mardi 8 novembre 2011

L'individu au football

Salut à tous,

Moi qui ai plus ou moins l'ambition de m'insinuer dans ce monde si fermé du journalisme - puisque ça reste le meilleur moyen de vivre de sa plume quand on ne parvient pas à discipliner son rythme d'écriture de bouquins, comme c'est mon cas -, je ne cesse d'être sidéré et estomaqué par les défauts de cette profession qui pourtant, si on l'écoute, n'en possède pas. Ben oui, les médias sont un contre-pouvoir nécessaire et même indispensable, mais qui ont l'avantage d'être le seul pan de notre société à ne pas posséder de propre contre-pouvoir pour se réfréner. Et quand on essaie de leur en mettre, les défenseurs de la liberté de la presse crient à l'assassinat, au crime contre l'Humanité (qui n'est pourtant pas la seule concernée par ce thème), que sais-je encore. Et oui, les journalistes ne seraient que des passe-plats de l'info, dont ils seraient dépendants pour remplir leurs colonnes ou leurs JTs. Non non, juré craché, ils ne cherchent jamais des infos là ou y en a pas, jamais : c'est l'info qui fait leur contenu, et pas l'inverse.

Les journalistes sportifs ne sont pas différents de leurs congénères, même s'ils paraissent un peu comme les sous-cultivés de leur profession. C'est à l'image de la France, où il suffit que tu oses avouer que tu apprécies le foot, ou le sport d'une manière générale, et ton quotient intellectuello-social perd 10 points sur une échelle qui doit en compter une demi-douzaine. Pinçage de nez à peine dissimulé, remarques narquoises et autres torsions de sourcil sont le quotidien social de ces brebis égarées, pauvres innocents qui ont eu le tort de succomber aux volutes de l'opium du peuple. Même chose pour les journalistes : évidemment, en temps de crise - qui, si elle s'est évidemment aggravée ces trois dernières années, n'est pas nouvelle, puisque ça va faire 40 ans qu'on en entends parler... - parler des petits problèmes de furoncles de Javier Pastore, ou demander à Olivier Giroud quelle sera sa chanson de bizutage aujourd'hui à Clairefontaine, tout en affichant la mine du mec qui annonce l'inondation annuelle dans les Cévennes et l'Hérault, ça peut paraître quelque peu puéril.

Pour moi, ils ne sont pas plus nuls que les autres. Ils ne savent pas plus faire la différence entre une main volontaire et involontaire qu'un journaliste littéraire ou politique, n'y voient souvent pas plus loin que les 4 ou 5 gros clubs français et la Ligue des Champions que leurs homologues chargés d'une information plus noble, etc. Comme les autres, ils sont assujettis à une pression bien connue sur ce blog, qui en traite souvent, à savoir l'argent : ils faut parler des sujets qui intéresse les gens, et non parler des sujets qui DEVRAIENT intéresser les gens, sinon ben les gens ils achètent pas ton canard, ne regardent pas ta chaîne ou ne cliquent pas sur tes articles. Encore une fois, ce n'est pas spécifique au journalisme sportif... mais du coup ils ne s'en tiennent qu'à une info superficielle, et à des connaissances dans leurs "spécialités" qui ne sont pas forcément meilleures que celles de leurs confrères non sportifs. En revanche, pas sûr qu'ils puissent autant soutenir un débat politique que certains spécialistes... mais ça reste à prouver.

C'est drôle, je voulais parler d'autre chose mais je ne savais pas comment lancer le sujet, et finalement mon lancement m'a envoyé ailleurs... mais bon, je vais essayer de rattraper cette erreur d'aiguillage...

Javier Pastore, évoqué plus haut pour ses problèmes d'adolescent attardé, est un bon sujet d'étude, et pas seulement sur les dérives financières du monde du football. Le traitement médiatique réservé au nouveau numéro 10 argentin du PSG - enfin, le premier, pour être précis, on a eu des défenseurs, des attaquants mais pas encore de meneur de jeu de cette nationalité, et c'est dommage car les meilleurs du monde sont souvent venus de là-bas - est des plus symptomatique des dérives et des facilités que le journalisme, pas seulement sportif, peut se permettre, puisqu'aucun journaliste, au nom de la règle de la non critique des médias, notamment par eux-mêmes, ne saurait dénoncer.

Le gars arrive à Paris pour 42 millions d'euros, une somme astronomique qui ne reflète évidemment pas la valeur du joueur, puisque aucun joueur de foot au monde ne devrait valoir une telle somme, même Messi ou Ronaldo, qui lui sont supérieurs et qui, s'ils devaient faire l'objet d'un transfert prochainement, feraient très nettement péter la barre des 100 ou 150 millions d'euros. Mais c'est la loi de l'offre et de la demande, c'est la tambouille des clubs et, il faut régulièrement le rappeler, ce n'est pas lui qui a touché cette somme, c'est son ancien club, Palerme. Lui touche un salaire ANNUEL de 5 millions d'euros, ce qui est évidemment énorme voire grotesque si on le compare au salaire d'un médecin ou d'un chercheur, mais qui n'est pas exubérant au regard de certains salaires de golfeurs, de tennismen, d'acteurs ou de chanteurs, pourtant nettement moins harcelés sur le sujet, et certains salaires circulant en Angleterre ou en Espagne, pays qui est sur le point de payer cher ces excès financiers puisque la moitié de ses clubs de Liga sont sous la menace de déposer la clé sous la porte.

Pastore, à 22 ans seulement, a réussi des débuts exceptionnels avec Paris, inscrivant pour le moment 6 buts en championnat et 2 passes décisives, plus un et deux en Ligue Europa. Surtout, il a fait le spectacle par sa technique, ses inspirations et la qualité de ses buts, notamment ceux contre Brest (1-0), Caen (4-2), Lyon (2-0) ou Bratislava (1-0), et à Montpellier (0-3). Il a prouvé que, techniquement pour le moins, il n'avait pas d'équivalent en Ligue 1, ou quasiment. Et pour tout cela, il a été encensé par la presse, en des termes dithyrambiques et donc forcément exagérés. Jésus serait descendu faire ses courses chez Casino que la Croix n'en aurait pas plus hululé de joie.

Problème, il n'a pas pris de vacances, a joué tous les matches du PSG depuis son arrivée alors qu'il n'a pas fait de préparation, et est donc en train de logiquement tirer la langue. Et là, le changement de ton médiatique fut aussi sec qu'un virage négocié par Sébastien Loeb. Aujourd'hui, s'il ne marque pas, c'est pas 8 qu'il obtient dans la presse, c'est 4 ou 5. En gros, parce qu'il a coûté autant d'argent, il n'a pas le droit de se reposer, de faire valoir son excuse d'humanité. Et pourtant, maintenant qu'il a du mal à enchaîner les performances, il continue de marquer... mais voilà, six mois sans pouvoir critiquer le PSG, c'est trop long pour la presse sportive. C'est vraiment trop un maronnier qui fait vendre pour le laisser tomber. La nature a horreur du vide, surtout en journalisme, et maintenant que ça va mieux à Marseille, et qu'à Lyon l'auréole au-dessus de la tête de Rémi Garde n'est pas près de tomber malgré des résultats aussi médiocres que ceux de son prédécesseurs, mais qui bénéficie du syndrome "Domenech", à savoir que Puel était tellement antipathique que son successeur y a gagné plusieurs mois de tranquillité médiatique, il faut bien que les journalistes trouvent quelque chose à raconter. Et là, c'est bien eux qui provoquent l'"info", et pas l'inverse.

Pourtant, il faut du talent pour trouver des trucs à redire sur un club invaincu depuis 12 matches en Ligue 1, leader du championnat avec 3 points d'avance sur Montpellier, 6 sur Lille, 7 sur Lyon et 12 sur Marseille, meilleure équipe à domicile et à l'extérieur, deuxième attaque, meilleure défense, avec le co meilleur buteur (Gameiro), etc. Mais j'ai pas dit que les journalistes n'avaient pas de talent... ils n'y connaissent pas beaucoup plus que le premier pochetron de café du commerce venu, mais ils compensent par une capacité à ressortir des problèmes là où y en a pas vraiment, du moins pour l'instant. Si le PSG commence à perdre, ils diront qu'ils l'avaient prévu, et s'il continue de gagner et bien personne ne viendra leur rappeler leurs conneries, puisqu'il n'y a pas de contre-pouvoir à la presse, personne à qui elle doit rendre des comptes, à part à ses différents actionnaires, bien sûr.

Rah purée j'ai trop digressé, et le temps me manque... même chose pour Jérémy Ménez et Nene, accusés d'être trop individualistes. C'est pourtant ce qui, selon moi, différencie le foot par rapport aux autres sports co : tu peux t'y affranchir individuellement, et c'est ça qui fait rêver les gens, les fait venir au stade ou acheter leurs abonnements à Canal. Au Rugby, au Hand ou au Basket, tu ne peux pas t'en sortir autrement que collectivement. les exploits individuels y sont soit quasiment impossibles, soit trop nombreux pour marquer la rétine des gens plus que ça. Mais au foot, même si le collectif est important, un joueur peut changer la face d'un match, tu peux sortir de la masse, t'habiller de lumière et être Zorro. C'est le rêve de tous les hommes.

Ménez et Nene accumulent à eux deux 12 buts et 9 passes décisives à eux deux, en 36 matches. On ne peut donc pas les taxer d'avoir empêché le PSG d'être efficace ou de gagner. Ils sont individualistes, certes, mais ce sport le permet. Quand Maradona a mis 5 Anglais sur les reins en 86, en quart de finale de la Coupe du Monde, son coéquipier Valdano courait à côté de lui, en attendant le ballon pour marquer. Jamais il l'a eu, mais Maradona a marqué le plus beau but de l'Histoire. Vous croyez qu'après il est allé lui dire "dis donc Diego, quand tu veux pour me passer le ballon hein !" Même chose pour les buts de Messi, etc. C'est leur jeu, ils provoquent, ils créent des brèches. Ménez, notamment, tentera 10 séries de dribbles, mais si seulement deux réussissent, c'est bon pour l'équipe. J'ai l'impression d'entendre les mêmes trucs que sur Ginola ou Djorkaeff... C'est facile de dire à un joueur qu'il aurait mieux fait de donner le ballon plutôt que de frapper ou dribbler encore. Mais si ça passe, on crie au génie... et si le mec a qui il a donné le ballon rate, on dira qu'il a été trop altruiste !! C'est l'avantage d'être commentateur plutôt qu'acteur... c'est facile.

Moi je dis, qu'ils continuent de jouer comme ça, puisque ça marche. Le jour où ça ne marchera VRAIMENT plus... on en reparlera. En attendant, allez Paris, les mecs.

Je vous laisse.

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