Après ce tunnel écossais, revenons à cette bonne vieille réalité, cette vieille savate si chaude et familière, tellement rassurante que, si merveilleuses peuvent-être certaines expériences comme un voyage de ce type, on y revient toujours, tel Joachim préférant sa douceur angevine au mont Palatin.
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Oui bon, c'est quand même difficile d'atterrir après un truc pareil. Depuis deux semaines que je suis revenu, j'ai toujours la tête ailleurs. Enfin je veux dire, encore plus que d'habitude. Faut dire que la période n'est vraiment pas gaie en ce moment, et je ne suis pas de ceux dont l'humeur varie de façon positive au gré de la montée du mercure ou du cycle solaire. Depuis quelques semaines je suis probablement en train de perdre deux de mes tout meilleurs amis pour des raisons de plus en plus obscures dont je vous ferais grâce. Je suis également revenu de vacances comme j'en ai rarement attendu (dix ans, ça fait un bail), j'ai pris une année supplémentaire dans la tronche, et en plus le monde est en train de sombrer dans la guerre et la catastrophe nucléaire. Et cette fois c'est pas au bout du monde, pour la première, puisque c'est à un jet de rafale de la plage du Prado, ni dans un de ces pays qui paraissent condamnés à subir des tsunamis, les pays pauvres en l'occurrence.
C'est vrai, on a toujours l'impression que les tornades, les tremblements de terre et autres joyeusetés de ce style sont exclusivement réservés aux pays qui ne peuvent pas se le permettre, des pays pauvres ou en voie de développement. On peut effectivement se dire que si l'Europe, par exemple, a prospéré depuis deux ou trois millénaires, c'est justement parce qu'elle est relativement à l'abri de ce genre d'horreurs. Ses volcans sont éteints, pour la plupart, ou en sommeil prolongé, les deux plaques européennes et africaines ont l'air de pas trop mal s'entendre, contrairement à leurs peuples et surtout à celles du Pacifique qui n'arrêtent pas de se prendre la tête, quant aux tornades, on les laisse au continent américain, à qui ça a l'air de tant plaire culturellement. Donc, hormis quelques inondations assez mineures, comparées aux catastrophes qu'on observe sur les autres continents, on a pas trop à se plaindre. Du coup, pour compenser, on se fait quelques guerres, auxquelles on invite d'autres pays non européens pour en faire des conflits mondiaux, on massacre des peuples entiers... Comme le dit d'une façon si imagée une expression particulièrement en vogue en ce moment, on n'est pas au pays des Bisounours.
En revanche, le Japon... La pauvre Cécile Duflot s'est bel et bien trompée, après vérification l'archipel nippon figure bien au nord de l'Équateur, autre signe qu'on a moins de chance statistiquement de finir sous trente mètres d'eau ou dans un glissement de terrain. Surtout, il s'agit là d'un des pays les plus riches les plus puissants au monde. Et, tandis que des pays sont quasiment rayés de la carte dès qu'un tremblement de terre y franchit la barre de 7 sur l'échelle de Richter, on nous apprends depuis l'enfance que le Japon, habitué depuis toujours à ce phénomène puisque littéralement bâtit sur une des failles les moins dociles du monde, est parfaitement équipé pour les affronter, puisque ses bâtiments sont tous construits de façon anti-sismiques. Du coup, la Terre peut tortiller de la plaque, nos amis nippons avaient tout prévu.
Et c'est ça qui fait flipper, qui nous fait peur. Certes, la seule faille connue dans notre secteur, quand elle se réveille, provoque des dégâts relativement mineurs. A part à l'Aquila, bien sûr. On a quelques volcans, évidemment, mais ces derniers servent plus à vendre de l'eau minérale qu'à faire vivre les habitants du Puy dans une peur latente de disparaître un jour comme ceux de Pompeï. L'Italie, encore, si proche, et tellement en train de bâtir des centrales nucléaires dans des zones à risques. Mais on est quand même un pays développé, comme le Japon, et comme lui on se croit à l'abri, parce qu'on a tout prévu. Et parce que ça n'arrive plus qu'aux autres, comme les guerres ou les révolutions.
Là-bas, il y a une ville dont le nom m'a échappé qui était protégée d'éventuels Tsunamis par une digue gigantesque figurant dans le Guinness des records, capable de résister à une vague de sept mètres de haut, ou un truc du genre. Cette digue n'a pas résisté à la vague. Les villes qui ont été rasées sous les yeux effarés du monde civilisé étaient sûrement constituées de bâtiments anti-sismiques. Et effectivement, on en est actuellement QUE à une quinzaine de milliers de morts, sans parler des disparus, quand le Tsunami en Indonésie en a fait 20 fois plus. Est-ce sa richesse et sa puissance technologique qui ont protégé le Japon d'un nombre à six chiffres ? Si c'est le cas, c'est encore terriblement insuffisant.
Et puis évidemment y a cette centrale nucléaire. Les Verts ont été accusés d'opportunisme en réclamant la fin du nucléaire en France, comme s'ils ne l'avaient jamais fait avant... ça n'a rien à voir avec l'UMP qui se découvre des réflexes xénophobes depuis dix ans - et pas seulement quelques semaines - parce qu'il y a des voix à récupérer à sa droite, après avoir gueulé contre les loups comme les autres. La sortie du nucléaire est de toutes façons inéluctable, à long terme malheureusement, parce que ça reste une technologie barbare, dépassée, anachronique et incroyablement dangereuse. L'éolienne ou le solaire sont peut-être plus chères, aussi moches soit-disant, mais tellement plus sûres. Mais le lobby du nucléaire, en France, est un des plus puissants au monde. Et d'ici à ce qu'on fasse comme les Allemands dans le Land du Bade-Wurtenberg, à savoir décider d'éteindre les centrales, et le temps que ça puisse se faire, pas sûr que nos enfants puissent vivre un jour dans un monde définitivement débarrassé de cette grosse merde.
Difficile, dans un pays comme le Japon où on est jamais très loin de la mer, de bâtir des centrales très éloignées du rivage. Mais au bord de la mer, fallait quand même le faire. Résister à l'argent qu'elles rapportent tant qu'elles ne vous pètent pas à la gueule, c'est encore plus difficile, manifestement.
Le drame, c'est aussi que parce qu'on a peur que cette centrale saute, ce qui mettrait notre propre sécurité en grand danger, plus que le mini nuage qui nous a survolé tandis que l'UMP se fourvoyait une nouvelle fois avec la vermine, et parce qu'on est intervenu en Libye, ce que je soutiens mais qui paraît très insuffisant, et bien on ne parle que très peu du Tsunami en lui-même, et de ses victimes, comme on l'avait fait pour l'Indonésie. Ce dernier avait doublement choqué parce qu'il s'était déroulé à Noël, et qu'une quantité non négligeable d'occidentaux y avaient laissé leur vie. On ne parle pas non plus des victimes de ce qui faut bien appeler la guerre civile ivoirienne.
Je vous laisse.
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