les médias, les avocats ou leur éducation, peuvent réellement juger en leur âme et conscience sur les faits et rien que les faits. J'y crois pas 2". J'ai toujours l'impression que les erreurs judiciaires sont forcement légion. D'ailleurs y a qu'à voir les exemples que tu sites, ainsi que Patrick Dills. Bref, qu'on ne me dise pas, dans l'affaire DSK, que les jurés n'auront pas de parti pris !!! Surtout aux Etats-Unis où ils sont gavé d'images tout ce qu'il y a de pas impartial !
Pareil, totalement contre les jurys populaires. Y a des juges, des procureurs, des avocats, je vois pas pourquoi on demande à des gens sans formation de condamner des gens... Et puis on a tjrs un parti pris, quoiqu'il arrive !
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