vendredi 2 mars 2012

Réflexe anti citoyen

Salut à tous,

Ça fait quelques mois que j'ai créé mon blog de foot, du coup je ne parle plus de foot ici, logique. Je ne vais pas m'amuser à siphonner son contenu alors que le plus dur, justement, c'est souvent de trouver des sujets de posts intéressants pour le faire vivre... mais comme les vases communiquent, ça nuit forcément au contenu de celui-ci, même si j'essayais de moins parler de foot depuis longtemps, histoire d'arrêter de faire fuir mes fidèles lectrices. Oui, même moi j'écoute mon lectorat, je veux lui faire plaisir.
My pleasure.

Mais quand l'actu générale et celle du foot s’emmêlent, je crois que je peux encore en parler ici. C'est le cas des conséquences pour le moins inattendues de la proposition de François Hollande de taxer à hauteur de 75% les revenus de plus d'un million d'euros, qui aura fait parler beaucoup de monde, mais pas vraiment ceux qu'on attendait, même si au final ça n'a rien d'étonnant, et c'est surtout assez symptomatique de la façon dont fonctionnent les gens. En castes. Qui a le plus râlé et critiqué cette proposition qui semble pourtant fédérer une majorité de Français (ce qui ne garantit évidemment pas sa qualité, on l'a souvent constaté) ? Les patrons, qui étaient pourtant clairement visés, surtout ceux qui s'étaient honteusement augmenté de plus de 30 % l'année dernière ? A part le baron Séillière ce matin, je les ai pas trop entendu, peut-être parce que se montrer, ça les renverrait à leur
comportement lamentable. Leurs amis de l'UMP ? Forcément, mais ça ne compte pas. Non, ceux qu'on a le plus entendu, au point que le spécialiste de la Bourse, l'inénarrable Jean-Marc Sylvestre, en parlait dans sa chronique sur iTélé tout à l'heure, ce sont les footballeurs.

Car oui, mes amis, oui, tout arrive, les footballeurs peuvent avoir un avis. Ce n'est pas le cas lorsqu'ils vont jouer pour un club chinois pour un salaire de dingue, ou lorsqu'un dictateur d'Asie centrale les arrose de montres de luxe après qu'ils aient gentiment participé à un match amical dans son pays, non, là ils restent neutres, car ce n'est pas leur rôle de parler de politique, vous comprenez. Eux ils vendent du rêve, ce sont des artistes, ils sont au-dessus de tout ça, des problèmes du pays, de la crise. La crise, ils la font oublier au peuple, par leurs arabesques, leurs bloc-équipes et leurs "bons" 0-0.

Mais évidemment, quand ces méchants gauchistes osent s'attaquer aux hauts salaires quand, depuis des mois, le gouvernement ne cesse de demander de nouveaux efforts aux couches les moins favorisées, trop c'est trop, ils se révoltent. Leur petit cœur tendre et généreux ne peux plus supporter une telle infamie. Alors qu'Hollande ne pensait évidemment pas à eux - il a autre chose à penser, du moins je l'espère - ils se sont tous mis à geindre en chœur pour affirmer que ce serait la mort du foot en France - rien que ça, les amateurs apprécieront -, que tout les joueurs partiraient à l'étranger, etc. Le bon vieux refrain classique qu'on entend habituellement à propos des patrons et autres milliardaires qui maintiendraient manifestement en vie l'économie française grâce à leurs investissements, qu'on ne voit pourtant pas beaucoup au moment où la France en aurait pourtant le plus besoin, et qu'il faut donc chouchouter.

Comme si ça intéressait les gens. Comme si le sort des footballeurs, qui plus est honni depuis bientôt deux ans et l'affaire de Knysna, eux qui sont désormais associés presque exclusivement aux prostitués et à l'argent facile, au point que l'essentiel de la population les croit tous milliardaires, allait émouvoir cette même population, elle qui est déjà prise à la gorge par la crise, mais aussi par les différents plans de rigueur du gouvernement, qui considère que si l'Europe est en crise, c'est à cause des dépenses publiques, et non à cause de la finance et du libéralisme.

Dieu sait que j'aime le foot, vous le savez. Et DIEU SAIT que je déteste tout autant, voire, plus, cette manie tellement française de s'attaquer aux footballeurs de façon primaire, notamment sur leurs salaires, sachant que c'est en général le cas lorsque les résultats de la sélection et/ou des clubs ne sont pas bons (en 98 ils étaient également très bien payés, ils allaient probablement aux putes aussi, mais personne n'en parlait parce qu'ils gagnaient...). Mais quand ils se mettent à pleurer sur leurs avantages de privilégiés qui seraient rognés par ces gauchistes qui n'aiment pas les riches et qui sont jaloux et démagos, ça ne me fait pas rire ni pleurer, ça me fait hurler. Surtout que personne ne pensait à eux, parce qu'on en a rien à branler de leurs problèmes, très franchement ! Et tant pis si les clubs ne peuvent plus recruter de stars, de garder leurs meilleurs joueurs et d'avoir des résultats en Coupe d'Europe, si ça permet de régler une partie des problèmes de la France ! Si le moyen ultime de régler la crise serait d'interdire le sport, je serais pour, vous imaginez. Dans une telle période, on doit revenir à l'essentiel, et les footballeurs ne le sont vraiment pas, essentiels, et encore moins leurs résultats. Et puis, ne vous inquiétez pas, la crise n'existe pas qu'en France : à cause, notamment, de politiques salariales délirantes, la moitié des clubs espagnols, italiens ou anglais sont à deux doigts de la banqueroute, ce qui n'est pas le cas des clubs français, dont la vis est régulièrement serrée, et de façon sévère, par la DNCG. Un déficit de 10 millions, et la relégation n'est pas loin. Le Real Madrid a un trou de 500 millions d'euros. Du coup, pas sûr que les résultats des clubs français en souffrent, sur le long terme.

Et puis, ça concerne combien de joueurs, qui toucheraient donc environ 100 000 euros par mois ? Un peu plus d'une centaine, apparemment, sur 500 professionnels en Ligue 1. La moyenne des salaires en Ligue 1, c'est 45 000 euros. Évidemment, les journalistes n'ont pas demandé aux clubs peu concernés, genre Valenciennes, Sochaux et la quinzaine de leurs congénères de Ligue 1, ce qu'ils en pensaient, vu que des joueurs à 100 000 euros, ils en ont pas. Pas les moyens. Non, ils ont demandé ça aux entraîneurs de Marseille, de Lyon (qui, tout en évoquant également la probable fuite des joueurs concernés, à quand même rappelé l'importance d'être solidaire en temps de crise, bravo à Rémi Garde) et de Lille, et à Christophe Jallet, joueur du PSG. Ils étaient tous d'accord, forcément. Ça va être un cauchemar, une fuite à Varennes en autobus. L'équivalent des chars russes de 81, version football.

Le cas du dernier nommé est révélateur. Voilà un joueur qui n'a pas fréquenté de centre de formation, qui est issu du foot amateur, qui est passé par des clubs comme Niort ou Lorient, et qui n'était donc pas, jusqu'à son arrivée à Paris, où l'augmentation de son salaire l'a fait rentrer dans cette tranche désormais maudite, enclin à parler comme ses collègues plus réputés, plus starifiés, formaté par des centres de formations qui les coupent pour toujours du reste du monde et de ses réalités. Non, Jallet aurait du comprendre, il ne devrait pas avoir ces œillères qui l'ont fait sortir les
mêmes âneries que ses congénères. A défaut d'adhérer complètement, il aurait pu comprendre, au moins essayer. Mais non. Sur ce plan là, mon joueur préféré du PSG m'a déçu, je dois dire. Jusqu'où faut-il creuser pour trouver un joueur concerné par les problèmes du pays, et non ses petits problèmes de riche ?

Comme je le disais, c'est aussi symptomatique de la façon de fonctionner de notre société. On fait payer plus cher les clopes, les fumeurs et les buralistes râlent. On met des radars, les automobilistes râlent. Les gens n'arrivent pas à réfléchir de façon globale, de se mettre à la place des autres, ceux qui en ont marre de se prendre de la fumée dans la tronche ou de se faire renverser par des chauffards. Non, on reste dans son coin, dans sa caste. On est fumeur ou automobiliste avant d'être citoyen. C'est comme ça qu'on construit une société égoïste et individualiste. C'est aussi pour ça que les campagnes électorales ont le plafond aussi bas : chaque candidat cherche à plaire à chaque catégorie de la population, et non à l'ensemble des Français.

Je vous laisse.

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