mardi 30 septembre 2008

100 minutes de bonheur


Salut à tous,

Hier avec mon Amour et mon pote Z., on est allés à Saint-Michel voir "20 minutes de bonheur", documentaire sur la fabrication de l'émission qui fera date dans le scatologisme télévisuel, j'ai nommé "Y a que la vérité qui compte", animée par les improbables Bataille et Fontaine. A propos, lisez bien cette page Wikipedia, où certains éléments contredisent ce qu'on voit dans le film, à savoir le fait que les gens auraient le droit de refuser la diffusion de leur émission. Apparemment, c'est pas toujours le cas... Je me demandais pourquoi la production avait accepté qu'une caméra filme la fabrication de l'émission, c'est peut-être une explication : montrer qu'ils sont humains et doués de sentiments autre que le cynisme mercantile. Malheureusement pour eux, ce documentaire est accablant.

Tandis que je tape ce post, je me balade sur Wikipedia et je découvre avec une stupeur à peine contenue que Pascal Bataille (le grand con, qui paraît presque normal par rapport à son collègue, j'y reviendrais) est le fils d'un psychiatre qui était également psychanalyste, et qu'il a quand même fait une hypokhâgne et une khâgne au lycée Henry IV, un des plus prestigieux établissement parisien, près du Panthéon ! Incroyable comme la vie peut mener à tout... quand à l'autre, il est diplomé de lettres modernes. Très, très modernes, les lettres, apparemment...

Inutile de préciser à quel point je peux abhorrer ce genre d'émissions, qui sont la preuve que l'homme est capable du pire, dans tous les domaines. Rien que le titre dégouline de populisme. C'est sur que donner comme titre "la vérité c'est bien, mais on ne se privera pas de mentir", ça accroche moins, dans un monde ou à la question "quel est le pire défaut ?" 105 % des gens répondent, sans réfléchir évidemment, "le mensonge". La violence ou le vol, non, l'important c'est de ne pas se mentir, évidemment... bref, je m'égare.

Oui, cette émission c'était de la merde en boîte, un concentré de démagogie populiste. En même temps, s'il y a de bonnes émissions, il y en a forcément de mauvaises. Ce n'est pas une excuse pour essayer de tirer le niveau par le bas. Tandis qu'il se fait coiffer ses implants, Laurent Fontaine tente de se justifier : "quand un inceste passe sur la Une, c'est du voyeurisme, quand c'est sur la 2, c'est un débat, et quand c'est sur Arte c'est une soirée Théma". Il n'aurait pas tort si on ne tenait pas en compte le mode de traitement. En l'occurence, je ne fais pas une grande différence entre Delarue, le larmoyant et si compréhensif montreur de monstres de la 2, et les Laurel et Hardy du populisme. Mais il est particulièrement malhonnête intellectuellement d'affirmer que Arte traîte les mêmes sujets d'abord aussi souvent qu'eux, et surtout de la même manière. Bataille et Fontaine, qui se montrent en petits bonhommes rigolos dans leur générique, où une musique guillerette écarte toute crainte chez le téléspectateur qu'il s'apprête à voir à la télé tout ce que la beaufferie est capable de générer, font de la misère humaine un spectacle, une émission de divertissement. Ils montrent la misère tout en insistant sur le côté suspense de leur émission : l'important ce n'est pas de s'appitoyer sur le malheur de quelqu'un, et encore moins de l'aider, l'important c'est de savoir s'il y aura un échec monumental et destructeur ou pas pour la personne qui avait appelé à l'aide. Le rideau va-t-il s'ouvrir, ou allez vous signer pour 15 ans de psychanalyse ? J'ai pas encore vu ça sur Arte, a priori. Vous imaginez ? "Soirée Théma sur une personne qui peut retrouver son fils rescapé d'Auschwitz, mais celui-ci voudra-t-il le voir ? La réponse après la pub".

Le documentaire est édifiant, accablant, terrifiant. On voit Bataille, qui semble beaucoup plus réfléchis, calme et humain avec ses collaborateurs, à un tel point qu'on peut parfois se demander ce qu'il fout là, étudier avec une méticulosité de fourmi les chiffres d'audience : les chiffres sont bons, mais ils ne sont qu'à 41 % sur les ménagères, au lieu des 43 obligatoires. Ca va mal, que fait la police des ménagères bordel ? On voit le rédac chef, un grand échalat au pif prohéminent et au cheveux rare mais long, qui s'exclame devant une image d'une fille qui marche dans la rue : "Je ne veux pas de cette image, elle est ni triste ni gaie. A la télé il faut que les gens qui regardent n'aient pas à réfléchir, il faut qu'ils sachent tout de suite si ce qu'ils regardent est triste ou gai". Une réflexion à mettre en étroite relation avec le "temps de cerveau disponible" de Patrick Le Lay.

On voit des collaboratrices (toutes canons, ou quasiment) obligées de mentir au téléphone pour avoir en ligne des gens. On assiste à la fabrication d'un des... "reportages" (les guillemets ne sont pas assez forts pour souligner la réserve que je mets sur ce terme pour qualifier ce truc) mielleux et racoleurs qu'on voit avant de "traîter" (idem) le cas des "témoins". Une fille veut retrouver son amie qui l'empêchait de prendre en photo tout le monde tout le temps, un vrai toc, bizarre et tout. Ils la suivent donc dans le jardin du Luxembourg (elle n'est pas Parisienne, mais bon...) à faire semblant de prendre des photos, et puis pouf, plus de pile, donc plus de clics. Hop, ils la filment en train d'acheter des piles (généreusement réglées par la production, qui n'hésite par ailleurs jamais à offrir du parfum à ses employés le jour de leur anniversaire, on est classe ou on ne l'est pas). Je n'ai pas vu le résultat de cette mascarade, mais si Jean-Luc Godard n'a pas aimé, c'est qu'il n'a rien compris au cinéma. On verra à la fin du film le caméraman discuter avec un père fou de joie d'avoir pu retrouver son fils grâce à l'émission. dans cette scène, le contraste est absolument saisissant entre le professionnel blasé de l'émotion, qui en vu des centaines avant lui et qui aligne les "oui c'est sûr, c'est génial" tout en regardant ailleurs, et le bonheur sincère du jeune sexagénaire qui tente de la lui faire partager.

On voit Fontaine (une perle celui-là, exceptionnel) plaider pour qu'on ne traîte pas le cas d'un jeune homo qui veut retrouver celui qu'il aime, un truc comme ça. Bah oui, il est important de ne pas choquer le public homophobe de l'émission ! Véridique, je n'invente rien. Il se met à la place (c'est apparemment naturel chez lui) des parents dont la plus grande des hantises serait, selon lui, de découvrir que leur gosse est gai, et ne veut pas les choquer. Enfin, les choquer il s'en fout, il ne veut pas les perdre surtout. Tout audimat est bon à prendre quoi, merde ! Une perle, je vous dis ! Pas une seconde l'idée lui viendrait de faire de la télé exemplaire et courageuse, qui irait à l'encontre des phobies de son audimat. C'est quelque chose qui n'est pas près de pénétrer son cerveau, pas du tout disponible en l'occurence.

Après le tournage, on assiste au débrief, LA scène marquante du documentaire, à mon avis. On y voit un Bataille... non, un Fontaine, le petit gros au regard halluciné, quoi (il est encore plus halluciné en vrai qu'à l'écran, à croire qu'il a fait voeu de ne plus cligner des yeux tant qu'il ne passerait pas en dessous des 40 % d'audience), donc un Fontaine en chemise et caleçon déguster des chips tout en engueulant son équipe comme du poisson pourri. Le motif de cette colère saine et dénudée ? Le casting du jour. Les filles qui sont passées à l'antenne n'ont pas le physique autorisé pour passer dans cette émission. "Si vous n'avez pas vu le problème, moi je l'ai vu". Kezako ? "Elles ne portent pas leur histoire". Ah tu me rassures, j'ai cru que les moches n'avaient pas accès à la télévision de qualité. Dans ce cas, je trouvais que, comme souvent, les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés.

Y a tellement de chose dans ce documentaire que j'en oublie, le mieux c'est que vous alliez le voir. En tous cas, ça fait du bien de se défouler :p

Je vous laisse !