vendredi 18 novembre 2011

Culture Plus

Salut à tous,

On moque souvent ceux qui ont une culture populaire. Non, je ne parle pas d'un journaliste des Inrocks à propos du dernier disque de Christophe Maé (qui est de toutes façons identique au premier, musicalement je veux dire), ou de Libé envers un film de Dany Boon. Non, je parle de la culture acquise en dehors des rails scolaires, par la télé, le cinéma ou d'autres moyens. J'ai toujours voulu être un autodidacte, quelqu'un qui décidait de sa propre culture, ou qui décidait de ne pas choisir, de toujours tout connaître. Je suis pas sûr d'y être arrivé.

Quand j'étais gosse, j'avais récupéré un cahier et commencé à y noter tout ce que je savais, avec l'objectif pas si ubuesque dans mon esprit de l'époque de noter TOUT. C'était son titre, "TOUT". Je voulais tout y mettre, tout savoir. Ensuite, j'ai reçu des Quid à Noël, et j'ai compris :p Quel pied ces bouquins, je ne m'en lassais pas.

Bref, l'idée de ce post m'est venu cette nuit, ou précisément ce matin vers six heures, après qu'une vessie mal élevée m'ait obligé à me réveiller avant l'heure. Une fois recouché, j'ai pensé au très bon film que j'avais vu hier soir, "Contagion", avec une ribambelle d'acteurs bankables (Cotillard, Damon, Winslet, Law...) et une scène où est évoqué le terme de "Placebo". Avant même la naissance du groupe de rock éponyme, qui sortait à une époque des disques plus frénétiquement qu'Apple sort des gadgets aujourd'hui, je connaissais ce terme, mais pas parce que j'ai fréquenté une fac de médecine, mais en lisant le "Ça", de Stephen King, puis son adaptation (ratée, forcément) télévisée. Dans une scène, un gamin apprends par son pharmacien que la Ventoline dont le bourre sa mère névrotique n'est qu'un placebo, de l'eau avec un peu de camphre pour donner du goût.

En même temps, je vois pas d'autre moyen de connaître ce terme, sauf si on a des médecins autour de soi... mais bon, voilà, Stephen King n'est pas l'écrivain le plus côté parmi les Ayatollah de la littérature pure et vierge, le téléfilm tiré de son bouquin (un des meilleurs) est un nanard, mais il m'a appris quelque chose.

Oui, on peut apprendre des trucs en regardant la télé. Je l'ai toujours critiquée, parce que la majorité des décideurs qui y sévissent ne pensent qu'à se copier entre eux, nous bourrer le crâne de pubs et de valeurs détestables, sans parler de l'humiliation perpétuelle générée par tous les programmes de télé poubelle. Mais je n'ai jamais cessé de la regarder, parce que c'est un outil formidable et d'une simplicité biblique d'apprentissage culturel, du moins quand elle veut bien s'en donner la peine. Regarder France 5, c'est parfois un régal, y a des documentaires toute la journée et sur absolument tout, pas seulement sur la Nature, sur l'Histoire, la politique, la géo... de tout. Même chose pour Arte. Quand un gamin est devant une de ces chaînes, j'ai du mal à appeler la télé la boîte à cons.

Même chose pour le foot. Non mesdames, pitié, ne zappez pas... Si j'ai de bonnes connaissances en géo, c'est aussi grâce à lui, pas seulement parce que j'étais bon en Histoire-Géo à l'école. Pourtant, espérer passer pour quelqu'un de socialement élevé, voir juste équilibré, et avouer aimer le foot dans ce pays, c'est comme tenter de faire du ski avec deux jambes en mousse et un bikini. Il n'empêche que je sais placer toutes les grandes, voire les moyennes villes de France sur une carte. Que je sais dans quels pays se trouvent les villes de Potosi (Mexique et Bolivie), Gifu (Japon) ou Vaduz (Liechtenstein, dont je sais taper le nom sans faire un copier coller).

En s'intéressant au football autrement qu'en se contentant de la Ligue des Champions et de quelques matches de Coupe du Monde, on percute aussi parfois de plein fouet l'Histoire, la vraie. Je ne suis pas sûr que tout le monde sache qu'en 1956, les Russes écrasèrent une rébellion à Budapest avec des tanks, un peu comme notre ami Bachar en Syrie aujourd'hui. Et bien, cet évènement signa la fin d'une des plus grandes équipes de foot de tous les temps, la Hongrie des années 50, invaincue durant des années, la première à s'imposer contre les Anglais sur leur sol (3-6 à Wembley), et qui aurait dû gagner la Coupe du Monde 1954. Son capitaine, le fabuleux Ferenc Puskas, qui s'est éteint il y a peu, fuit le pays à cette occasion
, comme plusieurs de ses coéquipiers, et ils furent suspendus pendant longtemps. Puskas porta ensuite le maillot espagnol (il jouait au Real Madrid) à une époque où c'était encore possible de jouer pour plusieurs sélections, comme c'est encore le cas en rugby aujourd'hui. La Hongrie n'a plus passé un premier tour de grande compétition depuis.

En 1978, le sélectionneur des Bleus Michel Hidalgo fut victime d'une tentative d'enlèvement peu de temps avant le Mundial, qui allait se dérouler en Argentine, à l'époque une dictature dénoncée par le monde entier. La participation de la France à cette Coupe du Monde faisait scandale, et beaucoup réclamaient un boycott, sans succès.

En 1982, lors du match d'ouverture du Mundial espagnol, une banderole (Solidarnosc) fut retirée des tribunes. On était en pleine grève des ouvriers de Lech Walesa en Pologne.

Pour l'Euro 92, en Suède, la Yougoslavie était qualifiée mais fut rejetée en raison de la guerre qui y sévissait alors. Le Danemark, repêché, la remplaça, et remporta le trophée à la surprise générale...

Le défenseur Miodrag Belodedici, international roumain, un des meilleurs de sa génération, remporta la Ligue des Champions 1991 contre Marseille avec l'Etoile Rouge de Belgrade, club yougoslave comme vous l'aurez compris, après avoir fuit
en 1988, dans un coffre de voiture, son pays, alors dirigé de main de fer par Ceaucescu. Il fut suspendu un an pour cela, alors qu'il avait enlevé le dernier "i" de son nom pour faire Yougoslave, à une époque où on ne pouvait pas quitter les pays soviétiques avant l'âge de 28 ans.

Il y eut des chocs extrêmement sensibles politiquement en Coupe du monde : le RFA-RDA de 1974, en Allemagne de l'Ouest, et remporté par les joueurs de l'Est (1-0) ; le Argentine-Angleterre de 1986, quelques années après la guerre des Malouines, cet archipel de l'Atlantique sud que se disputèrent militairement les deux pays, et où Maradona marqua en plus un but de la main célèbre (2-1) ; le Etats-Unis-Iran de 1998, en France, alors que les deux pays n'entretenaient déjà pas de relations diplomatiques... les Perses s'étaient imposés (2-1). A chaque fois, ça se déroula à peu près bien, prouvant ainsi que le sport pouvait rapprocher les peuples, même provisoirement. Mieux que des PSG-OM par exemple, pourtant des matches à l'historique beaucoup plus superficiel...

L’Histoire du foot, c'est voir également combien l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne d'Hitler en 1938, fut une aberration. Quelques semaines plus tard, lors de la Coupe du Monde 1938, en France, l'Allemagne aligna plusieurs joueurs autrichiens, qui composaient auparavant ce qui était peut-être la meilleur équipe du monde, la "Wunderteam", conduite par l'exceptionnel attaquant Mathias Sindelar, qui se suicida six mois plus tard, peu avant la guerre. Ce fut l'alliance entre les athlètes allemands et les artistes autrichiens, mais ce fut un four : l'Allemagne fut éliminée au premier tour par... la Suisse (1-1, 2-4).

Quand je crée des joueurs d'avant guerre pour le boulot, je constate qu'en général leur carrière s'arrête en 1939, et que, parfois, ils sont morts durant la guerre. On a toujours l'impression que le sport est comme une bulle, protégée de la moindre petite intervention néfaste de ce monde fondamentalement mauvais. Mais c'est juste une illusion, comme dirait l'autre.

Allez, je vous laisse.

3 commentaires:

Zaza a dit…

Et ça c'est rien par rapport aux percutage JO/Histoire !! Une des raisons, comme toi, pour laquelle j'adore les JO !

Gildas Devos a dit…

C'est clair ! 1938, 1984...

Zaza a dit…

Ouhla ! Et tant d'autre !