Salut à tous,
Aujourd'hui, je vais prendre un peu d'avance sur la rédaction future et évidemment inévitable de mes mémoires. Comment peut-on imaginer que des vieillards de 80 ans puissent se rappeler de ce que leur oncle leur a confié, 70 ans plus tôt, ou ce que leur a dit exactement leur femme 10 ans plus tard ? Ils ont évidemment pris des notes. Moi, déjà, j'ai l'impression que mon enfance nage dans un brouillard insondable, d'ou sortent parfois des souvenirs confus et plus ou moins flous avant de disparaître à nouveau, alors j'imagine dans 40 ans... c'est limite si je saurais que j'ai été un môme, un jour.
Quand j'étais gamin, je partais tous les étés en colonie, grâce aux bons offices du CE de la Régie Renault, vous savez, cette entreprise historique qui profite de la crise pour envoyer en pré retraite des ouvriers qui ont presque 40 ans d'ancienneté, avec une prime et trois ans de chômage derrière comme remerciement. Bref, j'ai donc pu découvrir, en plus de l'Egypte pour la dernière, plein de coins de France, notamment l'Ile d'Oléron (mauvais souvenir, j'y reviendrais peut-être, un jour de déprime...), la Drôme... et la Corse. C'était en 1991, et j'avais 16 ans. Et c'est là qu'on sait qu'on vieillit, c'est quand on se rend compte que nos souvenirs ont pris un coup de vieux. Un truc impossible avant nos trente ans.
La Corse... dire que c'est un endroit magnifique serait d'abord un peu réducteur, et ensuite une évidence quelque peu éculée. La Corse est magnifique, c'est un fait. Moi ce qui m'a marqué, c'est qu'on n'avait quasiment pas vu de Corses en Corse. Je sais pas s'ils étaient tous cachés dans les montagnes, ou s'il y avait un match à Furiani (un match de 3 semaines, c'est long), ou alors si c'était NOUS qui n'allions pas aux bons endroits... effectivement, on a passé beaucoup de temps dans les Trafics dans lesquels nous avons fait le tour de l'Île.
La Corse, c'est une montagne qui sort de l'eau. Du coup, quand vous vous baignez sur certaines plages, vous faites 10 mètres, vous avez déjà plus pied. De la plage de Porto, ou l'eau est si pure que certaines pubs y ont été tournées (pour un ricard notamment...), on voit si bien le Mont Pinto, le sommet de l'Île, qu'on a l'impression qu'il suffit de prendre un funiculaire en sortant de l'eau pour y arriver.
Je me souviens des routes serpentant entre les montagnes, on écoutait la BO du Grand Bleu quand on roulait, et du demi-tour incroyablement périlleux qu'on avait du faire sur une chaussée large comme le camion était long... je me souviens de Corte, une des rares villes importantes qui ne soit pas sur la côte, dans laquelle les monos nous avaient lâché pour un après-midi, avec 25 francs en poche chacun pour manger.
Je me rappelle de la vallée de la Restonica, qu'on avait parcourue à pieds. Un matin, un âne, que j'avais caliné l'instant d'avant, m'avait botté le cul une fois le dos tourné, je m'étais retrouvé par terre deux mètres plus loin et le fondement en fleur... On devait par ailleurs accrocher nos sacs aux arbres, histoire que les cochons sauvages ne nous les piquent pas. On s'était baigné dans une rivière à l'eau gelée et pure, c'était absolument merveilleux comme sensation, que j'ai redécouvert cet été au Pays Basque. On avait aussi pique-niqué au bord d'un lac de montagne, et on avait du rentrer en courant à travers la montagne tandis qu'un orage atroce nous tombait dessus... miraculeusement, on n'avait perdu personne.
Je me rappelle qu'un jour une fille était venue me voir - malgré ma casquette objectivement repoussante et qui disait "parlez-moi de moi" - parce qu'elle avait entendu dire que j'aimais bien le hard rock. Et là, peu habitué à approcher de si près un de ces êtres aussi étrange et fascinant, j'avais séché. Du coup, elle était repartie sans rien dire. Ma vie sexuelle aurait pu donc être tout autre, si j'avais pu citer autre chose que AC/DC. A quoi ça tient...
Je me rappelle aussi que je m'étais fait un copain marseillais, le petit minot tout moche avec l'accent de Paganelli, et que j'avais chambré en disant qu'Olmeta avait été nul lors de la séance des tirs aux buts contre l'Etoile Rouge de Belgrade, quelques semaines plus tôt, constat qu'il partageait avec moi, vu qu'il était Marseillais et pas Corse, comme Olmeta. Olmeta... mais oui vous connaissez, c'est l'idole des ménagères depuis sa performance remarquée dans "la Ferme". Sauf qu'à l'époque il avait plus le look d'Agassi que de monsieur Loyal, et il se prenait des lobs après ses montées hors de ses buts, à ma grande hilarité.
Je me rappelle de la fin du séjour, on en profitait pour noter les adresses de gamins auxquels on n'écrirais jamais. Gros regret d'aujourd'hui, évidemment... en même temps on ne le fait pas exprès, c'est comme ça... des couples s'étaient formés, évidemment, et je me souviens de quelques crises de larme hystérique assez marquantes.
C'était bien.
Je vous laisse.