samedi 31 mars 2012

Hypothèse


Son costume lui a coûté un mois de salaire au bas mot, mais il n'y pense pas vraiment, vu que toutes ses dépenses de campagne lui seront remboursées. Tout ce qu'il a dépensé pour parvenir là où il est en ce moment ne coûteront rien à personne, sinon au contribuable. Ça pourrait le choquer, lui, le gauchiste extrême, que le président se gave aux frais du peuple, mais maintenant qu'il a les manettes, la question ne se posera plus d'ici quelques semaines : ce ne sera plus seulement la masse qui paiera des impôts, mais cette petite minorité de privilégiés richissimes qu'il compte bien imposer autant qu'il pourra. Il l'avait annoncé, il a été élu quand même : il appliquera donc cette partie - énorme - de son programme. Quitte à ce qu'il n'y ait bientôt plus de riches dans le pays. Peu importe : ce qu'il veut, c'est pas qu'il y ait des riches en France, c'est qu'il n'y ait plus de pauvres.

Ses chaussures aussi, sont neuves, et ça s'entend dans le grand hall de l'Elysée, sur le sol de marbre qui a pu admirer la semelle de dizaines de présidents, tous plus différents les uns que les autres. Depuis un siècle, ils ont cependant un point commun : ils ont habité ce grand palais, qui a fait tourner la tête de Bernadette Chirac, et qui donne toujours l'impression au locataire du lieu comme à son peuple que le Président de la République est plus un roi élu, inaccessible, sacralisé, qu'un simple fonctionnaire de l’État qui aurait autorité sur tous les autres. La France a beau être fière de ne plus être un Royaume, et de toujours décider qui sera sa tête de gondole internationale, elle aimera toujours autant être dirigée par un Roi, lumineux, aérien, intouchable. Il suffit de voir l'adulation que les Français entretiennent pour la monarchie monégasque, pas vraiment la leur mais un peu quand même : elle parle Français et s'appelle Français, après tout.

Mais pas sûr que lui y reste, à l'Elysée. Il y est actuellement pour le protocole, et pour prendre la température... mais il n'est même pas sûr de pouvoir prolonger le congé exceptionnel que son patron lui a accordé il y a quelques mois, pour la campagne. Il a beau avoir devant lui cinq années de salaires dix fois plus conséquent que ce qu'il touchait jusque là à l'usine Ford de Blanquefort, en Gironde, il sait que Président ce n'est pas vraiment un choix de carrière longue. S'il est réélu, en 2017, Philippe Poutou aura 55 ans : même avec une telle ligne sur un CV, pas sûr qu'il retrouve du boulot rapidement d'ici à la retraite. Ça dépendra de sa politique et de son bilan durant cinq ou dix ans, qui sait. En attendant, même s'il arrête son boulot à Ford, pas sûr qu'il habite à l'Elysée. Trop grand, trop luxueux. Trop loin du peuple. A deux kilomètres aux alentours, des wagons de touristes, de boutiques et d'électeurs de l'UMP. Pas évident de trouver une supérette dans le coin... et pas sûr qu'ils servent les cannellonis dont il rafole.

Il n'a pas encore compris ce qui lui est arrivé en l'espace de trois semaines. Début avril, il plafonnait à 0,5 %, et semblait parti pour ne recueillir que les voix des quelques militants qui n'auront pas craqué pour Mélenchon, de ses parents et de quelques romantiques qui aiment son nom de famille. "Poutou", quand même... "le Président Poutou a rencontré la Chandelière Allemande..." Quel enfoiré ce Besancenot, de lui avoir mis cette galère dans les pattes. Qu'est-ce qu'il va faire maintenant ? Devenir Lénine ? Chavez ? Ou réussir ce que personne avant lui n'a réussi à faire, dans aucun pays : allier le Communisme avec la Démocratie ? Quand il y pense, il hallucine. Le regard de l'Histoire lui pèse d'une force herculéenne.

Sa candidature, comme toutes celles des apparentés communistes depuis la chute de l'URSS, puis celle, mécanique, des scores du PCF, au profit notamment du FN, n'était pas là pour faire joli, mais c'était tout comme : grâce au premier tour, elle permettait aux gens qui n'en peuvent plus d'être écrasés et rejetés par le capitalisme de s'exprimer, de râler, de dire que ça suffit, d'envoyer un message aux petites bites socialistes, qui ont limite honte de se dire de gauche : on est nombreux, et vous avez intérêt à nous écouter. Certainement pas pour élire un candidat trotskiste... surtout quand celui-ci n'a jamais fait de politique de sa vie, si ne on considère pas la lutte syndicale comme de la politique.

N'empêche, Besancenot n'a pas été élu, lui. Il a déjà prévu de le mettre Premier Ministre, histoire de tout mettre par terre. C'est bien pour ça qu'il a été élu, hein ? Pour renverser le système ! Après tout, voilà, on y est à la Révolution dont il bassinait les rares micros qui voulaient bien se tendre vers lui depuis six mois. Ils vont voir si c'était de la rigolade.

Il n'empêche que ce n'était pas prévu. C'est un peu comme le petit groupe musical qui vient jouer quatre ou cinq chansons en première partie d'un concert d'une méga star. Les gens écoutent par politesse, adhèrent parfois, dansent un peu, applaudissent, mais s'ils ont payé 50 euros leur place, ce n'est pas pour l'acclamer, lui. Là ils attendaient un duel Sarkozy-Hollande, ils ne l'ont pas eu. Pourquoi, déjà ?

Comment en était-il arrivé là ? De 0,5 %, il avait d'abord gagné 8 points d'un coup lorsque Mélenchon, cité dans l'affaire du Carlton de Lille en tant que participant occasionnel, il y a quelques années, avait du abandonner la course, alors qu'il frôlait les 14 %. Poutou avait alors tenté un coup de poker : il avait réussi à convaincre Nathalie Arthaud, l'autre candidate trotskiste, de le rejoindre. Le 10 avril, ils étaient à 12 %.

La suite était surréaliste. Hollande était filmé par un militant UMP infiltré dans le backstage d'un meeting à Limoges, en train de dire à des proches tout le mal qu'il pensait de son ex compagne, Ségolène Royal, affirmant que ça avait été "les pires années de sa vie", qu'il avait été "humilié" de devoir passer derrière elle lors de l'élection précédente, et que oui, bien sûr, il avait tout orchestré pour lui saboter sa campagne, "c'est humain, non ?" A côté, le coup de "Chriac est trop vieux" de Jospin, c'était du Châteaubriand.

L'effet avait été dramatique pour le candidat socialiste... mais aussi pour Sarkozy, qui n'allait bizarrement pas profiter de la chute soudaine des sondages de principal adversaire présumé. Hollande perdait dix points d'un coup, passant à 17 %, mais c'était surtout Poutou qui en profitait, puisqu'il passait d'un coup à 18%. Sarkozy passait de 28 à 29 %, et Marine Le Pen glanait deux points, à 17 %. Quant à Bayrou, il en gagnait également deux, passant à 12 %.

Son entourage pressait alors Poutou d'attaquer, vu qu'il avait une chance d'être au deuxième tour, mais ce dernier se découvrait un soudain instinct politique : il décidait de se montrer plus présent, mais sans attaquer les Socialistes. Il savait que ces derniers, en revanche, n'auraient plus le choix que de le chercher, ce qui n'allait pas manquer d'arriver : durant les trois jours avant le premier tour, Fabius, Valls et compagnie allaient se jeter sur lui, le traitant de danger public, d'illuminé, d'amateur... l'effet allait être ravageur. Les Français, dégoutés, allaient se prendre d'affection pour ce candidat simple, pas très à l'aise à la télé, mais qu'ils ne risquaient pas de retrouver un jour dans une partouze, et qu'ils n'imaginaient pas parler mal de son épouse.

Au premier tour, Sarkozy était arrivé en tête avec 28 %, Poutou deuxième à 21 %, Le Pen troisième à 17, Hollande - qui ne pouvait pas annoncer lui aussi qu'il se retirait de la politique, ça avait déjà été fait, mais on sentait qu'on n'était pas prêt de le revoir - à 15 et Bayrou à 13. De candidat accessoire, en multipliant par 300 son score, Poutou était passé au statut de présidentiable probable. Une sorte de 21 avril du troisième type. Ou plutôt du sixième.

Il était annoncé quasi à égalité avec Sarkozy pour la victoire, 52-48. Les reports de voix socialistes - il n'y croyait pas à ça non plus - n'étaient pas fabuleux, certains d'entre eux préférant voter Sarkozy ou s'abstenir plutôt que voter trop à gauche. En revanche, il récupérait les deux tiers des voix de Le Pen, et la moitié de celles de Bayrou ! Quand il y pensait, tandis qu'il tournait ses semelles trop bruyantes vers la salle du Conseil des Ministres, juste pour jeter un œil, piquer des voix aux centristes, c'était limite un critère d'exclusion du NPA... même s'il n'avait rien fait pour ça.

Un homme allait lui apporter la victoire : en échange d'un poste important au gouvernement, Montebourg, déjà le plus à gauche des Socialistes durant les primaires, allait venir le soutenir dans ses meetings, et Besancenot allait se dédoubler sur tous les plateaux pour faire le job. Poutou, en revanche, avait interdiction d'apparaître sur un plateau télé. Mais il allait quand même devoir passer le débat avec Sarkozy. Pour ce dernier, qui pensait déjà dévorer Hollande après avoir contrôlé Royal en 2007, c'était du tout cuit. Comment ce mollusque, qui était terrifié à l'idée de passer sur France 3 Auvergne, allait pouvoir lui résister ?

Toute la semaine, il allait travailler avec Montebourg et Besancenot. Djamel Debbouze, également, allait y mettre du sien. Tout ce beau monde allait se mobiliser pour transformer le timide et fade ouvrier de chez Ford en bretteur de première classe. Objectif ? Énerver Sarkozy. C'est ce qui avait peut-être perdu Royal en 2007, elle avait réussi à faire passer Gnafron pour un calme, impression qu'il allait vite mettre par terre dès les premiers mois de son mandat. Trop tard...

Jusque là, à la télé, Poutou avait soit l'air niais, soit il débitait les mêmes trucs comme un syndicaliste qu'il n'avait jamais cessé d'être, à la vitesse d'une mitraillette, ce qui repoussait les électeurs à des années-lumières de lui. Soit les deux. Il allait devoir apprendre à rester calme, à exposer ses arguments tranquillement, sachant très bien que les questions des journalistes, qui sont rarement Trotskistes, hormis à l'Huma, allaient le mettre en difficulté.

Grâce à ce travail, mais aussi un gros effort de sa part, il allait passer ce test sans coup férir. Rendu nerveux par la perspective de se retrouver condamné à être le nouveau Giscard, qui radote depuis 30 ans les mêmes âneries depuis sa défaite de 1981, Sarkozy allait se jeter sur Poutou, qui allait parfaitement esquiver les coups, tout en balançant quelques bonnes droites à son adversaire. Une, en particulier, allait faire mouche : "On ne vous aime pas, monsieur Sarkozy, alors partez dignement, au moins". Avec un petit air condescendant à la clé, c'était imparable.

Une semaine plus tard, durant laquelle la presse allait s'arracher sa personnalité et son tout nouveau charisme, Philippe Poutou était élu Président de la République pour quelques centièmes de points, 50,3 % à 49,7. Préparez les chars russes, et réservez les Champs Élysées.

Et le voilà, ce mercredi 9 mai, en train de se diriger vers son bureau. Décidément, ses pieds n'allaient pas pouvoir faire "couic couic" durant cinq années... voire plus. Il dénoua sa cravate, enleva sa veste, puis ses chaussures, et repris sa marche. Les murmures scandalisés derrière lui le ravirent : allez, il allait bien se marrer, autant en profiter.

vendredi 30 mars 2012

Bilan de ma journée d'anniversaire

- 11 textos ;

- 17 messages sur Facebook ;

- 0 coup de fil ;

- ou plutôt si, 1 coup de fil de Ruquier, pendant son émission sur Europe 1 ;

- 0 carte de vœux ;


- 1 balade sur les bords de Seine et aux Tuileries ;

- 1 soirée jeux entre amis ;

- 1 tite vache en chocolat Jeff de Bruges ;

- 1 tablette numérique pour dessiner comme en vrai sur mon ordi :















- 1 premier dessin :
















- Ajoutons le livre de Steve Berry, "le mystère Napoléon", ainsi que les deux places pour aller voir Christophe Alévêque, reçus ce week-end par mon binôme d'anniv ;

Merci encore à tous les contributeurs !

Je vous laisse.

mardi 27 mars 2012

Mars au soleil

Salut à tous,

Je viens de passer un bon petit week-end entre amis, comme on en a l'habitude en cette période de l'année. Et, comme vous avez également du le constater, de là où vous étiez, il faisait un temps que même le mois de mai aurait eu du mal à héberger en son sein. Il y a un peu plus d'un an, nous pataugions, mon Amour et moi, dans la campagne neigeuse, glacée et humide - mais magnifique - de l'Ile de Skye. Ce week-end, j'ai cramé sur les avant-bras, le visage et dans le cou. Et j'ai la haine de n'avoir pas pensé à emmener un bermuda... ça m'arrive rarement d'en porter, vers le 25 mars, d'habitude. Merci le réchauffement de la planète.

Nous sommes allés un peu plus loin que d'habitude cette fois, aux confins de la Sarthe et de l'Indre-et-Loire, à Château-Lavalière, vers la Flèche, que mon papa sarthois connaît bien puisqu'il y a poussé ses premiers cris, il y a... quelques années. On y a déniché une maison assez extraordinaire, construite dans un ancien corps de ferme. Deux étages, reliés par un très joli escalier en bois et en colimaçon ; des chambres très vastes, notamment la nôtre, sous le toit, où nous avons pu dormir à six sans se marcher dessus (les parents et leurs rejetons dormaient à l'étage d'en-dessous) ; un salon extrêmement vaste, à la déco certes un peu ratée, mais qui nous a permit quand même de se faire un apéro dinatoire puis un nuit de jeu avec une aisance remarquable ; et un terrain, immense. Jamais, je crois, nous avions eu droit à un terrain de cette taille.

Notre bâtiment, en U, encadrait déjà une grande place de gravillons, où les voitures ne parvenaient même pas à gêner le filet de badmington et la table que nous avions installé pour profiter du soleil lors des repas de midi. Le bâtiment du milieu hébergeait d'ailleurs une table de ping-pong qui a bien servi, vous vous en doutez... mais si vous alliez derrière le troisième bâtiment, auquel nous n'avions accès que pour récupérer le barbecue et les parasols, vous passiez une barrière pour vous retrouver sur une grande étendue carrée de béton, suivie d'une autre, immense, recouverte d'herbe. La première portait en son coin le plus éloigné un panneau de basket (avec son ballon), qui a pas mal servi, notamment à votre serviteur, qui a découvert que ce sport, même pratiqué seul, est idéal pour se passer les nerfs, surtout quand on a un caractère sur ressors, comme moi. Non pas que j'avais des motifs de m'énerver, loin de là... au contraire, même. Mais je n'ai pas toujours besoin de motifs pour être sur les nerfs, je le suis constamment. En tous cas, je me suis étonné par le nombre de paniers que je réussissais... cette fois c'est sûr, je suis passé à côté d'une carrière, pas d'avant-centre du PSG comme j'en rêvais, mais comme pivot... du PSG. Certaines choses ne changent pas.

L'autre hébergeait un petit but en bois, mais nous ne l'avons pas utilisé - pas de ballon adéquat. En revanche, nous y avons fêté trois anniversaires, en y faisant un petit goûter bien sympathique, riche de trois gâteaux tous plus délicieux les uns que les autres. Enfin... le Carrot Cake de mon Ange était quand même un petit peu au-dessus des autres :D

Je faisais partie des trois "fêtés", et oui, c'est pour bientôt. Jeudi, je franchis une nouvelle étape vers le milieu présumé de ma vie, et la glissade qui s'en suivra vers la fin, derrière :p Vous le savez, je déteste fêter mon anniversaire, mais je dois dire que le faire avec mes amis, leurs enfants, qui laissent leurs traces de main dans le gâteau parce que, soyons réaliste, on peut pas résister, ça atténue quand même un peu le choc. Et puis en plus j'ai été gâté par mon binôme de cadeaux, que je vais tenter de gâter au moins autant en retour, en juillet prochain. Bref, c'était cool. Mais quand même, je ne le fêterais pas l'année prochaine, je le dis tous les ans mais cette fois c'est sûr :p
J'ai donc passé un super week-end, riche de fou-rires - ça m'arrive rarement, mais cette fois j'en ai eu un qui fera date - de bonnes bouffes et de soleil, et pourtant ce n'était pas gagné. A cause d'une lombalgie aiguë attrapée le matin même du départ, j'ai bien cru ne pas pouvoir partir. Heureusement qu'on partait tard... j'en ai profité pour me traîner chez le docteur, qui m'a fait poireauter deux heures (!) avant de me refiler des antiinflammatoires et des anti douleurs, surtout en vue des trois heures de route qui m'attendaient... Ce matin ça va un peu mieux, même si j'ai encore le dos un peu raide.

J'espère que la prochaine fois, je serais en meilleure forme !

Je vous laisse.

mardi 20 mars 2012

Deux minutes chez A&F

- Tu veux aller chez Abercrombie ?

Sur le moment, j'essaie de me rappeler de la chose absolument répugnante que j'ai pu faire pour mériter ça. Le Karma, ça ne se prend pas à la légère, et quand un truc aussi moche, aussi lourd vous tombe sur la tronche, c'est que vous avez fait un truc vraiment dégueulasse auparavant, genre laissé la lunette des chiottes relevée ou secrètement s'être satisfait d'une panne de courant au moment où votre copine s'apprêtait à regarder Top Chef. Bref, un truc qui vous qualifie direct pour la TPI si ça se sait.

Mais non, après avoir demandé, ce n'est apparemment pas une punition, elle veut vraiment m'emmener chez Abercrombie comme ça, pour me montrer. On est sur les Champs, sur le trottoir des commerces - en face, y a les banques et quelques restos - que l'on est en train de descendre vers la Jardin des Tuileries, et ce après avoir été enchanté par le très bon "Cloclo". Encore sous le choc de la très bonne performance de Benoît Magimel en Paul Lederman, je me dois d'encaisser cette nouvelle : on va aller voir Abercrombie. Non, je ne ferai pas des bonds de cabri, bien que l'envie me démange.

Moi qui déteste tellement les magasins de fringues, la mode, la branchitude, ce genre de magasin des Champs, c'est mon rêve, mon eldorado, le passage obligé vers le bonheur, mon Nirvana ultime. Pourtant y a le Virgin, la boutique du PSG (vus 12 000 fois, certes, mais bon) à voir, mais non, on va chez Abercrombie. Remarquez, voilà pourquoi je suis puni : pour l'avoir plusieurs fois emmenée voir la boutique du PSG. Après coup, ça tombe sous le sens, c'est même une sanction plutôt clémente, je m'en sors pas mal finalement.

Le truc extraordinaire, c'est que le magasin sent à deux cents mètres de là, minimum. Je récapitule : on est sur les Champs-Elysées, l'avenue la plus large et la plus fréquentée en voitures de Paris, avec toute la polution et les odeurs qui vont avec ; il y a 143 touristes au mètre carré, qui ont passé la journée à épuiser leurs chaussures et leurs parfums bon marché à sillonner les rues de Paris sous le jeune soleil de mars, et trimballent des auréoles sous les bras grandes comme l'Australie ; et c'est à deux cent mètres, minimum. Mais quand même, ça sent la cocotte. Mais pas une petite cocotte, hein, une vraie cocotte, un truc insupportable, Fleur de Vomi ou un truc du genre. La boutique du PSG, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais à part de près et en mettant le nez sous les aisselles des vendeurs, ça sent rien, sorry. Je dis ça, je dis rien.

On traverse la grande avenue, et l'odeur se précise. L'entrée du magasin pue le mauvais goût, il y a une grille avec ABERCROMBRIE taillé dans le métal dedans. Devant, trois glandus sapés genre "on est trop cools et décontracts" nous baragouine un truc en anglais qu'ils ne comprennent peut-être pas eux-même. Ben oui, pourquoi un Parisien ou un Francilien viendrait se faire chier dans une merde pareil, alors qu'il y a tellement de magasins normaux ailleurs dans Paris ? Forcément, y a que des touristes qui viennent ici. Et nous, donc.

L'odeur commence à être très pénible. Après la grille, suit un chemin entre deux rangées d'arbres, qui surmontent des lampes qui doivent les éclairer le soir. A cet instant, j'ai l'impression d'être Tom Cruise dans Eyes Wide Shut, au moment d'aller dans le château où se déroule les parties fines. Vous inquiétez pas, ça m'arrive rarement de me prendre pour Tom Cruise. Oui, pour la taille, quoi d'autre ?

Bref, je m'attends à des vendeurs habillés en cuir et équipés de masques et de fouets, me proposant des activités déconseillées par l'Eglise Romaine. J'étais relativement loin du compte, mais finalement, j'aurais peut-être préféré.

Au bout du chemin, ça tourne à droite, et on arrive devant l'entrée, immense. Dans un vestibule, un type est là. Il est debout, il accueille également les gens en anglais, et il a manifestement pris la chemise de son petit cousin de huit ans ce matin. Ben oui, sinon pourquoi cette dernière est grande ouverte sur un torse parfaitement sculpté, avec deux écrans larges surmontant des tablettes de chocolat, tout cet attirail d'ordinaire retouché sur Photoshop étant dépourvu de la moindre petite particule capillaire ? Forcément parce qu'elle est trop petite, cette chemise, sinon c'est un peu indécent quand même non ? Au passage, j'aimerais bien voir son contrat et la dénomination de son poste : "agent d'accueil torse nu" ? "Gars musclé à l'entrée" ?

Et je note également le sexisme : ok, y a un mec qui montre ses nénés à tout le monde, les visiteuses sont contentes, elles ont gagné leur journée. Et les mecs alors, ils sont là pour éponger la larme de bonheur de leur compagne devant ce spectacle ? Et la fille à poil alors, elle est où ? Les bonnes habitudes se perdent, y a pas à dire. A moins que les tablettes soient aussi là pour satisfaire certains clients mâles, cibles prioritaires de ce genre de magasins, dans ce cas j'ai rien dit.

Non mais attendez, ça c'est rien. Lui, il a l'air normal par rapport à ce qui nous attends derrière.

On passe avec succès le test du type à la chemise trop petite - je ne le blâme pas, moi ça me fait pareil avec mes chemises, à cause d'un abdo unique beaucoup trop développé -, on franchit le vestibule et on arrive à l'entrée du vrai magasin. L'odeur est apocalyptique, et une Dance froide comme une porte-parole diaphane de Sarkozy est matraquée à fond les ballons par la radio. Devant nous, un couple danse sur cette bouillie.

Oui, ils dansent. Ils sont là, habillés comme des communiants, ils sont jeunes, minces et beaux, ils sont tendances, et ils dansent, côte à côte, face à la "foule" qui rentre dans le magasin. Ils ne dansent pas bien, hein, vu que ça doit faire entre trois et cinq heures qu'ils le font sur le même morceau, au même endroit, ils dansent un peu comme moi quand je danse, les avant-bras relevés, un pied vers l'avant après l'autre, façon le Mia quoi, mais ils dansent. C'est quoi leur rôle ? "Danseurs" ? Ok, je peux faire le Conservatoire alors, si bouger comme ça, c'est danser.

En tous cas, je leur souhaite de bien s'entendre, parce que danser pendant des heures devant des gens, OK, mais à côté d'un con, ça doit être très pénible.

Après le mec torse nu, après les jeunes qui dansent sans raison, on a enfin l'impression d'être dans un magasin. Le budget du magasin doit passer dans leurs salaires et le parfum, probablement relâché sans discontinuer par un tube de trois mètres de diamètre, parce qu'il fait sombre comme dans mon cul, donc au niveau électricité, à part la musique... pourtant, ils se font du blé : suffit de vendre une dizaine de bustiers à 150 euros, et autant de shorts en jean à 68 euros, et Joe Tablettes est payé pour le mois. Du moins, je l'espère, si c'est plus on peut parler d'emploi fictif...

Y a plusieurs étages dedans, et on a vraiment l'impression d'avoir investi une ancienne maison close. Comme personne n'a les moyens de se payer des trucs aussi scandaleusement cher, les vendeurs à leurs stands sont beaucoup plus désœuvrés que leurs collègues de l'entrée. Mais au moins, eux ne prennent pas froid ou n'ont pas les pieds en sang à la fin de la journée. En revanche, pour se débarrasser de l'odeur de cocotte, de retour chez eux... vous imaginez, nous une heure plus tard on sentait encore mauvais alors qu'on y avait passé deux minutes, alors après huit heures, à part un bain d'acide, je vois pas. Le célibat, peut-être.

Oui parce que figurez vous qu'on ne s'est pas attardé. Qu'est-ce qui nous aurait retenu ? Les prix attractifs ? La musique accueillante ? L'odeur ? Ah oui effectivement, avec tout ça je me demande pourquoi on y a pas passé la fin d'aprèm. On a étrangement préféré se balader vers l'Elysée - j'espère que notre odeur de cocotte est parvenu jusqu'aux narines des locataires du lieu - puis aux Tuileries, avant d'aller oublier cette mauvaise expérience devant un Japonais, à Montparnasse. Finalement, y a pas que ce qui est bien qui finit bien.

Je vous laisse.

samedi 17 mars 2012

Extrait ² - Antietam

L'offensive de Dendrède à Antietam fut un succès sans précédent dans toute l'histoire militaire du monde, qui en fut très profondément et immédiatement modifié.

Comme prévu, fort de l'accord obtenu auprès du général Lee, il obtint l'aide d'une bonne centaine soldats venant du corps dirigé par le brigadier-général David R. Jones, neveu de Zachary Taylor, le douzième président américain, et également le cousin de Jefferson Davis, chef de la Confédération. Grâce à – ou à cause de - l'action de Dendrède, ce dernier deviendra bel et bien Président, tandis que son cousin officier, au lieu de mourir d'une crise cardiaque quelque mois après la bataille, survivra et rejoindra son gouvernement dans le cabinet de Robert Lee, devenu Secrétaire d'Etat.

Tout se déroula comme il l'avait annoncé dans la tente de l'État-major sudiste. Dès que la canonnade s'abattit sur le flan gauche de l'armée unioniste, Dendrède et ses hommes, accroupis depuis une dizaine de minutes dans des fourrés, au pied d'une colline, surgirent et se précipitèrent vers la tente de commandement adverse. Pour ne pas que les Nordistes devinent tout de suite leurs intentions, qui auraient de toutes façons été difficilement imaginable tant elles leur auraient parues pour le moins saugrenues et désespérées, ils s'attachèrent d'abord à attaquer, mollement mais réellement, le flanc droit de l'armée du général Ambrose Burnside, toujours coincé sur la mauvaise rive de la rivière Antietam par la mitraille des Géorgiens. Face à la réplique d'une troupe certes prise sous deux feux mais cent fois plus nombreuse, ils reculèrent logiquement en effectuant un mouvement tournant, tout en donnant l'impression de fuir. De fait, ils se rapprochèrent terriblement de leur objectif, sans éveiller le moindre soupçon. En effet, Burnside, obnubilé par la traversée de la rivière, ne voulu pas les poursuivre, et se contenta de se concentrer sur son objectif. Une énième erreur de ce général d'opérette, chauve mais doté d'une barbe foisonnante devenue légendaire, qui n'allait cette fois pas avoir l'occasion de les répéter à l'avenir, contrairement à ce que le destin lui réservait à l'origine. Gravement blessé puis capturé durant la bataille comme près des trois quarts de l'armée unioniste, il fut renvoyé chez lui avec une jambe en moins, et beaucoup de temps pour méditer sur ses échecs durant la guerre, au lieu de devenir l'homme politique qu'il était devenu dans la désormais ancienne mouture de ce monde.

De leur côté, Dendrède et ses hommes, débarrassés de leur plus gros écueil, décidèrent d'accélérer les choses. Il ne leur restait que deux grosses dizaines de minutes pour réussir leur coup d'éclat, sous le regard inquiet et lointain du général Lee, attentif à la tentative du sergent inconnu à l'aide de sa longue-vue. Au pas de course et le plus discrètement possible, ils contournèrent le corps d'armée de réserve, plus petit, du Major Général John Porter. Une troupe qui aurait sans doute permit de gagner la bataille plus tôt et de façon plus nette, voire définitive, par l'Union si McClellan avait eu la bonne idée de l'utiliser. Mais Porter était en disgrâce suite à sa célèbre insubordination durant la Seconde Bataille de Bull Run, qui avait coûté la victoire à l'Union. Ni lui, alors occupé dans la tente de commandement, ni aucun de ses hommes, quasiment désœuvrés et peu attentifs à ce qui se passait dans leur zone, en dehors de la boucherie se déroulant devant eux, n'aperçurent la centaine de confédérés se faufilant dans leur dos en direction du nord.

Ce n'est qu'arrivés à deux cent mètres de leur objectif qu'ils chargèrent véritablement, se découvrant aux yeux de tous, mais sans que personne n'ai le temps de réagir. Certains soldats raconteront à leurs proches, quelques temps plus tard, comment l'homme qui les guidait, et que personne n'avait encore jamais vu, se comportait à leur tête : il semblait comme possédé. Doté d'une voix de stentor et d'un regard hypnotisant, il leur parlait comme s'ils avaient tout connu ensemble, et combattu côte à côte sur tous les fronts, ce dont ils avaient d'ailleurs du mal à douter sur le moment.

Mais ce qui impressionna le plus ceux qui combattirent au plus près de lui, qui faisaient pourtant partie des meilleurs éléments de l'armée confédérée et qui avaient vu quantité de combattants audacieux dans leur carrière, demeura sa façon de combattre. Ils furent marqué par sa vitesse d'exécution, parfois subjugante, et la précision de chacun de ses gestes, dont pas un seul ne put être taxé de superflu. Son fusil, une fois déchargé par une série de tirs tous précis et mortels, fut vite abandonné pour ses pistolets, également utilisés de façon parfaite et meurtrière. Ces derniers tombèrent à leur tour sans même qu'il ne perde de temps à chercher à les recharger, et son sabre, sorti en un éclair argenté, ne quitta plus une main toujours plus habile.

Cette lame, bien loin de l'handicaper, sembla le transcender, et fit des dégâts absolument considérables dans les rangs clairsemés des troupes d'élite de l'Union, qui s'attendaient à tout sauf à une offensive à cet endroit. Son épée se mit à voler dans tous les sens, parfois à la limite du visible, et chacun de ces mouvements étaient ponctués par des giclées de sangs, voire des vols de membres tels que des bras, des pieds et beaucoup de tête, également. L'homme semblait parfois se déplacer plus rapidement qu'un œil humain, même exercé, ne pouvait le détecter. Un des soldats qui le suivaient de près, un ancien du Mexique, de retour chez lui en Virginie quelques mois plus tard, raconta à sa femme qu'il rêvait encore, la nuit, de ce sergent albinos inconnu qui massacrait à tout va autour de lui, en concluant sa confession par cette phrase : « Je crois que si on n'avait pas été là, ça aurait été la même chose. Il n'avait pas vraiment besoin de nous, au fond. Dans nos rangs, ça tombait comme des mouches, mais lui traçait son sillon, et on le suivait. Il serait peut-être allé encore plus vite s'il n'avait pas eu à nous traîner derrière lui... »

Les lignes adverses, composée des soldats les plus méritants de l'armée unioniste, furent littéralement décimées, et pas seulement grâce aux talents exceptionnels de combattants de Dendrède, mais aussi par la motivation qu'il fit naître chez ses compagnons, transcendés et carrément entraînés par cette véritable tornade humaine. Des hommes ayant une bonne vingtaine de batailles à leurs actifs, et des dizaines de morts à leur actif, fuirent comme si le Malin avait décidé de se charger personnellement de leurs destinées. D'autres tombèrent avant même de savoir ce qui leur était arrivé. Alerté à la fois par les cris de haine des assaillants et de panique de ses défenseurs, le major général George Brinton McClellan sorti de sa tente, encadré par son état-major, qui partagea avec lui la consternation qui le pris au moment d'assister au massacre de ses troupes d'élites. Mais le général en chef de l'armée de l'Union ne souffrit pas longtemps de cette vision : frappé en pleine tête, il s'écroula, suivi de près par ses principaux généraux, avant même qu'il ne s'en rende compte. En effet, à la vue des têtes pensantes de l'ennemi sorties à découvert, Dendrède s'était emparé d'un fusil adverse après avoir soulagé son propriétaire de sa vie, puis avait armé et ajusté à près de 70 mètres de distance l'ensemble de l'état-major nordiste, en une douzaine de tirs assassins et d'une précision diabolique.

Privé du moindre commandement haut-gradé, l'armée du président Lincoln était sur le point de succomber, et ne manqua pas de le faire quelques dizaines de minutes plus tard. Seulsdeux ou trois centaines de prisonniers téméraires et chanceux parvinrent à s'échapper, constituant de fait un embryon d'armée bien insuffisant pour résister à une armée que plus personne n'allait plus pouvoir arrêter désormais.

Et ce, pas seulement durant cette guerre, qui allait voir son terme survenir nettement plus tôt que prévu, comme l'avait programmé Dendrède.

jeudi 15 mars 2012

Les fadaises de l'Histoire

Salut à tous,

Vous savez quoi ? Malgré la tension des élections, de la fin du championnat, du boulot où les objectifs irréalisables se succèdent, mon appart pourri, mes difficultés à reprendre la course après deux mois d'arrêt ou le réchauffement - sensible en ce moment non ? - de la planète, y a quelques moments, quand même, où je me régale en ce moment. Notamment quand je m'assoie dans un RER et que j'ouvre le dernier bouquin que j'ai acheté, Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises, de François Reynaert.

Vous le savez, j'essaie beaucoup de bouquins, souvent sans avoir fini les précédents. J'y peux rien, hormis durant ma période Stephen King peut-être, j'ai toujours fait comme ça. Si j'arrivais à faire autrement, croyez bien que je le ferais. Je vous le dis, j'aimerais bien savoir comment se terminent le Monde selon Garp ou Elric... des bouquins géniaux que j'ai soudainement arrêté de lire il y a plusieurs années maintenant, sans doute parce que j'avais du tomber sur un autre livre que je n'avais pu m'empêcher d'entamer... et sûrement de pas terminer d'ailleurs. Mais je sais pas pourquoi, celui-là je crois que je vais le terminer.

C'est le bouquin que j'aurais rêvé d'écrire, tout simplement, et l'ancien chroniqueur du Fou du Roi l'a fait, l'empaffé. Je n'en suis encore qu'au début, mais tout ce qu'il a écris, j'aurais pu l'écrire si j'avais eu le temps, le courage, la discipline, le talent. En tous cas, tout ce qu'il raconte, c'est ce que je passe mon temps à dire un peu partout, à mes proches, sur le net... à savoir que l'Histoire officielle est une arnaque, comparée à l'Histoire réelle.

Tout en revisitant brillamment l'Histoire de façon chronologique, la dépoussiérant au passage de façon méthodique, il prouve que le traitement de cette dernière fut différent selon que les époques et les enjeux nationaux l'exigeaient. Ainsi, certains évènements disparus furent glorifiés, banalisés ou oubliés suivant qu'on vivait sous la Révolution, le XIXe siècle, si nationaliste, ou l'entre-deux-guerres. Certains Rois, certains peuples, furent littéralement déplacés, transformés, de façon à ce que les symboles qu'ils représentaient après coup servent le sentiment national, son roman, sa gloire, et fassent d'autres nations, comme l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche ou les Musulmans des ennemis héréditaires.

Ainsi, et j'en ai forcément déjà parlé ici, le titre annonce une des plus grandes arnaques de l'Histoire de France : nos ancêtres les Gaulois. Les Gaulois qui se nommaient ainsi simplement parce qu'ils habitaient les différentes gaules - comme la Gaule belgique, la Gaule narbonnaise... - qui composaient le territoire national que nous connaissons aujourd'hui, et qui ne formaient absolument pas un peuple uni, dans un pays uni. Il s'agissait principalement de Celtes (j'en ai parlé ici), c'est-à-dire des anciens habitants d'Europe Centrale chassés par les barbares, puis les Romains, qui peuplèrent ensuite la Gaulle durant une demi douzaine de siècles. Alors qu'ils ont modernisé la Gaule, la civilisant, donnant la plupart de leurs noms aux villes d'aujourd'hui, est-ce pour autant qu'on dit nos ancêtres les Romains ? Pas vraiment non. Et pour autant, notre culture est globalement beaucoup plus latine que celte, hormis en Bretagne...

Ces derniers ont ensuite été chassés à leur tour par d'autres barbares, qui allaient s'y installer pour beaucoup plus longtemps que l'Histoire officielle ne l'annonce : les Francs. Ces derniers ont donc envahi la Gaule, et certainement pas dans le but de créer la France qui allait rendre si fier, plus de 1000 ans plus tard, Claude Guéant et sa clique de la Droite dure et du FN. Non, c'était juste pour avoir des terres en plus, comme ça se faisait à l'époque. Le rapport entre les Gaulois et les Francs ? Ben aucun, pourquoi ? Depuis quand on évoque les anciens locataires quand on investit un appart ?

Les Francs qui, un demi millénaire plus tard, étaient encore présents dans la future France. Et d'où venaient-ils, les Francs ? D'Allemagne, de Belgique (où sont nés des fondateurs de la France comme Clovis et Charlemagne...), etc. Ça, que le peuple qui a donné son nom à notre pays soient des boches, croit moi, c'est pas vraiment mis en avant dans nos bouquins d'Histoire, même si ça l'est sans doute plus qu'il y a un demi-siècle ou un siècle... De même, le fait que Clovis se soit converti au Christianisme a été montré comme un signe que la France était avant tout chrétienne. N'empêche que, comme Charlemagne deux siècles plus tard, il n'allait pas pour autant se comporter en Chrétien, loin de là, respectant le mode de vie franc à la lettre.

Ce qui est intéressant dans ce bouquin, c'est de voir comment certains évènements sont gonflés pour servir le nationalisme, plusieurs siècles plus tard. Ainsi, "Charles Martel stoppant les Arabes à Poitiers" est présentait comme le fondateur d'une tradition que certains ne veulent surtout pas perdre : empêcher les Arabes de "coloniser" la France. Le bon Charles, maître du Palais et futur roi des Francs (et non de France, qui n'existera pas avant un demi-millénaire), n'en avait rien à battre de sauver la civilisation chrétienne contre les infidèles musulmans. En bon barbare franc, la seule chose qui l'intéressait, c'était de conquérir des territoires. Il mena donc des guerres un peu partout autour des frontières du royaume, repoussant ici, glanant du terrain là, juste pour le plaisir d'offrir un grand territoire à ses enfants, à sa mort. Du coup, la bataille de Poitiers, où sa Sainte Main sauva la Chrétienté en repoussant les Arabes, n'était qu'une parmi mille autres, beaucoup, mais alors beaucoup moins célèbres, mais souvent plus importantes sur le plan militaire, par exemple. Je ne vous ferais pas l'affront de préciser pourquoi celle-ci est beaucoup plus célèbre que les autres.

Pour Charlemagne, c'est encore plus drôle. Qui sait en France que le bon Carolus - et sa barbe fleurie, qui n'a jamais existé sur son glabre menton, mais ça c'est un détail - est considéré comme Allemand outre Rhin (Karl der Große), voire italien (Carlo Magno) de l'autre côté des Alpes ? Il n'est pourtant ni Allemand, ni Italien, ni Français, même s'il est né en Belgique, et qu'il a vécu l'essentiel de sa vie à Aix-la-Chapelle, en Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne). Simplement, son royaume, puis son empire, immense, allait de la marche d'Espagne - où il perdit son peut-être neveu Roland à Roncevaux, tué par les Basques, et non les Arabes, après avoir combattu ces derniers à Pampelune - au Danemark, occupant toute l'Allemagne d'aujourd'hui et le nord de l'Italie. Il passa son temps à cheval, ne connaissant qu'une seule année (sur 32) de règne sans la moindre bataille, combattant les barbares qui menaçaient son propre empire barbare. Chrétien, il l'était pour la forme, reniant ses femmes le plus facilement du monde, et vivant toujours selon les traditions franques.

Charlemagne était certes roi des Francs, il fut aussi roi des Lombards (en Italie, donc), et empereur d'occident. Il était donc avant tout un Européen, même si la notion d'Europe et de nation lui était aussi étrangère que le minitel. Les pays n'existaient pas, seuls des chefs de barbares se disputaient des territoires selon les alliances, les morts de souverains, les souhaits du pape, etc. Ce si bon et si chrétien empereur, qui inventa soit-disant l'école (alors que ce sont les Romains qui l'ont inventée, Charlemagne se contentant de la démocratiser en partie), massacra par exemple les Saxons qui ne cessaient de l'emmerder sur sa frontière est. Ce n'était pas un monstre, il faisait comme tout le monde, c'est tout. La convention de Genève n'était même pas une utopie à l'époque.

A sa mort et celui de son fils Louis, et selon la tradition franque qui prouve à elle seule combien la notion de pays, à l'époque, était illusoire, son empire fut divisé entre les trois héritiers, qui se firent immédiatement la guerre pour récupérer les deux autres. En attendant, ces trois "nations" furent les embryons de ce que sont à peu près la France, l'Allemagne et l'Italie d'aujourd'hui. Du moins, si l'on considère que la Belgique ou la Catalogne sont Français, la Provence ou les Pays-Bas Italiens, ou l'Autriche, allemande. Mais bon, simplifier l'Histoire, ça peut servir parfois. N'empêche, la France telle qu'on la connaît à peu près n'existera pas vraiment avant une poignée de siècles, l'Allemagne et l'Italie avant la moitié du XIXe siècle, même si le Saint-Empire-Romain-Germanique fut un ancêtre convenable pour le premier nommé. Mais c'est aussi l'ancêtre de l'Autriche, de la Hongrie, des Tchèques, des Slovaques, des Belges... tout est relatif.

La Guerre de Cent ans, même chose ! On présente ça comme une guerre France-Angleterre, alors qu'il ne s'agissait de rien d'autre qu'un conflit entre cousins, le plus souvent Français ou élevés en France - comme le fameux Jean Sans Terre - , qui se disputaient le territoire après une série de mariages qui avaient foutu le bordel dans les successions, notamment en Aquitaine, et la fameuse Aliénor, successivement reine de France et d'Angleterre, après qu'elle ait épousé un roi de France (l'obscur Louis VII) puis un... Angevin, Henri Plantagenêt, futur roi d'Angleterre, apportant ainsi ses terres aux deux royaumes. Du coup, ces derniers se disputèrent durant plus d'un siècle le même territoire, logique. Ils auraient fait une séparation des biens, je dis pas... mais ça se faisait rarement à l'époque.

Du coup, le coup de l'Angleterre ennemi héréditaire, que dalle. Pareil pour l'Allemagne qui, au regard de l'Histoire, est plutôt une cousine pas du tout éloignée. Un siècle auparavant, l'Angleterre avait été conquise par Guillaume le Conquérant. Un Français ? Pas vraiment, plutôt un Normand. Ben c'est en France ça non ? La Normandie, les vaches, Stone et Charden, tout ça ? Ben aujourd'hui, oui, mais c'est un peu comme si on disait qu'en débarquant dans les Antilles, Christophe Colomb avait envahi la France... la Normandie était un territoire cédé aux Vikings quelques temps plus tôt - les hommes du nord, les Normands quoi - pour qu'ils fichent la paix aux territoires voisins, notamment la riche Ile-de-France et ses monastères, territoire du Roi. Alors certes, le duc de Normandie était un vassal de ce dernier, mais dans les faits il n'en avait rien à carrer, et le Roi n'avait en fait comme pouvoir que celui qu'il exerçait sur Paris, sa région et une partie du Centre. Du coup, la conquête de l'Angleterre, Hastings tout ça, ce n'est qu'une des dernières victoires Vikings, en fait. Avant que ces derniers ne s'embourgeoisent. D'ailleurs, avec les Francs, ce sont quasiment les seuls qui n'ont jamais été délogés de là où ils sont allés, puisqu'ils ont par exemple colonisé une partie de la Russie et l'Ukraine... Ils se sont aussi régalés en Angleterre pendant longtemps, notamment les Danois.

Vous voyez, les nations et leurs histoires millénaires, c'est de la roupie de sansonnet, comme dirait l'autre. Dans ce cas, la Corse et la Savoie, Françaises depuis deux siècles et demi environ, ou la Bourgogne, dont les Ducs furent souvent plus puissants que le Roi même, avant que l'excellent Louis XI, déjà évoqué ici, ne mette la pâtée à Charles le Téméraire, ne font donc pas partie de la France millénaire, si ? Et l'Alsace et la Lorraine, qui ont changé une demi-douzaine de fois de nationalité entre 1870 et 1944 ? Bonjour les frais de passeport pour un Strasbourgeois né en 1860 et mort en 1950... Ça a bien du arriver, ça. Et l'Algérie, Française de 1830 à 1962 ? Elle faisait aussi partie de la France millénaire, il y a 50 ans ? Et la Louisiane ? La Martinique, la Guadeloupe ? Sérieusement...

Bref, je me régale, et je n'en suis qu'aux croisades, qui n'était rien d'autre qu'un ramassis d’extrémistes chrétiens, obéissant aussi bêtement aux Papes que les terroristes d'aujourd'hui obéissent à Al Qaïda, massacrant tout sur leur passage, en ex Yougoslavie notamment, avant d'aller se faire trucider pour l'amour de Dieu au pied de Jérusalem, qu'ils allaient prendre, puis perdre. Saint-Louis, par exemple, y perdit la vie. C'était une des dernières fois que les Francs se signalaient au monde, d'ailleurs. Du moins, avant que Nicolas Dupont-Aignan ne réclame leur retour... comprends pas d'ailleurs, ils étaient pas très civilisés ces gens là.

Je vous laisse !

mardi 13 mars 2012

Attente électorale


Salut à tous,

Purée, j'en peux plus, ce suspense me tue. J'en ai des sueurs froides, j'en rêve la nuit, j'ai la gorge sèche, les pieds poites, le kiki rabougri, les cheveux (hypothétiquement) dressés sur la tête. J'ai le trouillomètre qui a perdu son aiguille tellement il est à fond les ballons. J'en peux plus d'attendre.

En fait, y a deux suspenses qui me tuent en ce moment, notamment la Ligue 1 (est-ce que Paris va enfin être champion, après une majorité - 18 ans - passées à voir les trains passer sous son nez ?). Un suspense qui n'existerait déjà presque plus si Montpellier n'avait pas décidé d'être une équipe incroyable à laquelle personne ne résiste, à la surprise générale... Mais vous ne le croirez peut-être pas, l'autre suspense me tue peut-être plus que celui-là, qui me tient pourtant tout particulièrement à cœur : est-ce que l'empreinte de nos pieds sera imprimée sur le fondement de Sarkozy le 6 mai à 20h ? Ce serait tellement beau que je me crois capable d'écrire des poèmes à ce sujet.

Je ne peux pas imaginer resigner pour cinq années de démagogie, d'appels du pied au front national, de politiques économiques et d'immigration qui me donneraient honte de m'avouer Français à l'étranger. Je veux qu'on le vire, qu'on le jette, qu'il morde la poussière. Il me fait regretter Chirac et Giscard (au vu des archives pour ce dernier, j'avais six ans quand il a perdu, je suis pas si vieux merde). Giscard, le dernier président à n'avoir pas été réélu, à n'avoir fait qu'un mandat. Le seul aussi, si on excepte Pompidou, décédé à deux ans de sa réélection supposée, à n'avoir signé qu'un seul mandat sous la cinquième République. Ce qui fait un taux de renouvellement de trois sur quatre (on ne compte pas encore Sarkozy non plus, logique). Gnafron a donc trois chances sur quatre de repasser...

Mine de rien, depuis 1958, on n'a eu que six présidents, qui ont donc régné en moyenne neuf années pile ! Avec une pique à 14 pour Mitterand, et à 5 pour Pompompidou, par la force des choses. Si Sarkozy dégage, il égalera ce record, par le force des choses aussi : le choix des Français de lui botter son petit cul, de l'humilier. Ce serait... splendide. Legen... wait for it... dary !!

Il a raison sur un point, lorsqu'il semble dire aux gens qu'ils savent ce qu'ils perdent, ils ne savent pas ce qu'ils gagnent : dans ces cas-là, c'est aussi un référendum sur sa personne : vous voulez encore de lui, oui ou non ? Sauf que la seule fois en 54 ans qu'un président a été dégagé avant son deuxième mandat, ce n'était pas un sous-fifre en face de Giscard, c'était Mitterrand. Un boss, un client, avec une expérience longue comme Guerre et Paix, et un charisme redoutable. L'anti Hollande, en quelques sortes.

Une élection, notamment depuis que la télévision est devenue le moyen quasi exclusif - avant qu'Internet ne reprenne en partie le relais - de communication, ce n'est pas sorcier, c'est devenu une émission de télé réalité, où l'apparence est le critère prioritaire pour permettre aux gens de choisir. En 1995, au lycée, les filles de ma classe, qui allaient, comme moi, voter pour la première fois de leurs vies, me disaient qu'elles allaient voter pour Chirac plutôt que Jospin parce qu'il faisait "plus président". Cette remarque m'avait marqué. Rien n'a changé depuis 17 ans, même si on a l'impression que les gens cherchent beaucoup plus à s'intéresser aux programmes de chacun, et s'expriment beaucoup plus sur le sujet, grâce au net, on l'a vu en 2007.

Mais non, rien n'a changé. On élit un roi, en fait, il lui faut donc de l'assurance et de la force. Hier soir, au lendemain du meeting délirant de Sarkozy à Villepinte (60 000 personnes, à déplacer, nourrir et habiller gratuitement pour l'occasion, ça doit casquer, mais les revenus du candidat-président semblent aussi illimités qu'opaques), avec les lumières sur le podium, avec la musique de Superman pour son arrivée (!), avec Depardieu et Enrico Macias en intervenants de luxe (je croyais ce dernier vacciné par tout ce qui a été dit par la Droite durant cinq années sur les immigrés, les contrôles ADN etc, mais non, il est toujours aussi con et en besoin urgent de payer des impôts), et pour la première fois depuis le début de la campagne, Sarkozy est passé devant Hollande au premier tour. 28,5 % contre 27.

Il a suffit d'une démonstration de force comme seule la Droite en est capable. Il a suffit que Sarkozy, sur l'Europe, se comporte comme un vulgaire souverainiste alors qu'il n'a jamais cessé de défendre l'Europe telle qu'elle est durant sa carrière, votant et défendant le oui au référendum en 2005, comme il n'a jamais rechigné à se comporter comme un facho en de nombreuses occasions, voire comme un gauchiste lorsqu'il se déplace dans les usines, pour repasser en tête. Il ne doit pas encore être en tête au second tour, celui qui compte finalement, mais je n'ai jamais cru non plus qu'Hollande mettrait dix points dans la vue à Sarkozy, parce que ça n'arrive plus depuis l'époque de De Gaulle et Pompidou, j'ai toujours su que l'écart se réduirait. Sarkozy est un tribun, impressionnant en meeting, il arriverait presque à me convaincre s'il parlait dans une langue que je ne connaissais pas. Hollande, malgré de bonnes répliques et une incontestable intelligence, est nul en public. On ne voit pas ses yeux, il essaie de jouer, mais ça ne marche pas. Il est nul en meeting, plus nul même que Royal, vous imaginez...

Il suffit de dire n'importe quoi au pays, et ça marche. On accuse Hollande de faire de la démagogie avec son projet d'imposer les riches, mais c'est rien comparé à la promesse de Sarkozy de mettre en berne Schengen, alors que personne en Europe n'est près à la suivre ! Mais les gens sont comme ça, ils ont la mémoire d'un huitre trop cuite. Si les gens vouaient une admiration sans borne au schtroumph à lunettes, il se peindrait en bleu pour leur plaire. Je suis sûr que l'idée de terminer la campagne dans un fauteuil roulant le démange. Il leur promet tout et n'importe quoi, comme en 2007, souvent les mêmes choses d'ailleurs, et ça marche, ils reviennent dans la même boutique qui les arnaqué la dernière fois. On est dans un pays de droite, on le sait, et donc le seul moyen pour la Gauche de passer, c'est soit de présenter un candidat venu de la Droite (Mitterrand) soit d'avoir en face d'elle un repoussoir, du genre Sarkozy. Mais si ce dernier redevient séduisant, et parvient à faire oublier que c'est lui qui dirigeait le pays depuis cinq ans... ça peut passer.

J'en peux plus d'attendre, c'est trop cruel.

Je vous laisse.

vendredi 9 mars 2012

Remember Scotland

C'était un mercredi, c'était il y a un


Fou d'impatience, je prenais un avion, au bout du bout du bout du dernier terminal de l'aéroport Charles de Gaulle. A l'époque, je m'étais dit que j'avais grandit dans un village probablement plus petit que cet aéroport. Sans compter les pistes.


On avait survolé l'Angleterre après la Manche, et la côte belge et sûrement néerlandaise. Albion, toujours aussi pudique, se cachait sous ses nuages habituels. Au moment d'atteindre Édimbourg, les clichés étaient de sortie : nuages, pluie fine, mer noire... on avait payé pour l’Écosse, on en avait pour notre argent.


Je suis tombé amoureux de ce pays, et depuis un an moins une semaine, je n'ai qu'une idée en tête : y retourner. A Édimbourg, bien sûr, cette ville splendide, bâtie sur un volcan, avec sa vieille ville et son vent capable de vous geler sur pied. Et puis, une fois passée l'embouchure du Forth sur son pont centenaire, qui n'a pas fini de rendre fier l’Écosse, direction les Highlands, en passant par la petite ville de Pitlochry. Là, dites adieu à la civilisation, à l'humanité, à tous ce que vous connaissez. Place aux montagnes majestueuses, aux vallées profondes, aux Lochs inquiétants, aux moutons, aux élans, aux châteaux hantés qui surveillent tout cela.


Et puis l'Ile de Skye. Mon dieu, l'Ile de Skye... j'en rêve la nuit. Ses légendes, ses mauvaises fées, ses balades... je crois, sans déconner, que je ne me suis pas remis de ce voyage dont je rêvais depuis une dizaine d'années. Vous savez, c'est rare quand vous attendez longtemps quelque chose, vous l'idéalisez, vous le jouez dans votre tête avant, et qu'une fois sur place vous n'êtes pas déçu. C'est comme quand on vous dit d'aller voir un film parce que c'est fabuleux, et qu'au final vous aimez bien, mais pas au point que vous l'imaginiez. Et bien là, c'était encore mieux que prévu, c'était un rêve. La neige a peut-être aidé, elle a rendu les paysages encore plus féériques. Au retour de l'Ile de Skye, on avait l'impression de traverser la Finlande. C'était à la fois un plus et un moins, en fait : on a eu l'impression de ne pas voir la véritable Écosse, finalement. Mais on la fera, c'est un besoin physique.


J'ai besoin de voir "en vrai" le champ de bataille de Culloden, qui a vu en 1746 les Anglais massacrer les Highlanders, qui ne sont pas qu'une invention d'Hollywood. C'était un mode de vie, et après cette bataille, il a été littéralement interdit en Écosse. J'ai envie de revoir les vaches écossaises, et leurs franges indisciplinées. J'ai envie de voir ce pays sans ce manteau blanc qui était magnifique, mais qui n'était pas le sien.


Ça n'avait duré qu'une semaine, six jours en fait... on avait bien profité, et pourtant on est loin d'avoir tout vu.


Le 11, on était sur l'Ile de Skye, où on s'apprêtait à passer notre première nuit d'insulaire. On allait passer notre soirée dans le pub de Kyleakin, le petit bourg qui accueille les visiteurs au pied de ce pont inutile et hors de prix que les Écossais refusèrent de payer (d'où, peut-être, leur réputation de radinisme...), à découvrir nos compagnons de bus, une bière à la main. Une télé était littéralement allumée sur le monde, une chaîne d'info diffusant en boucle des images du Japon, qui disparaissait sous son Tsunami. Les voitures valdinguaient, les bateaux quittaient l'eau, les gens couraient... et nous, bouche-bées devant ce spectacle muet, ne comprenant pas vraiment ce qui se passe. A l'époque, dans notre bout du monde, on ne s'était pas vraiment rendu compte de l'horreur de la situation. Le lendemain, j'avais acheté un journal local dont la une montrait un tourbillon immense, charriant des bateaux et autres débris improbables... je l'ai gardé.


Tout comme j'ai gardé cette boîte de Haggis que j'avais acheté là-bas, peut-être parce que depuis j'ai trouvé une boutique vers République qui en vendait du meilleur, encore dans sa panse de brebis. Peut-être parce qu'un souvenir, ça se consomme pas...


Je vous laisse.

vendredi 2 mars 2012

Réflexe anti citoyen

Salut à tous,

Ça fait quelques mois que j'ai créé mon blog de foot, du coup je ne parle plus de foot ici, logique. Je ne vais pas m'amuser à siphonner son contenu alors que le plus dur, justement, c'est souvent de trouver des sujets de posts intéressants pour le faire vivre... mais comme les vases communiquent, ça nuit forcément au contenu de celui-ci, même si j'essayais de moins parler de foot depuis longtemps, histoire d'arrêter de faire fuir mes fidèles lectrices. Oui, même moi j'écoute mon lectorat, je veux lui faire plaisir.
My pleasure.

Mais quand l'actu générale et celle du foot s’emmêlent, je crois que je peux encore en parler ici. C'est le cas des conséquences pour le moins inattendues de la proposition de François Hollande de taxer à hauteur de 75% les revenus de plus d'un million d'euros, qui aura fait parler beaucoup de monde, mais pas vraiment ceux qu'on attendait, même si au final ça n'a rien d'étonnant, et c'est surtout assez symptomatique de la façon dont fonctionnent les gens. En castes. Qui a le plus râlé et critiqué cette proposition qui semble pourtant fédérer une majorité de Français (ce qui ne garantit évidemment pas sa qualité, on l'a souvent constaté) ? Les patrons, qui étaient pourtant clairement visés, surtout ceux qui s'étaient honteusement augmenté de plus de 30 % l'année dernière ? A part le baron Séillière ce matin, je les ai pas trop entendu, peut-être parce que se montrer, ça les renverrait à leur
comportement lamentable. Leurs amis de l'UMP ? Forcément, mais ça ne compte pas. Non, ceux qu'on a le plus entendu, au point que le spécialiste de la Bourse, l'inénarrable Jean-Marc Sylvestre, en parlait dans sa chronique sur iTélé tout à l'heure, ce sont les footballeurs.

Car oui, mes amis, oui, tout arrive, les footballeurs peuvent avoir un avis. Ce n'est pas le cas lorsqu'ils vont jouer pour un club chinois pour un salaire de dingue, ou lorsqu'un dictateur d'Asie centrale les arrose de montres de luxe après qu'ils aient gentiment participé à un match amical dans son pays, non, là ils restent neutres, car ce n'est pas leur rôle de parler de politique, vous comprenez. Eux ils vendent du rêve, ce sont des artistes, ils sont au-dessus de tout ça, des problèmes du pays, de la crise. La crise, ils la font oublier au peuple, par leurs arabesques, leurs bloc-équipes et leurs "bons" 0-0.

Mais évidemment, quand ces méchants gauchistes osent s'attaquer aux hauts salaires quand, depuis des mois, le gouvernement ne cesse de demander de nouveaux efforts aux couches les moins favorisées, trop c'est trop, ils se révoltent. Leur petit cœur tendre et généreux ne peux plus supporter une telle infamie. Alors qu'Hollande ne pensait évidemment pas à eux - il a autre chose à penser, du moins je l'espère - ils se sont tous mis à geindre en chœur pour affirmer que ce serait la mort du foot en France - rien que ça, les amateurs apprécieront -, que tout les joueurs partiraient à l'étranger, etc. Le bon vieux refrain classique qu'on entend habituellement à propos des patrons et autres milliardaires qui maintiendraient manifestement en vie l'économie française grâce à leurs investissements, qu'on ne voit pourtant pas beaucoup au moment où la France en aurait pourtant le plus besoin, et qu'il faut donc chouchouter.

Comme si ça intéressait les gens. Comme si le sort des footballeurs, qui plus est honni depuis bientôt deux ans et l'affaire de Knysna, eux qui sont désormais associés presque exclusivement aux prostitués et à l'argent facile, au point que l'essentiel de la population les croit tous milliardaires, allait émouvoir cette même population, elle qui est déjà prise à la gorge par la crise, mais aussi par les différents plans de rigueur du gouvernement, qui considère que si l'Europe est en crise, c'est à cause des dépenses publiques, et non à cause de la finance et du libéralisme.

Dieu sait que j'aime le foot, vous le savez. Et DIEU SAIT que je déteste tout autant, voire, plus, cette manie tellement française de s'attaquer aux footballeurs de façon primaire, notamment sur leurs salaires, sachant que c'est en général le cas lorsque les résultats de la sélection et/ou des clubs ne sont pas bons (en 98 ils étaient également très bien payés, ils allaient probablement aux putes aussi, mais personne n'en parlait parce qu'ils gagnaient...). Mais quand ils se mettent à pleurer sur leurs avantages de privilégiés qui seraient rognés par ces gauchistes qui n'aiment pas les riches et qui sont jaloux et démagos, ça ne me fait pas rire ni pleurer, ça me fait hurler. Surtout que personne ne pensait à eux, parce qu'on en a rien à branler de leurs problèmes, très franchement ! Et tant pis si les clubs ne peuvent plus recruter de stars, de garder leurs meilleurs joueurs et d'avoir des résultats en Coupe d'Europe, si ça permet de régler une partie des problèmes de la France ! Si le moyen ultime de régler la crise serait d'interdire le sport, je serais pour, vous imaginez. Dans une telle période, on doit revenir à l'essentiel, et les footballeurs ne le sont vraiment pas, essentiels, et encore moins leurs résultats. Et puis, ne vous inquiétez pas, la crise n'existe pas qu'en France : à cause, notamment, de politiques salariales délirantes, la moitié des clubs espagnols, italiens ou anglais sont à deux doigts de la banqueroute, ce qui n'est pas le cas des clubs français, dont la vis est régulièrement serrée, et de façon sévère, par la DNCG. Un déficit de 10 millions, et la relégation n'est pas loin. Le Real Madrid a un trou de 500 millions d'euros. Du coup, pas sûr que les résultats des clubs français en souffrent, sur le long terme.

Et puis, ça concerne combien de joueurs, qui toucheraient donc environ 100 000 euros par mois ? Un peu plus d'une centaine, apparemment, sur 500 professionnels en Ligue 1. La moyenne des salaires en Ligue 1, c'est 45 000 euros. Évidemment, les journalistes n'ont pas demandé aux clubs peu concernés, genre Valenciennes, Sochaux et la quinzaine de leurs congénères de Ligue 1, ce qu'ils en pensaient, vu que des joueurs à 100 000 euros, ils en ont pas. Pas les moyens. Non, ils ont demandé ça aux entraîneurs de Marseille, de Lyon (qui, tout en évoquant également la probable fuite des joueurs concernés, à quand même rappelé l'importance d'être solidaire en temps de crise, bravo à Rémi Garde) et de Lille, et à Christophe Jallet, joueur du PSG. Ils étaient tous d'accord, forcément. Ça va être un cauchemar, une fuite à Varennes en autobus. L'équivalent des chars russes de 81, version football.

Le cas du dernier nommé est révélateur. Voilà un joueur qui n'a pas fréquenté de centre de formation, qui est issu du foot amateur, qui est passé par des clubs comme Niort ou Lorient, et qui n'était donc pas, jusqu'à son arrivée à Paris, où l'augmentation de son salaire l'a fait rentrer dans cette tranche désormais maudite, enclin à parler comme ses collègues plus réputés, plus starifiés, formaté par des centres de formations qui les coupent pour toujours du reste du monde et de ses réalités. Non, Jallet aurait du comprendre, il ne devrait pas avoir ces œillères qui l'ont fait sortir les
mêmes âneries que ses congénères. A défaut d'adhérer complètement, il aurait pu comprendre, au moins essayer. Mais non. Sur ce plan là, mon joueur préféré du PSG m'a déçu, je dois dire. Jusqu'où faut-il creuser pour trouver un joueur concerné par les problèmes du pays, et non ses petits problèmes de riche ?

Comme je le disais, c'est aussi symptomatique de la façon de fonctionner de notre société. On fait payer plus cher les clopes, les fumeurs et les buralistes râlent. On met des radars, les automobilistes râlent. Les gens n'arrivent pas à réfléchir de façon globale, de se mettre à la place des autres, ceux qui en ont marre de se prendre de la fumée dans la tronche ou de se faire renverser par des chauffards. Non, on reste dans son coin, dans sa caste. On est fumeur ou automobiliste avant d'être citoyen. C'est comme ça qu'on construit une société égoïste et individualiste. C'est aussi pour ça que les campagnes électorales ont le plafond aussi bas : chaque candidat cherche à plaire à chaque catégorie de la population, et non à l'ensemble des Français.

Je vous laisse.